Encaissée, taillée dans le calcaire par les glaciers, la vallée du Hérisson a, l’hiver, tout d’un bout du monde perdu. Un soleil à peine plus présent que le passage humain a beaucoup de mal à rechauffer ce réfrigérateur naturel. Pour s’épanouir dans cet environnement marécageux, il vaut mieux être un bison américain, un highland cattle (boeuf d’Ecosse) ou un aurochs. Depuis 1990, des spécimens de ces trois espèces vivent là, à l‘initiative de deux jeunes éleveurs, Benoît Jaillet et Jean-Luc Marie. «Il n‘y a vraiment que ces races rustiques pour vivre dans ce milieu» confirme ce dernier.
Titulaires d’un BTS agricole, tous deux se sont associés pour créer la Ferme de l’aurochs, à la fois lieu d’élevage et d’accueil. «Notre objectif était de créer un lieu intégré au milieu environnant. ll y a cent ans, ce paysage était entretenu par l’agriculture puis il a été abandonné car pas assez productif par rapport a l’évoIution du monde agricole. Notre idée était d‘y installer des races capables de l’utiliser tel qu’il est et de l‘entretenir, de garder le milieu ouvert. C‘est une agriculture liée à l'environnement dont on parle beaucoup actuellement, mais en 1990 on était un peu précurseurs. Dans notre projet, tous deux tenions à ce côté naturaliste, defense de l‘environne-ment. C’est sans doute parce qu’on tient depuis cette époque et que l‘on se bat pour la qualité et le professionnalisme que l‘on a eu le prix du Comité
régional du tourisme».
Tourisme convivial
Leur idée at dû plaire d‘emblée, puisque les deux jeunes entrepreneurs ont bénéficié au départ d‘aides de la Région, de l’Etat et de l‘Europe. Outre le fait de donner un intérêt nouveau à la valIée, la soixantaine d‘aurochs, bisons et highlands évitent son enfrichement, sur une surface de 56 hectares. Finalement, la ferme agit dans trois domaines : une petite activité agricole originale et de qualité, la gestion du territoire et un côté tourisme culturel rural.
L'été, la vallée, a proximité du lac de Chalain et des cascades du Hérisson, reçoit un afflux de visiteurs conséquents. Dans la ligne conviviale de ce que propose le nouveau tourisme rural, la Ferrne leur offre une autre destination de sortie, empruntée chaque année par 16000 d‘entre eux, chiffre stable depuis 94 : on peut contempler à loisir les trois troupeaux, grâce à un chemin aménagé qui permet de se promener le long des enclos - avec clôture électrifiée de 2 m de haut pour les bisons, ces bovins pouvant sauter 1,80 m ! Des guides sontprésents pour renseigner lepublic. Une ferme pédagogique avec chèvres, lapins, ânes, poules propose des animations pour enfants. Des balades en poney sont possibles. Pour être complet, le lieu comprend aussi des possibilités de restauration, avec notamment des produits transformés issus du bison et une exposition sur l’histoire de l’aurochs, realisée par le musée d’archéologie du Jura.
Un aurochs
reconstitué
Ancêtre des vaches actuelles, cet animal avait vécu en Europe jusqu’en 1627, date à laquelle la dernière femelle s‘est éteinte en Pologne. Dans la région, sa plus vieille trace est un galet gravé de la grotte d’Arlay, remontant à 13000 avant J.C. Depuis le début du siècle, plusieurs chercheurs se sont attachés à recréer la race, en croisant plusieurs animaux proches comme lavache corse, les taureaux espagnol ou camarguais. Peu après la deuxième guerre mondiale, des spécimens acceptables ont vu le jour. Pas des aurochs tels que ceux qui vivaient à la Préhistoire ou au Moyen-Age, mais d'une apparence très proche. Une quinzaine de ces aurochs reconstitués légitiment aujourd’hui Ie nom de la ferme de Val Dessous.
Ces divers aspects permettent à la structure d‘accueillir des classes, les activités pédagogiques possibles étant nombreuses, mais aussi d’être un véritable lieu de recherche. L'intérêt suscité abonde d’exemples : la ferme est associée au conservatoire des espaces naturels dans le cadre de l'étude et de la gestion de l’évolution de ce milieu. En 1993, elle a été site pilote d’un programme expérimental national nommé "espaces culturels, éducation et développement". Il y a quelques années des arcéologues du CNRS ont mené sur place une expérience de dépeçage de l’aurochs avec des outils du néolithique. Dans une échéance proche, la ferme a encore un autre projet de collaboration avec le musée d‘archéologie de Lons-le-Saunier autour de la gastronomie médiévale. Malgré sa disparition, l’aurochs s'appête donc à faire entrer dans le XXIe siècle une petite touche de temps jadis.
Stéphane Paris
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.