OuiI, les femmes peuvent devenir pilotes de ligne, ingénieurs, mécaniciennes ou chefs d'exploitation agricole. Oui, mais. Cette égalité de droit dans le choix d'une carrière est vraiment théorique. La réalité est tout autre. De manière générale 6 jeunes filles sur dix s'orientent vers 6 familles de métiers qui représentent 30 % des emplois. A elles les professions de la santé et du social, du relationnel, les postes d'employés ou de professeurs des écoles et bien évidemment ceux qui correspondent au personnel domestique. Une tendance lourde que le poids de l'habitude rend extrêmement difficile à inverser. C'est l'une des multiples missions dévolu au service des Droits des femmes et de l'Egalité, émanation du secréta-riat d'Etat aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle. Parmi ses actions, il remet par exemple chaque année des prix de la vocation scientifique et technique des jeunes filles. Son objectif incitatif est loin d'être effectif. L' an dernier, en Franche-Comté, seules 42 jeunes filles ont remis des dossiers. Un chiffre symbolique. Non seulement certains filières d'orientation sont traditionnellement "fermées", mais les femmes elles-mêmes intègrent cette situation. Comme certaines professions sont très peu occupées par des femmes, elles acquièrent une image masculine et n'apparaissent pas comme une éventualité de carrière aux yeux des jeunes filles. Peu d'entre elles s'orientent dans les études qui y mènent et, forcément, peu sont susceptibles d'occuper les emplois correspondant. Un cercle fermé, très difficile à briser... Même 1'informatique, dont les emplois se sont pourtant récemment développé, a intégré cette inclinaison parce que les métiers correspondant sont présentés de façon très technique et les formations ont été inclues dans des filières où les filles vont traditionnellement peu.
Il faut le dire, il n'est pas facile pour les filles de s'orienter là où elles sont très minoritaires. " Quand vous avez 10 filles dans un lycée professionnel, ce n'est pas évident à vivre pour elles " donne en exemple Danièle Dulmet, déléguée régionale aux Droits des femmes. En second lieu, le poids des stéréotypes est une réalité : "Les femmes aussi les véhiculent. Par exemple, si elles sont nombreuses à devenir professeurs, c'est parce qu'elles ont intégré le schéma "professeur - métier de femmes". Beaucoup n'aiment pas qu'on leur dise qu'elles véhiculent elles-mêmes ces idées".
Un écheveau complexe en défaveur du travail féminin
Outre qu'elle offre des perspectives réduites aux filles, cette situation aboutit à un taux de chômage plus élevé pour elles, avec des différences de 4 à 5 points en leur défaveur par rapport aux homme. Et la différence est encore plus criante pour les moins de 25 ans. "Il existe certaines tendances lourdes, comme orienter les filles vers les BEP ou CAP du tertiaire alors que ces diplômes offrent peu dé débouchés".
L'orientation n'est pas seule en cause. En matière d'inégalité des sexes, il suffit de tirer un fil et c'est tout l'écheveau de la société qui se déroule. Un système visiblement pas favorable au travail des femmes. "Tous les problèmes sont très liés d'où les difficultés à faire changer les choses confirme Danièle Dulmet. Prenez la garde des enfants : c'est très souvent
aux femmes de gérer ce problème et de s'arranger avec leurs horaires. En Franche-Comté, on dénombre par exemple 36 places de crèches pour 1000 enfants - contre 83 en France. Comme c'est aux femmes de faire face à cette situation, ce n'est pas sans effets sur leur situation professionnelle. Et on sait aussi que les familles monoparentales sont à 90 % une femme avec enfants... Il ne faut pas s'étonner de taux de chômage plus élevés chez les femmes quand ce sont elles qui cumulent les difficultés. Autre exemple, les transports : traditionnellement, s'il y a une voiture dans un couple, c'est l'homme qui l'utilise. A la femme de se débrouiller avec les transports en commun. Or ceux-ci ne sont pas forcément orientés pour desservir les zones d'emploi. Dans l'Aire urbaine, il y a par exemple de gros problèmes de ce point de vue. Là encore, les femmes en pâtissent plus." Cette situation a abouti à moduler la politique générale du secrétariat d'Etat. Jusqu'à il y a 3 ans, les actions spécifiques du type prix de la vocation scientifique et technique étaient privilégiées. Aujourd'hui, il favorise une approche transversale des problèmes avec la volonté de faire intégrer la notion d'égalité à toute politique qui se met en place. Ou du moins d'éviter qu'elle soit discriminatoire. Un travail de fond qui demandera beaucoup de temps. L'une des idées sous-jacentes est par exemple de rendre plus présentes les femmes dans les processus de décision de toutes sortes, car elles apportent un autre éclairage que les hommes. Malheureusement, les femmes occupent peu de postes à responsabilités. Là encore, on tourne en rond ! Dans cette situation, il est clair que les actions spécifiques en faveur des femmes ne sont pas abandonnées.
Le service des Droits des femmes travaille beaucoup avec l'Education nationale, distribue documents et dossiers aux proviseurs, professeurs, CDI, élèves... Parmi les sujets de surveillance, la traque des représentations stéréotypées présentes dans les manuels scolaires, plus nombreuses qu'on ne le croit. "Dans les livres d'histoire, à part Marie Curie, les filles n'ont pas d'images positives de femme à qui s'identifier. La plupart sont décrites négativement". Même volonté en direction du monde de l'entreprise, secteur encore plus difficile à faire bouger. En Franche-Comté, une conven-tion a par exemple été passée avec Peugeot en faveur du recrutement des femmmes, avec un certain effet sur les recrutements et les formations. On voit plus de femmes dans les ateliers de peinture ou de mécanique et l'entreprise en est si contente qu'elle fait la promotion du travail féminin auprès des équipementiers. Oui, les femmes peuvent devenir mécaniciennes.
Stéphane Paris
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