«Il y a deux aspects à la justice des mineurs. Le premier concerne les mineurs en danger. Les informations préoccupantes détectées par un collège ou un travailleur social sont dirigées vers le Conseil général. Il peut s’agir de violences ou de maltraitance mais aussi de délaissement, de parents au comportement non adapté ou encore n’arrivant pas à gérer une situation. Le Conseil général fait une évaluation, des propositions de placement ou d’intervention de travailleurs sociaux. Si cela n’est pas suffisant ou si les parents ne sont pas d’accord, le Conseil général peut alors me saisir. Je reçois son rapport et j’estime à mon tour si je dois saisir le juge des enfants qui peut prendre des mesures plus contraignantes s’il le pense nécessaire.
Il y a cependant des cas d’urgence, notamment de violences de la part des parents, dans lesquels il faut protéger l’enfant le plus rapidement possible. Je peux prendre une ordonnance de placement provisoire et je saisis le juge automatiquement dans les 8 jours. Cette appréciation se fait au cas par cas. Je dois évaluer le danger et l’urgence en tenant compte de l’aspect intrusif, violent que peut avoir pour la famille un placement. Il faut réfléchir à deux fois et chercher des recours, par exemple en plaçant l’enfant chez quelqu’un de sa parenté plutôt que dans un foyer. Cela ne va pas sans cas de conscience, comme lorsqu’il s’agit d’un bébé secoué. Accident ou acte volontaire ? On se base beaucoup sur l’avis médical. On traite de l’humain, ce n’est pas évident d’avoir la bonne analyse mais c’est aussi ce qui est intéressant dans ce travail».
Délinquance
«L’autre aspect concerne la délinquance des mineurs dans le cadre pénal. Dès qu’un mineur commet une infraction, les enquêteurs m’appellent. Lorsque le dossier est bouclé, j’ai plusieurs choix : la poursuite devant le juge pour les cas les plus graves, les alternatives aux poursuites (tel le rappel à la loi en présence des parents, le stage de formation civique, la réparation pénale...), le classement – lorsque les faits ne sont pas constitués.
Je trouve que la société demande de plus en plus d’interventions pour tout. La moindre petite bagarre de cour d’école, qui auparavant aurait été réglée en interne, devient souvent sujet à porter plainte. J’ai l’impression que l’on demande à la justice de régler de plus en plus de choses qui demanderaient à être résolues par le bon sens d’adultes responsables et la régulation sociale.
C’est une dérive qui surcharge notre travail et celui des services de police qui ont certainement des affaires beaucoup plus graves à régler».
Poursuites
«Sur 100 affaires, environ une vingtaine fait l’objet de poursuites. Il y a une grosse proportion de mesures de réparation pénale, pour donner aux jeunes l’occasion de prendre conscience de leur acte et de le réparer en se rendant utile, et de stages de formation civique. Ces mesures sont mises en place par les éducateurs du service de réparation pénale ou de la protection judiciaire de la jeunesse.
Je trouve qu’ils font du bon boulot, donc l’alternative est souvent une bonne solution. Il y a également un rappel à la loi en présence des parents, pouvant être fait par le policier ou le gendarme ou un délégué du procureur.
Quand la mesure réussit et que le mineur a compris, on me rend un rapport et je classe l’affaire. S’il apparaît que cela ne sert à rien, je peux à nouveau décider de poursuivre. Je poursuis en saisissant le juge mais je peux aussi accélérer la procédure par un défèrement, pour marquer le coup, en convoquant le jeune dans mon bureau.
Dans les cas extrêmes, par exemple pour les multirécidivistes, il y a aussi possibilité de présentation immédiate, et donc le jugement à brève échéance. Elle permet la détention provisoire ou le placement sous contrôle judiciaire, mais également lorsqu’il s’agit d’un crime ou un délit complexe, de saisir un juge d’instruction qui continuera l’enquête commencée par la police ou la gendarmerie. Dans ce cas-là aussi, le placement sous contrôle judiciaire ou le placement en détention provisoire sont possibles.
En raison du public concerné, c’est plutôt la bienveillance et la vigilance que le côté répressif que l’on cherche à mettre en oeuvre. Nous avons affaire à des adolescents qui sont dans cette période particulière où l’on se cherche, où l’on n’est pas encore structuré, où l’on évolue beaucoup et vite, dans un sens comme dans l’autre. Certains jeunes vont faire n’importe quoi pendant 3 ou 4 mois puis se calmer. Il y a des prises de conscience, on voit parfois des changements importants en 6 mois. Pour ces raisons, la justice des mineurs doit apporter une réponse rapide, afin d’éviter la réitération à court terme, mais aussi prendre cette évolution en compte en essayant d’être pédagogiques, en faisant attention à la personnalité de chacun, au contexte familial. C’est du cas par cas, on fait de la dentelle !
La notion d’éducation est très résente dans la justice des mineurs. Elle se réfère toujours à l’ordonnance de 1945 qui insiste sur l’idée que «le mineur est un être en devenir». Les adolescents n’ont pas toujours la maturité pour comprendre, analyser, percevoir la gravité de leur acte. On en tient compte dans le choix des mesures ou des peines».
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