Anne Bergeret est seule ou quasiment à tenir à bout de bras une association de familles de traumatisés crâniens (AFTC) en Franche-Comté, l'une des 42 de l'union nationale. Elle s'y est consacrée à la suite de l'accident de son fils, qui est resté un an en fauteuil (
voir ici).
« Quand on sort d'un accident de la route, il est rare qu'il n'y ait pas de séquelles ». Depuis la création de l'association en 1996, elle se multiplie, gère l'association, participe aux forums de prévention et de sécurité routière, témoigne, démarche élus et institutions pour une meilleure prise en compte des traumatisés crâniens, contacte les familles et assure les missions de l'AFTC sur le plan régional.
« Sans plus d'aides, je ne pourrai peut-être pas continuer. D'ailleurs, je n'ai pas le temps de mettre en oeuvre toutes les idées, de remplir tous les dossiers ». La mission de l'AFTC est, il faut le dire, vaste : écoute des blessés et des familles, aide morale, mise en contact avec un réseau d'avocats compétents, information médicale, juridique et sociale, sensibilisation des organismes concernés, contribution à la réinsertion sociale des traumatisés, encouragement à la mise en place d'institutions et de programmes spécifiques...
« Beaucoup de choses sont à faire parce que la population des traumatisés crâniens est une population émergeante. Les deux tiers le sont à cause d'accidents de la route. Il y a 20 ans, les secours n'étaient pas équipés d'appareils respiratoires aussi performants qu'aujourd'hui et les victimes décédaient. Aujourd'hui, on parvient à ventiler le cerveau et à sauver des vies. Mais en parallèle, on n'a pas créé assez de centres spécifiques d'accueil. En Franche-Comté, par exemple, il n'y a pas de structure adéquate comme ailleurs et les deux centres de rééducation à Héricourt et Salins manquent de places ». Par la force des choses, elle en connaît un rayon sur les plans médicaux ou psychologiques.
« A l'intérieur de la boîte crânienne, le cerveau est mobile. Lors d'un choc violent, il rebondit comme une balle de ping-pong, ce qui entraîne des lésions. Certaines parties sont écrasées, d'autres subissent des rotations. Quand on sait que le cerveau est l'ordinateur de l'organisme, qu'il commande tout, on peut imaginer les conséquences. Par exemple, le cerveau commande les émotions : les traumatisés ne peuvent plus les contrôler ». Même si les séquelles sont différentes, plus ou moins nombreuses et durables selon les cas, la personnalité des blessés est fortement affectée. Leurs capacités ne sont plus les mêmes et ils sont souvent une personne différente d'avant l'accident. D'où des perturbations également pour l'entourage.
« J'ai monté deux groupes de parole avec la Cram et l'Adapei pour permettre l'expression d'une souffrance. Souvent les parents sont désemparés parce que la personne n'est plus la même. Ils récupèrent des enfants dans des corps d'adultes qui doivent quasiment tout réapprendre, parler, manger... Or si la famille ne fait pas le deuil de «l'avant», elle ne peut aider le blessé à se reconstruire en s'appuyant sur les qualités restantes ». Les problèmes de mémoire, de fatigabilité, de comportement sont cependant tels que seuls 5 % des traumatisés sont capables d'être réinsérés dans le monde du travail, à des postes adaptés et accompagnés.
« Et quand on parle de traumatisme crânien grave, on arrive à l'une des situations les plus handicapantes qui soit » souligne Anne Bergeret. Alors elle continue à se battre pour sensibiliser les pouvoirs publics au devenir des blessés. Et consacre 50 % de son temps à la prévention,
« pour changer les mentalités sur la route ».
S.P.
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