Cet été, elle s’est lancée dans un projet documentaire pas évident. Il n’a pas encore de nom mais le titre de travail est évocateur : « De filles à femmes ». « J’aimerais faire parler les jeunes filles et les jeunes mères des quartiers, leur faire raconter leur quotidien et comment on est et devient femme dans un endroit où les stéréotypes sont pesants ». Ce projet est un point de conjonction de deux centres d’intérêt de Khadija : l’image et la pédagogie par l’animation. Depuis 2 ans, elle a créé une autoentreprise de réalisation de fictions, courts métrages, documentaires, films promotionnels. Elle met en avant l’idée de « projets pédagogiques, menés auprès des jeunes, des adolescents, traitant de différentes problématiques par le biais de l'image ». A 32 ans, elle vient également d’obtenir un Dejeps pour être coordinatrice de projets pour la Ville de Mâcon. Côté cinéma, elle a passé un bac L cinéma audiovisuel au lycée Le Castel à Dijon avant d’obtenir un licence art visuel et art du spectacle à l’Université de Lyon 2. « J’ai fait un choix d’études qui m’intéressaient, pas forcément en fonction d’un futur métier ». Pour son bac, elle a fait un court métrage autour de l’idée de faire le bon choix.
Le cinéma de fiction est une passion. « Jeune, j’étais plutôt attirée par les arts plastiques et les lettres. J’ai toujours regardé beaucoup de films. Ado, j’adorais les films d’horreur ! J’ai aussi toujours été attentive à l’image en tant que moyen d’expression, en m’intéressant aux apports du son, au montage, aux effets spéciaux. J’ai des scénarios que j’ai mis de côté et que j’espère reprendre un jour. Mais faire de la fiction, c’est un gros budget ! ».
L'audiovisuel au service de l'animation
Animatrice depuis longtemps dans le quartier de Marbé, elle a compris que l’audiovisuel était un moyen de médiation efficace. « L’image permet d’exprimer beaucoup de choses. Pour ça, c’est très intéressant de créer avec les jeunes. Même si le cinéma leur paraît difficile d’accès, c’est plus facile de leur parler par cet intermédiaire. En termes pédagogiques, on peut faire pas mal de choses, notamment parce qu’en général, ils accrochent vite et comprennent vite. C’est un appui pour ceux qui ont du mal à s’exprimer. Et c’est un média d’équipe qui génère une adhésion, qui aboutit à un résultat, porteur de fierté ».
La notion de médium pédagogique se retrouve dans son travail pour la Ville. Son idée de film fait partie d’un projet sur la place des jeunes femmes issues des quartiers. Associant l’Etat, la Ville de Mâcon, les acteurs de terrain, il a démarré avec le recueil de témoignages d’une centaine de jeunes filles dans les 4 quartiers prioritaires de la ville. « En partant du sentiment d’invisibilité, l’idée était de déterminer les besoins, l’accès aux droits dans une optique d’accompagnement, d’éducation au choix pour favoriser des parcours de vie consentis, peut-être débloquer des situations ». On ressent une grande implication dans ce discours. « Je fais partie de l’école « toujours retourner au terrain ». Pour comprendre, il faut être au contact. Pour recueillir des témoignages, je passe par des travailleurs de terrain, j’y vais plusieurs fois, j’essaie de mettre les jeunes filles en confiance ». Au-delà du témoignage et du constat, le souhait de Khadija est aussi de faire bouger les choses. Question de parcours et de personnalité. « J’aimerais les aider à se décomplexer, à lutter contre les stéréotypes et des situations qu’elles ont trop connues pour les questionner ». Des exemples ? « Dans les quartiers, on ne se mélange pas. Les jeunes filles ont des lieux stratégiques d’évitement des garçons qu’elles nomment TDM (teneurs de mur), préfèrent aller en ville pour se promener. Elles vont penser qu’elles sont faibles parce qu’elles sont des filles. Leur quartier est pesant, mais il s’y trouve quand même une solidarité qu’on ne trouve pas ailleurs. Et puis, il y a garçons et garçons. D’ailleurs j’aimerais faire un débat avec eux. Certains sont dans la même situation que les filles, aimeraient sortir du quartier, voir ailleurs mais se trouvent confrontés aux mêmes individus « négatifs ». Il y a du bon et du mauvais qui cohabite et il faut y trouver une place ».
S.P.
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