mai 2015

Très problématiques tiques

Cet acarien est responsable de la maladie de Lyme. Laquelle occasionne des complications très invalidantes et des infections associées de types bactériennes, virales et parasitaires.
Dessin Christian Maucler
Très problématiques tiques

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Anne Colin décrit un enfer personnel : «Ma santé s’est dégradée de façon sérieuse, j’ai perdu des capacités de concentration, de mémoire, je connais des périodes de fatigue insurmontable. J’ai des difficultés à communiquer. Auparavant, j’étais très active, maintenant, ma forme est très fluctuante. Je peux passer 6 mois à ne rien faire. Parfois, je ne sais pas ce que j’ai fait de mes journées. J’ai 50 ans et je suis en moins bonne forme que ma mère. J’ai dû arrêter de travailler. C’est une symptomatologie monstrueuse qui nécessite de prendre des traitements lourds.»
Responsable : la borréliose (ou maladie) de Lyme. Selon les personnes, elle se manifeste par une éruption inconstante, des conséquences parfois graves qui peuvent apparaître des mois à des années après l’infection et prennent des formes diverses et non exclusives les unes des autres : problèmes articulaires, cutanés, neurologiques, musculaires, oculaires, cardiaques. Paralysies et méningites sont possibles.
«C’est une maladie qui prend beaucoup de formes cliniques différentes» confirme le Dr Jean-François Carod à l’hôpital de St-Claude. «Certains patients peuvent devenir grabataires au bout de 10 ans» selon le Dr Christian Perronne, spécialiste français de la maladie
Même si elle est loin d’être nouvelle, tout ce qui entoure la maladie est flou : les probabilités de l’attraper, ses manifestations, ses effets, les moyens de les soigner. Ils peuvent varier d’un individu à l’autre, ne pas toucher les mêmes organes. Les médecins ne sont pas toujours sûrs de leur diagnostic et peuvent facilement passer à côté. La maladie peut même demeurer invisible durant des années et se développer à n’importe quel moment.

   Très présente dans l'est
   de la France


«Tous les médecins ne sont pas au fait de ces problèmes» pense Anne Collin. Cette dernière est aujourd’hui trésorière de Lympact, présidée par Annie Naidet. Basée à Vesoul, c’est l’une des associations les plus actives dans le domaine de la sensibilisation, de la prévention et de la reconnaissance de la maladie de Lyme. «Dans sa forme chronique, on ne sait pas bien la soigner tellement elle est atypique. Pour nous qui sommes malades, la recherche avance toujours trop lentement». La maladie est transmise à l’homme par la bactérie Borrelia (une cousine de celle qui provoque la syphilis), essentiellement lors d’une piqûre de tique, un acarien qui se comporte en parasite. «Elles pompent du sang qui contient la Borrelia et le réinoculent après. De nombreux animaux, rongeurs, oiseaux, cervidés sont les réservoirs de cette bactérie» explique encore Christian Perronne.
Environ 27000 nouveaux cas sont identifiés chaque année en France. L’Alsace et la Meuse sont les plus touchées avec des taux de 100 pour 100 000 habitants, tandis que la Franche-Comté fait partie des régions intermédiaires dont le taux se situe entre 50 et 100 pour 100 000 habitants. En Franche-Comté, une enquête de l’ARS (agence régionale de santé) menée auprès de 250 médecins révèle que sur 7 maladies pouvant être transmises par les tiques, seule celle de Lyme a été identifiée. C’est à peu près le seul point positif de la situation locale.
Mais les chiffres des personnes infectées restent très imprécis à l’image de cette maladie mal connue. «Les autorités n’ont pas encore pris la mesure du problème» avance Anne Colin.
Les actions des associations de malades pour faire de la prévention commencent à peine à porter leurs fruits. L’an dernier, deux députés francs-comtois se sont activés. Marie-Christine Dalloz a voulu faire de la maladie une grande cause nationale. Marcel Bonnot a proposé une loi spécifique. Des actions pour l’instant vaines mais qui montrent que le sujet commence à être pris très au sérieux.

