A l'initiative de l'association Métiers d'art en Franche-Comté, 50 ateliers de la région ont ouvert leurs portes au grand public le mois dernier. L'occasion de découvrir ces ébénistes, luthiers, marqueteurs ou restaurateurs de tableaux dont le travail est souvent méconnu. Confinés dans leurs ateliers, «les artisans d'art ont un grand savoir-faire mais du mal à le faire savoir» résume Emile Ney, président de Métiers d'art en Franche-Comté et maro-uinier à Bucey-les-Gy, en Haute-Saône. Manque de temps et de moyens et travail à l'écart dans de petites structures sont les causes principales de cette situation. L'exemple franc-comtois est représentatif : à côté de quelques PME comme la verrerie de Passavant ou la faïencerie de Salins, la plupart des entreprises sont de type artisanal et dans 60 % des cas familial. 80 % sont installées en milieu rural. C'est notamment pour pallier cette situation en créant un dynamique, une synergie et des actions communes que Métiers d'art en Franche-Comté est né en 1990. «Au moment où l'industrie, le commerce, l'agriculture, connaissent de profondes mutations et restructurations, les professionnels des métiers d'art ont un avenir en sortant de leur isolement». En résumé, il est plus facile de communiquer et réaliser des actions visibles à plusieurs que seul. A entendre différents artisans en parler, les métiers d'art n'ont rien d'une sinécure. L'un des points communs à ces professions est de faire coexister la technique, l'artistique et la qualité.
Des notions qui exigent quelques nécessités : un don mais accompagné d'un savoir-faire, la vocation non sans une bonne formation, l'esprit créatif et l'expérience, sans compter l'habileté manuelle, le sens esthétique, la patience... Et pour couronner le tout, comme l'indique Hélène Vignal, restauratrice de tableau installée à Saules (Doubs), «ce n'est pas avec ça qu'on va faire beaucoup d'argent, en général on ne s'enrichit pas» .
«On arri-ve à vivre de son art quand les autres sont à la retraite» sourit François-Bernard Gris. «Ou du moins, il faut acquérir une cer-taine notoriété, énormément travailler et avoir des petits coups de pouce, comme un conjoint qui exerce une profession stable, pour éviter de se décourager» poursuit ce tailleur de pierre et sculpteur de St-Vit (Doubs).
Des qualités de chef d'entreprise
Malgré tout perce dans les explications de ces professionnels un véritable amour de leur travail, condition qui paraît de toute façon essentielle vue la forte valeur ajoutée artistique dont il est question. Ainsi, la définition commune donnée par Métiers d'art en Franche-Comté évoque «des métiers où le geste manuel est prédominant et qui assurent la fabrication ou la restauration d'objets uniques ou de petites séries utilitaires ou décoratifs d'une grande qualité technique et esthétique».
«Ce sont des professions pour passionnés, et il est passionnant d'être passionné» résume Emile Ney. «Mais celui qui veut se lancer en créant son atelier doit avoir plusieurs préalables : une très bonne connaissance des techniques et de l'histoire de l'art dans son domaine, mais aussi tous les ingrédients du bon chef d'entreprise : savoir gérer, savoir vendre, respecter les délais». Car l'artisan d'art doit aussi se faire connaître, démarcher, rencontrer les clients, sans oublier tout ce qui concerne la gestion et l'administratif.
René Bourquin s'est mis à son compte comme ébéniste à 22 ans, en 1974. Il est toujours installé à Bessoncourt, dans le Territoire de Belfort. «L'époque elle-même était plus facile pour travailler raconte-t-il. Mais je pense que la profession est également devenue plus difficile. Il y a plus de charges, c'est plus pointu, il faut être de plus en plus performant. Aujourd'hui, on doit être meilleur commercial. Et d'une certaine manière, il faut aussi savoir suivre l'évolution des goûts. Ainsi, j'ai fait de la restauration de meubles anciens jusqu'en 90. Depuis, je développe de plus en plus le mobilier contemporain, car cela correspond à un virage important des goûts de la clientèle». Reste à ajouter à ce tableau une notion commune essentielle aux artisans d'art, celle de plaisir lié à la recherche artistique et au travail de création. Comme l'écrit Roland Vonesch, vice-président de la FREMAA (l'équivalent alsacien de Métiers d'art en Franche-Comté) dans le périodique édité par l'association, ces professionnels sont un peu «les missionnaires de la beauté utile».
Stéphane Paris
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.