En février dernier, le milliardaire Elon Musk, propriétaire des voitures Tesla, annonçait accepter le paiement en bitcoins. En mai, revirement : « Tesla a suspendu les achats de voitures avec des bitcoins. Nous sommes inquiets du recours de plus en plus important aux combustibles riches en carbone pour miner des bitcoins, surtout le charbon, qui a les pires émissions (de gaz à effet de serre) de tous les combustibles. La cryptomonnaie est une bonne idée à plein de niveaux et nous pensons qu’elle a un avenir prometteur, mais cela ne doit pas compromettre l’environnement. » Un symbole à la fois de l’engouement, des doutes et de la versatilité suscités par les cryptomonnaies ou cryptoactifs.
Les cryptomonnaies ont vu le jour en 2008 et il en existerait aujourd’hui plus de 5000 pour une valeur dépassant les 2000 milliards d’euros. La plus célèbre est le bitcoin, mais on peut aussi citer ethereum, ripple, deutsch coin. Du point de vue écologique, les doutes sont justifiés : quelle est la logique d’inventer un produit énormément énergivore en pleine période de débat sur le réchauffement climatique ? Cette empreinte carbone provient du minage : les transactions liées au bitcoin nécessitent une validation passant par la coopération de différents ordinateurs. Ses concepteurs (pour le bitcoin, il s’agit d’un ou plusieurs anonymes sous le nom de Satoshi Nakamoto), loin de rompre avec l’ancien monde, ont en effet décidé de le lier au travail (proof of work) : pour lui donner de la valeur, il faut « miner », c’est-à-dire utiliser les ordinateurs partenaires pour réaliser les transactions mais aussi résoudre des problèmes complexes (en échange, le « mineur » est payé en « tokens » ou jetons numériques, chacun correspondant à une unité de la cryptomonnaie considérée). Ce qui demande une grande puissance d’ordinateurs et tellement d’énergie que le minage du bitcoin a une empreinte carbone supérieure à certains pays. Les transactions en cryptoactif impliquent un gaspillage considérable d’énergie. Ce coût en temps et en énergie sert à éviter les attaques, les falsifications et peut-être, dans l’esprit des concepteurs, à maintenir un lien entre rémunération et effort. Rien de bien nouveau.
Ceci n'est pas une monnaie
Sur le plan juridique, une cryptomonnaie n'est pas une monnaie : elle ne dépend d'aucune institution, ne bénéficie d'aucun cours légal dans aucun pays et ne peut être épargnée ni, donc, constituer une valeur de réserve. Mais là aussi, il n’y a pas vraiment de rupture avec le système monétaire traditionnel. Si le bitcoin ne dépend d’aucune autorité publique, il dépend quand même des plus gros détenteurs et de ses créateurs, qui ont pris soin de limiter le nombre total de bitcoins, qui lui attribuent une valeur en dollars selon un cours libre et non régulé et qui ont principalement organisé un système de spéculation. L’usage comme monnaie d’échange n’est pas le principal : on peut faire des transactions sur internet, investir dans certaines startups ou les dépenser dans de rares commerces « physiques ». Dans ces cas, l’avantage est de ne plus avoir besoin de compte en banque pour effectuer une transaction. Mais comme les cryptomonnaies ne sont pas des monnaies au sens légal du terme, aucun vendeur n’est tenu de les accepter. De fait les utilisateurs sont essentiellement des spéculateurs à la typologie plutôt d'hommes jeunes.
« Miner » des cryptomonnaies demande une certaine expertise. En acheter exige une grande vigilance. Le flou du concept et l’absence de réglementation est un appel à l’escroquerie. En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) confirme que « l’investissement en cryptoactifs est risqué ». En droit français, ils n’ont pas de statut juridique clair et ne sont pas reconnues comme des instruments financiers. Pour aider et mettre en garde épargnants et investisseurs, l'AMF a dressé une liste noire des escrocs et une liste blanche des prestataires de services sur actifs numériques agrémentés (1).
Investir reste néanmoins risqué en raison d’un cours très volatil exposant à des pertes importantes, d’un système qui s’apparente à une bulle spéculative pouvant s’effondrer du jour au lendemain, du risque de piratage. Sans compter que les caractéristiques des cryptoactifs les rendent attractifs pour le blanchiment des capitaux ou le financement d’activités criminelles.
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