A Exèdre, boutique bisontine de commerce équitable, on est formel : “ce sont les jeunes qui viennent et qui amènent leurs parents”. L’an dernier, le Conseil régional des jeunes avait tenu à finir son mandat par un projet de sensibilisation au commerce équitable. C’est un fait, les jeunes sont attentifs à ce concept. Pourtant, l’idée du commerce équitable n’est pas nouvelle. On en trouve même les prémices dès 1860 dans un roman du Hollandais Eduard Douwes Dekker qui eut un certain retentissement à l’époque. Le nom de son héros ? Max Havelaar, fonctionnaire néerlandais qui prend la défense du peuple javanais colonisé. Plus d’un siècle plus tard, c’est ce nom que des Hollandais ont choisi pour lancer leur label de commerce équitable. Mais la “vogue” du concept est beaucoup plus récente. Artisans du monde a ouvert son premier magasin en France en 1974, l’association Max Havelaar s’y est implantée en 1992, 5 ans avant la création de la Plate-forme française pour le commerce équitable. Depuis, la filière s’organise, les initiatives se multiplient.
Certes, il faut nuancer le mot vogue. A l’heure actuelle, le commerce équitable n'atteint pas 1 % des échanges mondiaux, selon l’OCDE. Les Suisses, de loin les premiers consommateurs équitables, ne dépensent dans ce circuit que 10 euros par habitant et par an. Les Français, moins de 1. Mais les boutiques spécialisées sont moins vides qu’avant, les produits plus visibles, le taux de croissance très important. En France, les ventes doublent chaque année - il est vrai que l’on part de très bas -, le public connaît de mieux en mieux le sujet. Cela ne veut pas dire qu’il consomme des produits équitables mais au moins, il sait qu’ils existent. Tous les sondages indiquent des taux de sympathie élevés envers ce mode de consommation. On pourra gloser sur les raisons de ce phénomène. Effet des campagnes d’information et d’organismes qui “se bougent” ? Air du temps ? Nouvelles générations ressentant la volonté de s’impliquer ? Réaction aux exagérations de l’ultra-libéralisme ? Prise de conscience liée au développement durable et aux sonnettes d’alarmes tirées ici et là ?
Sans compter une diversité de plus en plus importante de produits. Il y a 20 ans, seul le café était concerné par le commerce équitable. Longtemps, on trouvait essentiellement quelques produits de base comme le sucre. Aujourd’hui, non seulement les produits alimentaires s’étoffent mais ils ont été suivis par des produits artisanaux type décorations, instruments de musique, jouets. Et maintenant des vêtements, même s’il n’existe pas encore de filière textile 100 % équitable. Et, même si l’on n’est pas spécifiquement dans le commerce équitable, des secteurs comme le tourisme et même les banques (placements éthiques, épargne solidaire) sont désormais touchés. Dans le premier cas, c’est le tourisme solidaire mis en place par des associations comme Croq’nature, Djembé, Tourisme et développement solidaire... Ce secteur est d’ailleurs l’un des plus représentatifs des inégalités de profit qui règnent sur la planète : le tourisme est la première industrie mondiale mais avec une mainmise des pays occidentaux, y compris pour les séjours dans les pays du Sud. Car les principaux postes de dépense (voyage, hébergement) concernent des prestations assurées par des entreprises occidentales. Quand un touriste voyage dans le Sud, ce qui sort de sa poche revient ainsi en quasi totalité au Nord. Est-ce bien équitable ?
Stéphane Paris
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