Trois fois le tour du monde en avion : c’est la pollution engendrée par le dégradation d’un hectare de tourbière. Les zones humides du massif jurassien sont fortement impactées par l’activité humaine de ces derniers siècles. Depuis le XVIIIe, les hommes ont exploité les milieux tourbeux pour le combustible, pour agrandir les espaces urbains, ou encore pour déplacer les cours d’eau. Aujourd’hui, les scientifiques alertent les populations sur le rôle majeur joué par ces écosystèmes qui participent à la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, les tourbières sont plus efficaces que les forêts pour capter le CO2 de l’atmosphère : elles ne représentent que 3 % des terres émergées mais stockent 450 gigatonnes de carbone, soit un tiers de la quantité total de carbone des sols ou 75 % du CO2 atmosphérique !
Au contraire, les tourbières dégradées émettent plus de CO2 qu’elles n’en absorbent, ce qui contribue au réchauffement climatique qui a lui-même un effet négatif sur les tourbières.
C’est dans ce contexte d’inquiétude, sur ces espaces naturels fragilisés, que des acteurs régionaux, et au-delà, se mobilisent pour le programme Life Climat tourbières du Jura. Ce plan de restauration des tourbières est financé à hauteur de 60 % par l’UE, au titre des sites Natura 2000. Il vise également à réhabiliter les zones humides dans le massif jurassien, un espace qui ne serait pas aussi riche sans celles-ci.
Un premier plan Life entre 2014 et 2021
Le programme Life Climat tourbières du Jura lancé cette année, n’est pas le premier plan de réhabilitation dans la région. De 2014 à 2021, des travaux ont déjà permis de restaurer 55 tourbières du Doubs et du Jura. Ces opérations ont permis de faire prendre conscience aux habitants de la richesse de leurs paysages. Les bénéfices des travaux ont pu être observés dès leur achèvement. Ainsi, la restauration de près de 15 km de cours d’eau, qui garantissent l’approvisionnement hydrique de certaines communes, ont permis de sensibiliser aux enjeux environnementaux représentés par les tourbières et leur préservation. Yves Louvrier, maire de La Cluse-et-Mijoux et agriculteur, s’est particulièrement engagé dans la restauration des zones humides de sa commune. Celle-ci a négocié avec les propriétaires pour le rachat de parcelles, ou la cession de terrains, pour la réalisation des travaux de restauration des tourbières. La dégradation de ces espaces dans le secteur de La Cluse-et-Mijoux avait entraîné de nombreuses inondations dans le village, par temps de fortes pluies. Yves Louvrier concède que ces opérations « ont coûté cher », mais il rappelle également que les tourbières doivent être restaurées en prévision du futur.
Un plan ambitieux de 12,5 millions d’euros
Le nouveau plan Life Climat est, dans les chiffres et dans les mots, encore plus ambitieux. Entre 2022 et 2029, les acteurs du programme, dont les actions sont coordonnées par le Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté, prévoient un budget de 12,5 millions d’euros. Cette somme doit être à la hauteur des opérations qui vont être menées sur le terrain. Il est arrivé que le recours aux hélicoptères soit nécessaire afin d’éviter d’endommager les écosystèmes aux alentours. L’objectif fixé est de restaurer 70 tourbières dans le Doubs et le Jura.
Ce programme à haute valeur environnementale n’est pas sans causer des tensions entre les acteurs locaux. Tout d’abord avec les agriculteurs, à qui on demande d’abandonner certaines parcelles. « C’est difficile pour eux. Leurs ancêtres ont peiné pour désengorger ces terrains », énonce Yves Louvrier. Mais il y a également la difficile cogestion des cours d’eau avec nos voisins suisses, comme c’est le cas pour le lac des Rousses. Yves Louvrier conseille néanmoins de « discuter plutôt que de se rentrer dedans. » Afin de garantir l’authenticité de nos paysages jurassien et de préserver ces puits de carbone, le plan Life Climat devrait apporter un nouveau souffle aux tourbières.
Rémi Girardet
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