il y a de tout pour faire un monde. Depuis 1901, les associations font partie de la vie sociale française. Au moment de célébrer le centenaire de la loi qui les régit, elles n'ont jamais été aussi présentes. Aujourd'hui, elles sont plus de 730 000. Plus impressionnant encore, leur poids économique est estimé à 250 milliards de francs. Si la liberté d'association a été
définitivement entérinée avec cette fameuse loi 1901, cette dernière leur permet surtout d'avoir une capacité juridique par le biais de la déclaration en préfecture - qui n' a rien d'obligatoire (1).
Des associations existaient déjà avant 1901 : à Besançon, la section franc-comtoise du CAF (club alpin français) est même née en 1875 même si son autonomie juridique est beaucoup plus récente (1990). Et c'est encore plus tôt, en 1848, que les Saint-Simoniens avaient fondé la «Société des ingénieurs civils». Néanmoins, en 1901, la loi représentait une reconnaissance, celle de réaliser collectivement des actions, sans contrôle ni autorisation préalable de l'autorité publique. Au moment de la déclaration en préfecture, les services de 1'Etat n'ont d'ailleurs aucun droit d'intervention ou d'interdiction quels que soient les buts de l'association, à moins que ceux-ci n'aillent dans le sens d'une entorse manifeste à la législation, d'une atteinte aux bonnes moeurs ou à l'intégrité du territoire national et à la République. Les 21 articles de la loi publiée le 2 juillet 1901 ont d'ailleurs le mérite d'avoir traversé le siècle, d'être encore adaptés à notre époque sans modification profonde, même si certains réclament un cadre plus rigoureux pour des notions telles que la non-lucrativité ou l'activité commerciale. Pour rappeler l'article ler de la loi, « l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». A partir de là beaucoup de choses sont possibles - sédition excepté, on l'a vu.
Un monde très divers
Il n'y a qu'à feuilleter l'annuaire des associations bisontines, publié tous les deux ans, pour se rendre compté de la diversité souvent insoupçonnée du monde associatif. Dans l'édition de 1999, elles émargent à 10 rubriques différentes. Le sport, la culture et les loisirs, mais aussi l'action sociale, la santé ou le tourisme. « C 'est une loi de liberté extraordinaire estime Arlette Burgy-Poiffaut, responsable du Centre 1901-conseils à Besançon. A partir du moment où des individus ont comme objet autre chose que se partager de l'argent, ils peuvent monter une structure. Démocratiquement, c'est énorme ! » Un exemple pour appuyer son assertion : à supposer pour une raison ou une autre que le monde associatif se mette en grève, le pays serait quasiment bloqué.
Evolution sociale et épanouissement individuel
Parmi les effets insoupçonnés possibles : plus de versements d' Assedic (qui est l'association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce), plus de possibilité de faire appel à SOS Médecins (une association aussi), plus d'entretien des cages d'escaliers par la régie de quartier (association, toujours). Sans compter la fermeture des clubs de loisirs, de certaines crèches ou l'arrêt des émissions de quelques radios. En France, beaucoup plus d'activités qu'on ne le croit généralement passent par le tissu associatif. « En fait continue Arlette Burgy-Poiffaut, les associations se constituent souvent pour prendre en charge des secteurs non rentables de la vie sociale comme l'aide aux handicapés, le taxi associatif, certains secteurs de la recherche médicale ou le service aux personnes âgées. Mais quand ces idées deviennent rentables, le secteur marchand s'y met et en vient même à accuser les associations de concurrence déloyale en raison-des avantages que leur statut leur permet ! »
Depuis un siècle, le monde associatif a exercé un rôle moteur de la vie sociale. Non seulement parce que de grands mouvements comme la Ligue de l'enseignement née en 1866 ou la Ligue des droits de l'Homme (1898) sont elles-mêmes des associations. Mais aussi parce que certaines servent à représenter, porter la parole ou aider certaines catégories de la population : Union féminine civique et sociale avant-guerre, association des paralysés de France ou association des parents d'enfants inadaptés plus récemment... En général quand un besoin social se fait sentir, il émerge sous la forme associative. Et les réponses données sont également impulsées par le mouvement associatif. Hier, la loi sur le handicap (1975), la création du RMI (1988) ou la loi Besson sur le logement (1998) lui devaient beaucoup. Aujourd'hui, on citera la mise en oeuvre de lutte contre les exclusions ou l'économie solidaire. Ce n'est pas si étonnant : dans le secteur que l'on dénomme «social», là où la notion de rentabilité n'est ni primordiale ni manifeste, les associations représentent 80 % des organismes. « Faire partie d'une association est cependant aujourd'hui surtout une source d'épanouissement pour les individus. En général, la vie associative est moins militante qu'avant remarque Arlette Burgy. On ne s'investit plus toute sa vie dans une association comme cela pouvait être le cas. Ceux qui prennent des responsabilités le font plus momentanément. Pour prendre un exemple, ils vont s'occuper d'un club parce que leur fille y fait de l'équitation, mais s'en vont en même temps qu'elle ».
Autre indice, s'il en faut, de la vivacité de ce monde, le nombre de membres d'associations est estimé en France à 20 millions ! Dans ce contexte, les dérives ne sont pas évitées. Les sectes ont beau jeu de s'abriter sous ce statut en déclarant des buts plus ou moins farfelus. D'autres, comme l'a montré le scandale de l'ARC (association pour la recherche contre le cancer), ont su tirer profit du statut associatif à des fins d'enrichissement personnel. Enfin, dans certains cas, le flou entre activité lucrative et non lucrative peut paraître assez artistique. Mais là encore, c'est à l'image de l'ensemble de la société ; les excès ne sont pas propres au monde associatif. A l'aube de son deuxième siècle d'existence, la loi 1901 a sans doute encore de beaux jours devant elle.
Stéphane Paris
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