Voyez-vous beaucoup de jeunes en consultation ?
J’en vois mais ce n’est pas le public principal. En réalité, c’est assez réparti dans tous les âges.
On peut manger n’importe comment en étant riche. Mais peut-on bien manger sans beaucoup de moyens ?
Je dirais que oui. De manière équilibrée mais également du point de vue de la qualité. Il est vrai qu’acheter des fruits et légumes bio revient plus cher, mais c’est de meilleure qualité. Il faut faire une comparaison juste. Prenez les steaks hachés. Ils vont être moins chers en supermarché qu’en boucherie mais aussi moins riches en protéines donc moins intéressants pour la santé et moins rassasiants. Donc, à poids équivalent, manger de bons produits n’est pas forcément moins rentable. Sur certains aliments, il est fort possible de privilégier la qualité à la quantité.
Faut-il éviter certains aliments ?
Dans ma pratique de diététicienne, je n’interdis aucun aliment. Je m’intéresse au comportement et je réapprends aux gens à manger par rapport à leur faim et à leur rassasiement. Il faut réapprendre à se faire plaisir en mangeant. J’estime qu’on a trop médicalisé l’alimentation. Il est important de respecter ses envies gustatives. Si on nous interdit de manger du chocolat, on se retient jusqu’à ce que le chocolat un jour devienne irrésistible et cela ça devient une compulsion. Il faut plutôt être à l’écoute de ses envies.
Mais répondre à ses envies à tout moment peut être néfaste.
Je pense au contraire qu’il faut savoir s’écouter. Si on ne le fait pas, on se restreint complètement mais à un moment on va lâcher, ne plus rien contrôler et partir dans un cercle vicieux. Plus on se restreint, plus on a envie de transgresser. C’est pour ça que les régimes ne fonctionnent pas à long terme. Lorsqu’on atteint l’objectif d’un régime, on a tendance à retrouver les éléments plaisir de l’alimentation, à se jeter sur ce que l’on s’était interdit et à reprendre tout ce qu’on avait perdu. Et plus on fait de régime, plus le corps résiste et plus le poids de forme augmente. Les régimes mènent souvent à des troubles de comportements alimentaires (restriction, compulsion, grignotage pathologique, boulimie, anorexie…).
Que préconisez-vous ?
De faire en sorte que s’alimenter ne pose plus de problème. Je ne travaille que si la personne ne se sent pas bien pour l’aider à retrouver un rapport serein à l’alimentation. Il faut aussi avoir en tête que poids et santé sont deux choses différentes. La question est d’être bien dans ses baskets. Je pense qu’aujourd’hui, on ne sait plus écouter les signaux de notre corps. Les enfants savent s’écouter et se réguler mais ensuite l’éducation passe par là : «il faut finir son assiette», «on ne se ressert pas», etc. Les chocs émotionnels peuvent aussi mener à des changements de comportement alimentaire.
S’écouter mène-t-il à la modération ?
Si l’on apprend à déguster les aliments. Si l’on déguste, on se laisse le temps de s’imprégner du goût et à un moment cela devient désagréable et on s’arrête de manger. Si on mange trop rapidement, on n’a pas le temps de ressentir le goût et d’être saturé.
Il y a aussi des problèmes liés aux incitations extérieures.
C’est vrai que nous sommes dans une société de profusion alimentaire avec beaucoup de messages incitatifs. On nous fait manger de plus en plus de sucre. Il y a du sucre ajouté dans les produits cuisinés industriels. Mon seul petit conseil est d’éviter ce genre de produits. Mais allez trouver un yaourt sans sucre : il n’y en a pas beaucoup dans les rayons.
Les jeunes sont une clientèle de fast-food. Qu’en pensez-vous ?
A l’adolescence, on se cherche, on est entre deux, on entre en opposition avec l’adulte notamment par la nourriture. Pizzas, kebabs, fast-food : on est tous passés par là et à une époque ce n’était pas aussi diabolisé. Mais à mon sens aucun type d’alimentation n’est à interdire.
Des films ont montré les risques d’une alimentation en fast-food à haute dose.
Bien sûr, mais on est dans des cas extrêmes. En général, les ados n’y vont pas tous les jours, il y a déjà un problème de budget. Interdire, c’est prendre le risque qu’ils y aillent quand même à 16 h avec les copains puis qu’ils mangent à nouveau le soir à la maison, par peur que les parents ne découvrent qu’ils sont allés au fast-food. Ils n’ont pas forcément faim mais vont se forcer à manger à table. Cela peut conduire à des troubles du comportement alimentaire.
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.