Comment analysez-vous la situation particulière de la France en mati-re de sécurité routière et notamment son bilan catastrophique par rapport à ses voisins européens ?
Plusieurs causes peuvent expliquer les moins bons résultats de la France par rapport à ceux d'autres pays européens comme par exemple les pays nordiques, l'Allemagne ou l'Angleterre. En premier lieu,.les Français ont tendance à considérer que les causes d'accidents leur sont extérieures. Ils attribuent beaucoup plus d'importànce aux défauts des véhicules, des infrastructures ou des autres automobilistes, qu'à leur propre comportement. Trop souvent l'insécurité routière, c'est l'autre ! Deuxièmement, le niveau de contrôle est beaucoup plus faible dans notre pays, principalement en
raison d'un réseau routier plus étendu, mais je ne me satisfais pas de cette explication. En conclusion, nos résultats s'amélioreront avec une mobilisation forte des pouvoirs publics et une réelle prise de conscience du risque routier par l'ensemble de nos concitoyens. Il nous faut en permanence éduquer le conducteur, lui rappeler que la route n'est pas un terrain de jeu et que la voiture ne doit pas se transformer en arme qui tue !
Lors des états généraux de la sécurité routière, en septembre dernier, le premier thème abordé a été «comment mieux faire respecter la règle ?» tandis que Jacques Chirac, qui en a fait l'une de ses priorités, réclame «une action de rupture». Quelle est votre position sur cette question ?
L'impunité routière passe avant tout par une meilleure efficacité de la chaîne contrôle-sanction. Il s'agit de rendre plus cohérente, plus constante et plus efficace l'action de l'Etat sur ces sujets, ce qui est une des conditions nécessaires à la crédibilité de l'ensemble de la politique de lutte contre l'insécurité routière. Toute politique comporte un volet préventif dont l'objectif est de permettre une meilleure compréhension du bien-fondé des règles et de leur légitimité, et un volet répressif visant à améliorer significativement la probabilité pour un usager d'être contrôlé et sanctionné en cas d'infraction aux règles.
L'alcool et la vitesse sont les deux causes majeures d'accidents. Etes-vous favorable à un durcissement des sanctions dans ces domaines ?
Le seul respect généralisé des limitations de vitesse et des limites légales d'alcoolémie permettrait de sauver plusieurs milliers de vies chaque année, sans compter les dizaines de milliers de blessés graves. Un accident sur cinq est lié à l'état alcoolique du conducteur et la vitesse est une cause évidente d'aggravation des conséquences de l'accident. Il est de notre devoir de faire déjà respecter les règles existantes en la matière. Cela suppose un accroissement des contrôles assorti de sanctions effectives en cas d'infraction, c'est-à-dire une forte augmentation du nombre de contrôle et un traitement rapide du contentieux routier.
Il existe une certaine indulgence dans l'application des sanctions en France et de grandes différences de mise en oeuvre suivant les tribunaux. Est-ce que les réflexions des ministères concernés s'orientent vers une application plus stricte et plus unifiée ?
Le large débat qui s'est instauré en France à l'occasion de la loi d'amnistie a démontré l'attente des Français pour mettre un terme à l'indulgence en matière de sécurité routière. Dans le même temps, on assiste depuis l'été à une orientation nouvelle des tribunaux tendant à prononcer plus fréquemment les peines maximales prévues par les textes, ce qui me paraît, là encore, aller dans le sens d'une forte attente de nos concitoyens. Je pense enfin que si l'on veut des sanctions efficaces et dissuasives, il faut absolument réduire les sources de contentieux. Des amendes forfaitaires et une plus grande unification des sanctions prononcées permettraient d'aller dans ce sens.
Il existe un paradoxe entre le code de la route, la volonté d'éducation et de promotion de comportements routiers responsables d'un côté et les messages publicitaires et l'attitude de constructeurs favorisant les véhicules puissants de l'autre. Pensez-vous agir dans ce domaine ? Etes-vous, par exemple, favorable aux limiteurs de vitesse sur les voitures ?
La vitesse excessive est relevée dans 50 % des accidents mortels. On voit bien qu'il s'agit d'un sujet primordial mais qui ne trouvera de réponses que par une harmonisation des règles de construction à l'échelon européen. Les constructeurs français que j'ai rencontrés, tout spécialement à l'occasion du Mondial de l'automobile, sont très sensibles à cette question et prennent des initiatives, depuis de nombreuses années, pour mettre en place des dispositifs permettant une meilleure maîtrise de la vitesse et de ses conséquences. Ils doivent nécessairement poursuivre dans cette voie car les clients portent de plus en plus d'intérêt à la sécurité des véhicules. Les limiteurs de vitesse sont une piste de réflexion, mais à ce stade il ne pourrait s'agir dans un premier temps que d'une démarche volontaire. J'insiste sur le fait que si les dispositifs d'aide à la conduite doivent être encouragés, il ne faudrait pas pour autant qu'ils conduisent à déresponsabiliser le conducteur dont le comportement est en tout état de cause la principale cause d'accident.
Les jeunes sont particulièrement touchés par la mortalité sur la route. Cette situation est certainement liée à un problème de comportement mais aussi d'inexpérience. Dans ce cadre, êtes-vous favorable à une réforme du permis de conduire ?
Les 15-24 ans représentent 13 % de la population mais 27 % des tués sur la route. Cette situation dramatique n'est pas acceptable. Il nous faut par tous les moyens tenter d'y porter remède. Comme vous le précisez fort justement, l'inexpérience est souvent la cause d'accidents. Il me paraît dès lors utile d'améliorer la formation du conducteur dans le cadre de la préparation à l'examen du permis ou encore pendant une période transitoire qui suit son succès à l'examen. On n'est pas forcément un bon conducteur simplement parce que l'on est en possession du papier rose. Une réflexion sur un permis probatoire est actuellement à l'étude. Certains proposent également que la puissance des véhicules soit progressive avec l'expérience et l'âge des automobilistes. C'est une autre piste de réflexion, mais à ce jour rien n'est définitivement arrêté, notre priorité étant de vérifier que les décisions qui seront prises pourront être rapidement suivies d'effets.
Recueilli par Stéphane Paris
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