Depuis que les écoles ont fermé leurs portes, nous avons pu entendre de multiples témoignages de parents inquiets, parfois dépassés, qui doivent garder leurs enfants. Il est clair que cette période peut mettre les nerfs à rude épreuve. Mais qu’en est-il lorsque vous devez prendre en charge jusqu’à 19 jeunes en même temps ? C’est le cas d’Axel, Sandrine et Alexandre, tous les trois éducateurs spécialisés dans des structures qui accueillent des mineurs en difficulté, respectivement à Lyon, Besançon et Dijon. Le placement de ces derniers résulte soit de la décision d’un juge soit de la volonté de leurs parents. Il peut être dû à des problématiques personnelles (handicap, troubles du comportement) ou à un cadre familial non adapté (violence, toxicomanie, problèmes psychiatriques).
D’emblée, les trois éducateurs sont unanimes sur un point : les enfants ont dû mal à appréhender la situation : « Ils ne se rendent pas compte du danger » rapporte Alexandre. Dans ce contexte, difficile de respecter les consignes de sécurité. « On est censé éviter les jeux avec des contacts manuels. Mais cet après-midi ils voulaient absolument faire un basket. J’ai bien dû accepter, reconnaît Axel, c’est déjà suffisamment compliqué pour eux ». De même, il est souvent dur, voire impossible, de garder ses distances. « Hier, j’ai une petite fille de 6 ans qui s’est mise à pleurer, raconte Sandrine, je n’allais pas lui dire « pleure à un mètre de moi ! » ».
Les éducateurs redoublent d’effort pour organiser au mieux les journées. « Le matin on leur fait faire leurs devoirs. Mais ce n’est pas évident, on n’est pas prof ! » admet l’éducatrice en rigolant. L’après-midi, ils essaient de profiter au maximum du terrain extérieur, plus ou moins grand, qui juxtapose la structure. « Pour le moment, je les trouve cool » affirme Axel. Mais parfois des tensions éclatent, « ils ont un sentiment d’injustice, explique Alexandre, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent plus sortir ou voir leurs parents ». Certains ont habituellement un suivi psychologique dont il est difficile d’assurer la continuité. Dès lors, si un jeune est « en crise », pour éviter que cela se propage à tout le groupe et avec l’accord du psychiatre, « on peut aller se promener en individuel avec lui ».
Comme dans beaucoup de structures, les professionnels doivent faire avec des moyens restreints, et manquent de masques ou de gel hydro-alcoolique. Ils doivent également jongler avec leur situation personnelle. Par exemple, Axel a été embauché la semaine avant le confinement. Particulier comme entrée en matière ! « Normalement, j’essaie d’être un peu strict au début, confie-t-il, car les enfants et surtout les adolescents nous testent. Mais là c’est impossible ». Si la situation perdure plusieurs semaines, Sandrine reconnaît : « je ne sais pas comment on va ressortir de tout ça ». Mais ils peuvent compter sur l’entraide entre travailleurs sociaux : « heureusement on a une équipe solidaire ! » souligne-t-elle.
Matthieu Fort
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