De qui s’agit-il ? Des personnes nées entre 1978 et 1994, c’est-à-dire ayant cette année entre 22 et 38 ans. Ils représentent 20 % de la population française. Pourquoi Y ? par analogie avec le nom donné à la génération précédente affublée du X (lui-même issu de plusieurs ouvrages traitant de cette génération, la lettre ayant plus ou moins obscurément à voir avec les caractéristiques d’anonymat ou d’anxiété) ou par prononciation (Y se prononce comme Why ?, c’est-à-dire pourquoi ? en anglais). Quant à l’autre nom, celui de millenials, il correspond au passage du millénaire, certains sociologues étendant la génération à l’année de naissance 2000 (en réalité, plus de 70 qualificatifs ont déjà été utilisés pour nommer cette génération).
A-t-elle des spécificités ? Trois selon une étude récente menée par Caroline Gonfrier, étudiante de l’Essec, en collaboration avec Nielsen, institut d’enquêtes consommateurs :
- «un niveau d’éducation historiquement élevé mais des diplômes qui ne sont plus une garantie d’emploi». Conséquences, une dépendance financière plus longue dans le temps et une nécessité d’adaptabilité. C’est une génération de services collaboratifs, tels que le covoiturage.
- une utilisation poussée des technologies numériques auxquelles ils ont été habitués très jeune. Cette caractéristique est conférée à la fois par leurs aînés et par eux-mêmes. L’instantanéité des échanges avec le monde entier est devenue commune. L’étude va plus loin : «de manière générale les technologies digitales les ont habitués à une flexibilité inédite qui impacte considérablement leurs comportements et modes de consommation».
- idée qui vient moins à l’esprit au premier abord, ils formeraient «la première génération dont les mères ont majoritairement travaillé». Résultat (mais ce n’est certainement pas la seule cause), «les femmes ont désormais des attentes similaires aux hommes en matière de réussite professionnelle. Désormais, hommes et femmes partagent le même objectif de vie prioritaire : équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ils se distinguent de la génération précédente dont les attentes entre les deux genres différaient : les hommes priorisant la dépendance financière face aux femmes priorisant le fait de fonder une famille».
De ces caractéristiques en naissent d’autres : «la génération Y fonde une famille plus tard. La vie sociale des hommes et femmes de cette génération ne repose donc plus principalement sur leur cercle familial direct ; ils cherchent à multiplier les relations et à s’investir pleinement dans leurs différentes sphères privées comme professionnelles. Ils se sentent concernés par les enjeux de leur société : 53% se considèrent engagés, habitués à partager leurs prises de position. Les Millennials ont grandi avec les messages de sensibilisation sur les différents enjeux sociétaux. Ils sont plus enclins à contribuer à l’amélioration de la société en adoptant leur comportement ; 70% adaptent quotidiennement leurs gestes aux enjeux du développement durable».
Ces notions sont confirmées par l’institut Deloitte qui a sondé cette génération à travers le monde. Ce sondage portait essentiellement sur le monde du travail et de l’entreprise, mais on lit en filigrane des préoccupations transversales. Significativement par exemple, 56 % des jeunes de la Génération Y n'envisagent aucune collaboration avec certains employeurs en raison des valeurs ou de la conduite de ces entreprises et 49 % ont déjà refusé des missions allant à l'encontre de leurs valeurs ou de leur éthique. Deux tiers sont désireux de quitter leur entreprise d'ici 2020 et 44% dans les deux prochaines années.
«Cette génération attend bien plus des entreprises qu'il y a 50, 20 ou même 10 ans de cela. Ils adressent un message particulièrement fort : faire du business, certes, mais le faire de façon durable et responsable. La mission même de l'entreprise doit drastiquement évoluer à l'aune de ce que les leaders de demain considèrent comme primordial» déclare Alain Pons, président de Deloitte France.
Collatéralement, la génération du millénaire reste méfiante quant aux motivations qui sont avant tout perçues comme purement financières (54%). Près de 9 sur 10 estiment que la réussite d'une entreprise devrait être mesurée sur des critères allant au-delà des seuls résultats financiers : la façon dont elle développe ses talents, se comporte avec ses clients et contribue à l'évolution de la société semblent plus importants. Ils sont plus sensibles à d’autres critères tels que la flexibilité du travail (trois quarts sont intéressés pour travailler depuis chez eux, où ils se sentent plus productifs), à la place faite à l'équilibre vie privée/vie professionnelle et aux valeurs de l'entreprise. La quête de sens est particulièrement prégnante chez les millennials français qui sont 11,8% (9,3% moyenne mondiale) à la mettre en avant lors du choix de l'employeur après l'équilibre vie privée/vie professionnelle 20,3% (16,8% moyenne mondiale).
Plutôt que les préjugés "zappeurs, narcissiques et individualistes", l’enquête Essec/Nielsen retient une méfiance vis-à-vis de la collecte numérique de leurs données personnelles et un nouveau mode de consommation (baptisé "uberisation") défini par la recherche de nouvelles solutions, la recherche de fluidité par l’intermédiaire des technologies digitales et la volonté de se réaliser en contribuant à la société. «Blablacar est le parfait exemple de disruption répondant à ces trois dynamiques, comme d’autres nouveaux acteurs naissant tous les jours qui auront donc tous les atouts pour séduire les consommateurs de demain».
Si les membres de cette génération ont des caractéristiques communes (semblant surtout liées au monde dans lequel ils évoluent), homogénéiser à ce point cette génération paraît cependant caricatural. A l’aune du monde occidental contemporain, il est même vraisemblable que l'hétérogénéité à l'intérieur d'une génération grandit. Caroline Gonfrier détecte 4 sous-segments : les écolos authentiques, les bobos, les économes, les high-tech. Exemple : «ils ne s’investiront pas tous de la même façon dans les opérations digitales. 45 % seulement se déclarent plutôt visibles sur les réseaux sociaux et enclins à partager du contenu : on les retrouve surtout chez les bobos qui surutilisent Instagram et les high-techs qui surutilisent Twitter».
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