Les contestataires le font doucement sourire. «Depuis qu’on a installé nos éoliennes, nous avons fait plusieurs sondages. Il s’avère que plus on s’éloigne du site et plus les gens sont contre. Les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas. Ici, je n’ai jamais entendu personne dire que c’est laid». Pierre Berger est responsable des visites guidées des sites solaires et éoliens du Mont-Soleil, au-dessus de St-Imier en Suisse. Il est aussi agriculteur. Sur place. «Mes vaches, mes moutons n’ont aucun problème rit-il. Le gardefaune dit qu’il n’a noté absolument aucun changement chez les animaux sauvages depuis qu’on a les éoliennes».
Les 3 premières ont été installées en 1996. Cinq ont suivi. De plus en plus imposantes. Les premières mesuraient 67 m, la dernière 100 m de haut avec des pales de 33 m. On est passé d’une puissance de 600 kW à 1,57 mégawatts. «C’est une toute autre échelle que le solaire précise Jean-François Finck, d’EDF Franche-Comté. L’effort est tellement grand pour atteindre des mégawatts avec le solaire que nous préférons d’abord miser sur l’éolien. Il est peut-être significatif que beaucoup de banques investissent dans l’éolien : c’est un placement sûr. Et il y a un potentiel énorme en France».
Energie plus chère,
achat de conviction
Revenons à la Suisse et aux moutons de Pierre Berger. Ils vivent dans un espace paisible où l’on cultive de l’énergie renouvelable et douce. De l’éolien mais aussi du solaire puisqu’une centrale de 4000 m2 de cellules photovoltaïques a d’abord vu le jour en 1992. Sans odeur et pratiquement sans bruit. Lorsque le vent est minimal, il faut s’approcher pour entendre quelque chose, même si les anciennes hélices sont un peu plus sonores que les dernières. Une voiture qui démarre couvre facilement leur bruit. Une conversation normale également. Les oiseaux chantent, la Suisse est tranquille, la montagne est belle. La vue est enjolivée par ces moulins modernes, dont les ailes tournent calmement et régulièrement dans le ciel bleu. Presque apaisant.
«Les éoliennes se lancent seules avec un vent de 3 m/s et s’arrêtent s’il dépasse 100 m/s. Il y a plus de bruit si elles tournent plus vite mais on ne l’entend pas car dans ce cas il y a aussi plus de vent dans les arbres».
Le site produit 90 % de l’énergie éolienne suisse – mais solaire et éolien ne représentent pas plus de 1 % de l’électricité de la confédération, dominée par le nucléaire et l’hydraulique. Au total, 5,5 millions de kwh par an, l’équivalent de la consommation de 2700 ménages. Comme la Suisse n’a pas l’équivalent d’EDF pour acheter forcément l’électricité produite, le lancement s’est fait à tâtons, sans savoir si le site vendrait sa production. D’autant qu’elle coûte le double du prix normal. Mais le succès immédiat a permis à Juravent de se développer. La société fournit des entreprises qui font de l’utilisation de l’énergie renouvelable un argument de marketing et des particuliers qui font le choix de soutenir cette production écologique, quitte à payer plus.
De cette réussite, le site est devenu un véritable centre dédié aux énergies renouvelables (voir ci-contre). On y trouve même dunfromage fabriqué à l’éolien. Des chercheurs de tous pays viennent faire des essais sur la centrale solaire. Cette dernière a servi à fabriquer le plus grand catamaran solaire du monde qui navigue depuis 2001 sur le lac de Bienne. Bref c’est un espace de 10 km de long entièrementdédié à l’énergie moderne.
«Attention, tempère Pierre Berger. Cela fait 4000 ans que l’homme utilise la force du vent et 2000 ans que l’on connaît l’énergie éolienne». Ce qui fait penser qu’il y a 400 ans déjà, Cervantès décrivait Don Quichotte partant chevaleresque à l’assaut de moulins à vent...
S.P.
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