Des événement comme la fête de la musique ou le mois de la photographie en sont à la fois le symbole et la partie la plus visible : les Français sont de plus en plus nombreux à pratiquer des activités artistiques diverses. Qu'un ministère décide d'offrir pour une journée la rue aux musiciens de tous ordres, nécessitait en effet d'abord l'émergence suffisamment importante de ce phénomène dans la société. Une étude récente publiée par le ministère de la Culture réalisée à partir d'une enquête nationale menée en 1994 (1) révèle que « près de la moitié des Français de 15 ans et plus (47 %) ont pratiqué la musique, le théâtre, la danse, les arts plastiques ou une activité d'écriture pendant leurs loisirs. Un quart a aujourd'hui totalement abandonné, mais 22 % ont pratiqué au moins une de ces activités au cours des douze derniers mois ». La progression est actuelle, comme le montre la pratique par tranche d'âge : les 15 - 19 ans ont par définition moins vécu que leurs aînés ; c'est pourtant parmi eux que l'on trouve la plus forte proportion de personnes ayant pratiqué au moins une fois (62 %). Chez les 25 - 34 ans, le taux est de 53 %, chez les 45 - 54, 45 % et chez les 55 - 64, 39 %. Et plus les pratiquants sont jeunes, plus ils sont nombreux à avoir essayé plusieurs activités. Au premier plan, la musique : 35 % des Français de plus de 15 ans ont déjà joué de l'un ou l'autre instrument. Ensuite, parmi les activités sélectionnées dans l'enquête, le dessin et le chant dans un groupe, une chorale ou une fanfare sont les plus pratiqués (13 % ). Suivent la danse (11 %) et la tenue d'un journal intime (10 %). Et 8 % ont déjà écrit des poèmes, des nouvelles ou un roman, autant que ceux qui ont pratiqué le théâtre. « La diffusion de ces activités est sensible depuis le début des années 70, dans chacun des domaines. Il s'agit par conséquent, même si chaque activité a une logique et un rythme propres de développement, d'un mouvement général » signale l'enquête qui indique également que de « nombreux éléments portent à croire que le mouvement est appelé à s'amplifier dans les années à venir ».
Parmi les indices, l'augmentation constante des demandes d'inscription dans les écoles d'art et de musique. Si les Centres polyphoniques ont été créés, c'est pour faire face au développement du chant choral. Aujourd'hui, les ateliers théâtre font le plein tandis que ceux d'écriture se multiplient. Pour la seule ville de Besançon, on recense à l'heure actuelle, pour les amateurs, 28 lieux où faire de la danse, 27 pour la musique, 15 chorales, 15 ateliers de peinture et 9 pour le théâtre. Créée il y a deux ans, «La Terre, l'Eau, le Feu» est l'un des seuls à proposer de la poterie et de la céramique. « Il y a une demande conséquente raconte le fondateur, Michel Billoin. Entre les enfants et les adultes, une cinquantaine de personnes vient chaque semaine à l'atelier ».
10 milliards de francs
Depuis deux ans, Escale réunit pendant trois jours les troupes théâtrales amateurs de Haute-Saône. Au centre social de Lure, Estelle Vincent, 21 ans, s'occupe de l'une d'elles avec laquelle elle a travaillé l'an dernier sur un texte de Dario Fo et un autre de Steve Gooch. « On est vraiment tous amateurs et cela donne une ambiance très sympa, pas de stress, pas de contrat avec personne, on joue pour se faire plai-sir. Le sérieux est là quand même, il n'y a pas que de la rigolade, mais on travaille avant tout sur ce qu'on a envie ». Son avis semble partagé : dans les différents domaines, le sondage montre que les amateurs conçoivent leur activité d'abord comme un moyen de se distraire et d'oublier la vie de tous les jours, puis de partager des moments avec des amis ou en famille et de découvrir des civilisations ou des gens différents. Dans leur grande majorité, sauf pour l'écriture, la plupart se considèrent eux-mêmes comme amateurs. Cela n'empêche pas, d'après l'enquête, « ces activités de générer des flux économiques dont le poids est loin d'être négligeable et de constituer probablement un des secteurs culturels où le nombre d'emplois potentiels est le plus important. Un autre travail récent du Département des études et de la prospective estime en effet que les amateurs en activité dépensent au total de l'ordre de 10 milliards de francs et participent à l'existence d'environ 100 000 emplois, notamment dans le domaine de la formation ».
Enjeux artistiques et sociaux
La progression des activités artistiques met en avant, selon l'enquête, deux autres faits : une résonan-ce avec certaines évolutions de la société comme l'individualisme, le rôle décroissant du travail comme facteur d'identité sociale, les problèmes de cohésion et d'intégration. « Ces activités peuvent être source à la fois d'enrichissement personnel et de lien social (...), plusieurs expériences montrent qu'elles peuvent participer efficacement à la politique menée contre l'exclusion culturelle ».
L'autre enjeu est artistique : « le monde des amateurs a souvent été un lieu d'innovation et de renouvellement des formes d'expression dans la plupart des domaines artistiques et les amateurs (...) vivent une expérience artistique ou esthétique souvent importante à leurs yeux ». Pour Moïse Beaux, qui s'occupe de la mise en scène à la Théâtrale, troupe amateur de Vesoul, ce n'est pas sur le plan artistique que se trouve la distinction avec les professionnels : « Il n'y a pas un théâtre amateur ou professionnel ; il y a un théâtre, on essaie de servir un texte, de faire passer des idées et de faire plaisir à des gens qui ont choisi cette expression là. La différence est qu'on a moins de temps, moins de moyens et pas toujours une formation mais d'un autre côté, on peut prendre beaucoup plus de libertés que les pros ».
Stéphane Paris
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