Amor Hakkar travaille avec les moyens du bord. A savoir peu mais bien, comme en témoignent trois longs métrages et un documentaire depuis 1992. «La Maison jaune», en 2008, a récolté plus de 33 récompenses dans les festivals internationaux. «Quelques jours de répit», sorti cette année, commence lui aussi à tourner dans le monde des festivals, dont celui de Sundance où il est le seul film français sélectionné.
Fixé à Besançon, il y a créé Sarah films, sa société de production. «Avoir une société de production est une façon de se garantir contre l’idée insupportable qu’un film puisse rester sur une étagère. Elle me permet de respecter une certaine philosophie. C’est l’idée d’une société de production citoyenne. Cela me permet de produire mes propres films, qui restent à très petit budget, dans un esprit artisanal. Ma première motivation est de faire des films, pas de gagner de l’argent.Cela réclame suffisamment d’énergie et présente suffisamment de difficultés. Il me faut en moyenne deux ans pour faire un film. Ecrire un scénario, l’affiner, chercher des financements, le monter. Cela ne m’empêche pas d’être disponible pour donner des conseils, un avis, mais ce n’est pas un rôle déterminant».
Moins touché que d’autres par la crise (« parce que je suis dans un système low cost moins impacté que les films moyens à 1 ou 2 millions d’euros »), il parle de patience. «Travailler dans le cinéma est une toile que l’on tisse doucement. On se fait connaître lentement en continuant à faire des choses dans son coin. Plus ça va, plus j’ai l’impression de me rapprocher de ce qui est essentiel à dire. Avec le temps tu mûris, tu affines, tu travailles mieux».
S’il a un secret et un conseil, ils tiennent dans ce mot : travail. «Le cinéma est difficile, mais pas impossible d’accès. Il ne faut pas croire que ceux qui réussissent ont uniquement de la chance et du talent. C’est toujours beaucoup de travail. Il faut toujours avoir envie de progresser et profiter de toutes les opportunités de s’améliorer : aller au théâtre, faire des stages, s’initier à la technique, comprendre comment les choses fonctionnent. Si l’on est acteur, il n’est pas utile de se dire «je n’ai pas de chance» ou «je suis un acteur maudit». Au lieu d’attendre, il faut continuellement se préparer, acquérir de nouvelles qualités, apprendre à chanter, à danser, à jouer de la comédie comme du drame. Rien ne vient d’un claquement de doigts. Il faut sans cesse se remettre en cause. Le talent, c’est 99 % de travail».
Le secteur est, il le reconnaît, difficile. Mais il se veut encourageant. «C’est vrai qu’il y a un décalage entre l’image donnée par le cinéma et la réalité. Pour ceux qui font des films, c’est souvent la galère. Pour autant, il ne faut pas casser le rêve de ceux qui veulent vraiment prendre cette voie. Il est important de rester lucide, mais sans renoncer. C’est difficile, mais c’est difficile aussi de passer le concours de médecine. Personnellement, j’aurais plutôt tendance à encourager les jeunes. A condition qu’ils sachent qu’il faut de la méthode, un cheminement, de l’expérience. Mais quand on a des rêves, cela vaut le coup d’y aller. Si on renonce à 20 ans, on renonce à tout». Cet optimisme réaliste lui vient sans doute de son parcours. «Jeune, faire du cinéma me semblait inaccessible. Je viens d’un milieu où il fallait faire un «vrai» métier. Il m’a fallu lutter contre cette pression. Mais je pense, je donne, je vis cinéma ; c’est mon oxygène». Il dit encore : «je n’ai rien choisi, c’est ce métier qui m’a choisi. Mais je l’ai chevillé au corps malgré toutes les difficultés, financières ou autres». Et si les nouvelles technologies permettent un accès plus facile au mode d’expression de la narration filmée, les questions éternelles de l’acte de création ne changent pas. «Cette démocratisation permet à plus de gens de s’exprimer mais ne change pas l’essentiel : qu’as-tu à raconter ? Tout ne devient pas plus simple pour autant : scénario, direction d’acteur, costumes, décors présentent les mêmes difficultés qu’avant».
Stéphane Paris
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