    Peu de certitudes

Les tiques sont-elles en augmentation ? Leur taux d’infection évolue-t-il ? Autrement dit, le risque augmente-t-il ? L’Agence régionale de santé le reconnaît, «il y a peu d’études sur les tiques, donc nous n’avons pas d’antériorité. L’une d’elles est en cours d’exploitation à l’INVS de Strasbourg, sa publication est imminente». Difficile dans ces conditions de dire comment tout cela évolue. Mauvaise nouvelle : «les tiques sont plus présentes quand il fait chaud. On s’attend quand même à une augmentation avec le réchauffement climatique». Un autre chiffre important reste un mystère : le pourcentage de tiques porteuses. En Franche-Comté, ce serait officieusement une sur quatre selon les autorités sanitaires. Mais les associations vont jusqu’à 40 %.
Une seule certitude : il vaut mieux ne pas être infecté. «Et quand on l’est, il vaut mieux être traité à temps…» rappelle Anne Colin. En théorie le traitement antibiotique fonctionne si l’infection est prise assez tôt. Encore faut-il la détecter, les symptômes n’étant pas forcément immédiats. Le principal signe à surveiller est un érythème migrant souvent à l’endroit de la piqûre (mais pas forcément !). Il s'agit d'une tache rouge annulaire de quelques centimètres avec un centre plus clair que la périphérie, comme une cible. Et encore, son absence ne donne pas de certitude. Or la phase secondaire est, on l’a vu, très problématique. On peut l’atteindre sans s’en apercevoir.

       Prévenir  

Dans ce contexte incertain, autant dire que la prévention est primordiale. Elle demande une certaine attention.
Savoir que les tiques sont présentes du printemps à l’automne, sont plutôt dans les hautes herbes, ne bougent pas, mais s’accrochent à une proie, animal ou humain, lorsqu’elle passe à sa portée. Le maximum de précaution implique de ne pas sortir des sentiers battus, d’éviter les lisières, les lieux de présence d’animaux où elles risquent de pulluler (sentes de sangliers, zones d’habitat des cerfs), d’avoir la peau couverte le plus possible. Les répulsifs achetés en pharmacie passés sur les vêtements fonctionnent assez bien, même s’ils ne garantissent pas une sécurité absolue. Encore plus loin : ceux qui font des enquêtes de terrain  s’habillent en blanc pour repérer plus facilement les tiques qui s’accrochent aux vêtements. Certaines personnes lavent tous leurs habits dès qu’elles rentrent d’une sortie, d’autres vont jusqu’à les empaqueter au congélateur plusieurs heures. Et n’oubliez pas les chaussures. Il va sans dire que les animaux domestiques peuvent ramener des tiques à la maison…

     Retirer une tique

On peut très bien attraper une tique, l’avoir installée sur soi plusieurs jours et ne pas être infecté. Dans le doute, autant se méfier. Ce qui signifie que toute sortie dans la nature - ou dans son jardin - doit être suivie d’une inspection minutieuse de toutes les parties de son corps, sans oublier la tête (la rando, le VTT, le trail, la pêche sont des pratiques à risques). Les tiques préfèrent les endroits chauds, humides, où la peau est la plus fine : aine, derrière les genoux et les coudes, sous les bras, entre les jambes, sous les seins.
«On ne peut pas être contaminé tout de suite assure-t-on à l’ARS. Donc si on l’enlève suffisamment tôt, il n’y a pas de risque». Problème, personne ne sait évaluer précisément ce suffisamment tôt. Ce serait de l’ordre de la journée. «Si c’est moins de 24 h, on n’est pas contaminé» dit-on à l’ARS. Il faut retenir que plus la tique est restée longtemps, plus l’on a de risques d’être infecté.
Si l’on trouve une tique, la retirer délicatement à l’aide idéale d’un tire-tique, appareil inventé par un vétérinaire franc-comtois (ne pas utiliser de pince à épiler qui appuie sur le corps de la tique). Il faut attraper l’acarien, effectuer une rotation pour décrocher son rostre (crochet) et la retirer de sa place. La stresser revient à la faire régurgiter et donc risquer l’infection. C’est pour cette raison qu’il ne faut plus l’endormir avec de l’éther ou la brûler comme on a pu le croire. C’est également pour cela qu’il faut éviter de la faire souffrir ou de lui appuyer sur l’abdomen. Et qu’il faut s’inspecter avant de prendre une douche sous peine, là encore, de déranger la bête.
Par la suite, il faut surveiller : en cas d’érythème migrant, consulter immédiatement un médecin. En cas de doute également : la présence d’un érythème permet d’affirmer le diagnostic, mais son absence de permet pas de l’infirmer.
«Même si l’érythème disparaît, il est conseillé de consulter. En cas de complication, c’est très invalidant» confirme l'ARS. C'est malheureusement une conclusion sur laquelle tout le monde est à peu près d'accord.

Stéphane Paris







Lympact
Association Lympact - prévention action contre les tiques
BP 30243
70005 Vesoul cedex

Plaquette de conseils disponible sur le site.
Pour toute question : contact@lympact.fr

En savoir plus
sante.gouv.fr

Lyme protest
Lympact organise une journée de sensibilisation le 30 mai sur l'esplanade des droits de l'homme à Besançon de 9 h à 18 h. 

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