Originaire de Belfort, Maud Colin est une jeune interprète en langue des signes français-français. Elle fait partie des quelques 150 personnes qui exercent cette profession en France. Elle est aussi interprète d'une des rares émissions de télé destinée aux sourds, «L'Oeil et la main» diffusée sur la 5e le samedi matin. Entretien pour mieux découvrir une profession à caractère fortement altruiste.
Comment devient-on interprète en langue des signes ?
En France, il existe actuellement 3 diplômes reconnus. Tous sont délivrés à Paris. Le premier a été créé par l'association Serac (Sourds entendants recherche action communication). En 1992, l'Ecole supérieure d'interprète et de traduction a créé une section de langue des signes. On y entre à bac+2 et on en sort avec une maîtrise. Le troisième est un DFSU d'interprète polyvalent créé en 1999 par le Serac et l'Université de Paris VIII. Ce diplôme est équivalent à un DESS, avec recrutement au niveau maîtrise et formation en un an.
Pourquoi sont-ils si récents ?
La prise de conscience de leur nécessité a été longue. Pour résumer, la langue des signes a disparu des écoles après 1880 et jusqu'en 1970 les besoins ont été assurés par des bénévoles, éducateurs ou issus de l'entourage des personnes sourdes. En 1970, il y a eu vraiment une prise de conscience qu'il fallait donner une formation très précise aux interprètes. Les Etats-Unis ont reconnu la langue des signes à cette époque et les sourds ont pris conscience que cette langue est une véritable langue. Puis les associations d'interprètes ont ressenti le besoin de donner cadre et diplômes à la profession.
Pourquoi avez-vous choisi cette voie ?
Je n'ai pas de proche sourd ; j'ai juste connu un enfant de parent sourd à l'école et j'ai d'abord eu envie de pratiquer la langue des signes pour pouvoir entrer en communication avec les personnes sourdes. Et puis vers 17 ans, j'ai eu envie d'en faire un métier. J'ai d'abord suivi un stage intensif à Paris, j'ai poursuivi des études jusqu'en maîtrise puis j'ai suivi la formation d'interprète et j'ai eu mon diplôme il y a 2 ans. Entre-temps, j'ai beaucoup travaillé avec des sourds, ce qui est le plus important. J'ai beaucoup pratiqué, fréquenté différents types d'associations. Je précise que je n'ai appris qu'avec des personnes sourdes. Ce sont toujours elles qui donnent les cours
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En quoi consiste ce métier ?
On peut être sollicité pour servir d'interprète dans des situations très diverses : en conférence, à l'hôpital, au commissariat. En ce qui me concerne, je consacre désormais la majeure partie de mon temps à travailler avec la boîte de production de l'émission «L'Oeil et la main». On peut exercer en indépendant, mais ce n'est pas facile. Ou travailler pour des services d'interprètes. C'est un métier jeune, donc en cours de professionnalisation et la situation n'est pas la même suivant les régions. Bien sûr, c'est à Paris qu'elle est la plus pratiquée et la plus organisée. Il y a plus de demande que d'offre et faire appel à un interprète est assez systématique. Ailleurs, c'est encore un peu de «la débrouille», ce n'est pas encore dans les habitudes.
La langue des signes est-elle facile à apprendre ?
Il faut d'abord dire qu'il y a une grande distance entre cet apprentissage et l'interprétariat qui nécessite une autre formation et qui implique unedéontologie : par exemple, nous sommes là pour permettre la communication de façon neutre. En aucun cas on ne conseille ou on n'intervient. Sinon, comme pour toutes les langues, tout dépend de la motivation. Il faut aussi intégrer que cette langue a sa structure propre, qu'elle passe par une autre conception de la communication, visuelle et gestuelle. Il faut donc aimer l'expression corporelle. Il faut savoir que pour s'exprimer en langue des signes, on utilise le corps des hanches à la tête. On peut dire autant de choses qu'en parlant et on peut tout traduire par la langue des signes. Y compris les intonations, par l'intermédiaire d'expressions du visage.
Recueilli par S.P.
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