« La Salamandre », c'est d'abord un raccourci en chiffres : un 1er numéro fabriqué à la main en 15 exemplaires par un garçon de 11 ans quelque part dans la campagne suisse entre Lausanne et Genève et distribué à sa famille. Un 161e successeur paru en avril 2004 à destination de 16 000 abonnés dont 5000 en France. Entre les deux, 21 ans ont passé, la ligne éditoriale est restée : parler de la nature, la nature proche observable par chacun pour peu qu'il ouvre l'oeil.
«La revue aurait pu s'arrêter au bout d'un an, mais j'ai écrit à un célèbre présentateur suisse d'une émission consacrée à la nature et je l'ai vu débarquer chez moi pour faire un reportage. Après sa diffusion des gens m'ont écrit et j'ai eu mes premiers vrais abonnés. C'est ce qui m'a motivé à continuer : des gens payaient pour lire «La Salamandre»» raconte le fondateur et rédacteur en chef,
Julien Perrot.
Petit à petit le nombre d'abonnés n'a cessé de grossir. La revue, bimestrielle, a trouvé son public,
«celui des gens qui aiment se balader près de chez eux». Une «Petite Salamandre», qui s'adresse aux enfants, a vu le jour en 1998 et rencontré le même succès que sa grande soeur. Des produits multimédia sont apparus récemment : CD audio de chants d'oiseaux, Cd-rom des archives du magazine et, dernière nouveauté, un DVD consacré au grand coq de bruyère... Tout n'a cependant pas eu la facilité qu'une rétrospective rapide pourrait laisser imaginer. Une édition allemande lancée trop tôt par rapport à la capacité de la revue a échoué, le travail de traduction étant trop lourd à assurer. Et le vrai décollage est somme toute récent. Il est en partie dû aux conseils de GENILEM, structure genevoise à but non lucratif créée pour encourager l'initiative en offrant à de jeunes entreprises un accompagnement gratuit pendant 3 ans.
« Faire l'éloge de la banalité »
Les améliorations formelles apportées à «La Salamandre» au fil du temps n'ont cependant pas modifié l'approche de fond présente dès le départ,
«faire volontiers l'éloge de la banalité en portant un regard neuf sur les merveilles qui nous entourent». Approche qui a permis à Julien Perrot et son équipe d'écrire 24 pages sur le pissenlit.
«Au début, il y avait aussi ce manque, je ne trouvais pas de magazine ou d'émission qui parlait de la nature que je pouvais observer sur le pas de ma porte. C'était toujours l'Afrique, l'Asie ou le Groenland. Aujourd'hui en-core, je suis sûr que les enfants d'ici distinguent plus facilement un éléphant d'un rhinocéros qu'un chamois d'un chevreuil !»
Un taux de fidélité important
Pas si anecdotique : ce constat est à la base de toute la politique éditoriale du magazine :
«On veut parler de choses que les gens peuvent observer. Alors il faut par exemple tomber juste avec les saisons et dnc savoir ce que l'on va faire très en avance. Et lorsqu'on décide de traiter d'une région à une certaine saison, il faut prendre les photos un an avant. Si on les fait en mars pour un numéro à paraître en juin, ça ne va pas coller avec ce que les gens vont avoir sous les yeux». La une du dernier numéro, dessin noir et gris d'un coq de bruyère qui garde tout son mystère, aurait été difficile à utiliser pour une vente en kiosque, où le tapageur est règle. Elle montre que les choix de fonctionnement laissent une certaine liberté et une marge de manoeuvre dans les partis pris de la revue. Même si l'absence de nécessité d'être
visible en kiosque est contrebalancée par celle de conserver les abonnés. Mais le taux de fi-délité reste important. Et Julien Perrot tient à l'équilibre entre thèmes faciles et sujets a priori rébarbatifs.
«Ce sont des challenges. Par exemple, on s'est dit, on va plonger dans les mousses. Un sujet difficile pour le grand public. Mais on est entré dans un monde incroyable. Et le pissenlit ? Rien de plus banal, on en trouve partout. Pourtant, c'est graphiquement extraordinaire, c'est une plante qui une dimension botanique et une sexualité vraiment particulières».
S.P.
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