Quatre heures du matin, centre-ville de Besançon. Ce n’est pas la nuit pour tout le monde. Dans la boulangerie “De 1904 à nos jours”, 12 rue des Granges, Cyril Caillier et Johan Piguet sont au travail depuis deux heures. Comme tout artisan boulanger qui fabrique lui-même son pain. Ils sont encore là au moins jusqu’à 11 h du matin, sans avoir le temps de s’ennuyer. “On est toujours en train de courir à droite à gauche, dit Cyril Caillier. Je suis au four jusqu’à 9 h - 10 h. On pourrait travailler plus tard et plus “en froid” mais les produits seraient moins beau”. La liste des différentes préparations de la nuit est impresisonnante : croissants, multiples types de pain dont une quinzaine de baguettes, spécialités de la maison parfois fabriquées en petites quantités, mais aussi meringues et petites pâtisseries. Le plus étonnant est sans doute la nécessité de lancer plusieurs fabrications ne même temps, de passer constamment de l’une à l’autre, de se souvenir de façon minutée où en est quelle pâte, quel produit. Attention est portée à chaque détail, le métier est d’une grande précision. C’est le prix du bon pain.
C'est le prix d'un métier dur, mais beau. Et porteur de débouchés. “En Franche-Comté, nos entreprises artisanales sont toujours à la recherche de personnel” souligne Jean-Luc Viennet, président de l’union patronale de la boulangerie du Doubs. Cyril Caillier, boulanger à Besançon, utilise une formule lapidaire : “les gens mangeront toujours du pain”. Il exerce depuis l’âge de 14 ans. A 38 ans, il n’a jamais eu de problème pour trouver du travail et est aujourd’hui à son compte, voie qu’il est possible de suivre assez jeune dans cette branche. “C’est un des derniers métiers où, sans avoir fait sciences-po et en étant courageux, on peut encore se mettre à son compte précise Jean-Luc Viennet, qui a sa boulangerie à Villers-le-Lac. Et sans trop de risque puisque 90 % des boulangers s’en sortent bien”.
Le profil fréquent est celui d’une installation en couple, car “une femme qui épouse un boulanger, épouse aussi un métier”. Les 500 jeunes actuellement en formation dans les différents CFA de la région, boulangerie et pâtisserie confondus, n’auront pas trop de souci pour trouver du travail. Avantage d’une formation de tradition française reconnue dans le monde, ils pourront facilement exercer à l’étranger. “35 % de la main d’oeuvre va en Suisse déplore cependant Jean-Luc Viennet. La Suisse est très demandeuse et on peut compter 120 jeunes qui y partent chaque année”. Autre facteur de fuite et principal inconvénient de la profession, les horaires, incontournables pour tout artisan qui se respecte. “Un tiers des boulangers abandonne le métier à cause du travail de nuit et de dimanche”. En restant dans la profession, il y a aussi possibilité de se tourner vers la boulangerie industrielle ou la grande distribution.
“Mon vieux métier moderne”
Cela dit, les boulangers sont parmi les mieux payés des artisans. Au plus bas niveau, un débutant commence à 8,49 euros de l’heure, même sans CAP. Le salaire minimum va jusqu’à 9,88 euros de l’heure pour un assistant de chef d’entreprise. En salaire mensuel, cela revient, à titre indicatif, à 1000 € pour un ouvrier débutant, 1 110 € pour un ouvrier spécialisé. Un artisan boulanger à son compte peut envisager des revenus mensuels dans la fourchette de 1 600 € à 3 000 €. Une vendeuse en boulangerie est payée au minimum au Smic.
Et si les horaires n’ont pas changé par rapport à un artisan boulanger d’il y a un siècle, les technologies ont, comme partout, amélioré le matériel et rendu l’exercice plus pratique. “J’aime bien utiliser l’expression “mon vieux métier moderne” résume Jean-Luc Viennet. Les technologies nous aident mais on a encore la chance de toucher la pâte. C’est toujours la main de l’homme qui maîtrise”. On sent une certaine fierté dans ce détail, celle de l’amour du travail bien fait. Jean-Luc Viennet sait de quoi il parle, il a été meilleur ouvrier de France en 1994.
S.P.
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