décembre 2010

Juge d'application des peines

Les métiers de la justice par ceux qui les exercent. Morgan Donaz-Pernier explique son rôle.
Photo Laurent Cheviet

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Le juge d’application des peines exerce ses missions selon deux types de contrôles, suivant qu’il s’agisse de peines en milieu ouvert ou fermé.

   Milieu ouvert
«Il s’agit devérifier que les peines sont bien appliquées. Par exemple dans le cas d’un Tig (travail d’intérêt général), je mandate le service pénitentiaire d’insertion et de probation pour veiller à ce que les peines soient bien exécutées. Si des difficultés me sont signalées, je peux sanctionner d’éventuels manquements. Précisons que j’exerce mes fonctions dans le cadre d’audience, de débats avec des décisions motivées.
Il y plusieurs types de peines en milieu ouvert. Le sursis avec mise à l’épreuve, par lequel la détention est suspendue tant que la personne répond aux convocations, ne récidive pas et respecte certaines obligations (interdiction d’entrer en contact avec la victime ou d’aller dans certains lieux par exemple). Cela permet de favoriser une réinsertion, de permettre des soins ou encore de donner la possibilité de réparer des dommages. Au bout d’un délai - 1 à 3 ans selon les cas – la peine n’est pas exécutée si les obligations ont été respectées. Dans la cas contraire, elle peut être révoquée (c’est-à-dire appliquée). Mais je peux aussi recevoir la personne pour entendre ses explications, lui rappeler ses obligations et prolonger la durée du sursis lorsqu’il n’atteint pas déjà le maximum de 3 ans.
Autre cas, le suivi socio-judiciaire. Il est appliqué pour les infractions graves et intervient généralement dans un deuxième temps, après une peine d’enfermement, assorti de certaines obligations. L’idée est de contrôler la réinsertion dans un cadre judiciaire, pour intervenir en cas d’incident.

   Milieu fermé
Ma deuxième action concerne les peines fermes. Les personnes incarcérées peuvent solliciter un aménagement. En fonction des cas, il peut prendre la forme de libération conditionnelle, pour des personnes incarcérées ayant effectué la moitié de la peine, qui ont fait des efforts en détention et ont un projet de réinsertion ; de semi-liberté dans un quartier de détention à part ou dans un centre autonome ; de placement sous bracelet électronique avec assignation à résidence à certaines heures ; de placement extérieur dans une structure conventionnée par l’administration pénitentiaire. Dans ce dernier cas, il s’agit de personnes totalement désinsérées, sans attache familiale, pouvant avoir des pratiques addictives, le centre permettant à la fois hébergement, accompagnement social et soins. Il y aussi la conversion, pour les peines inférieures à 6 mois. Cette mesure transformer la peine en sursis avec Tig ou encore en jours-amende.
Il y a une volonté politique actuelle de favoriser de plus en plus les aménagements de peine, ce qui est un peu en contradiction avec un autre discours souhaitant voir la justice de plus en plus coercitive, par exemple avec l’introduction de peines plancher pour les récidivistes. Quoi qu’il en soit, nous disposons d’une palette de dispositifs et d’obligations qui permettent d’envisager une adaptation de peine individualisée, chaque fois après un débat contradictoire en présence du procureur et avec avis du service pénitentiaire d’insertion et de probation. J’attache beaucoup d’importance à cette audience qui donne son sens à notre fonction. Elle est l’occasion d’une prise de parole de toutes les personnes concernées, à commencer par l’intéressé. A l’origine, l’aménagement de peine est destiné à des personnes qui justifient un effort de réinsertion. Avec le temps et l’usage, on a l’impression que c’est devenu un droit dans l’esprit des personnes condamnées. Or ce n’est pas le cas : cela reste une appréciation au cas par cas et en fonction des efforts de l’individu. Il faut que cette décision ait un sens, pas qu’elle soit automatique. On examine les antécédents, la gravité, l’évolution de la personne, son comportement, ses efforts, son projet d’avenir en essayant également d’évaluer le risque de récidive. Ce n’est pas évident car on ne peut pas se mettre dans la tête des gens, mais on ne prend pas de décision à la légère. Il n’est cependant pas inutile d’accompagner quelqu’un qui veut s’en sortir. Les quelques études disponibles montrent que c’est plus efficace que de laisser aller quelqu’un au bout de sa peine et le laisser sortir brusquement.
Lorsqu’il y a des incidents dans le cadre des aménagements de peine, je suis encore compétent pour prendre des sanctions allant jusqu’au retrait de l’aménagement».
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