Dominique Langlois arpente la réserve naturelle de Valbois depuis 1992. Il connaît bon nombre de recoins de cet espace de 234 ha, du fonds du ravin à la falaise le surplombant de 210 m. Un espace qui entaille le premier plateau du Jura, où plus de 6000 espèces végétales et animales ont été dénombrées et qui rassemble une grande diversité de milieux entre éboulis, forêts, ruisseau et même certains éléments de milieu méditerranéen, lié à l’orientation de la falaise.
« C’est une très forte concentration de biodiversité sur un petit espace » assure le conservateur de la réserve naturelle nationale du ravin de Valbois.
Celle-ci est l’une des 169 créées en France – dont 11 en Bourgogne-Franche-Comté. Le projet est porté depuis 1983 par la
faculté des sciences de Besançon et géré par le
Conservatoire d’espaces naturels de Franche-Comté dont Dominique Langlois est l’un des 35 salariés. Même si la première réserve naturelle date de 1961, c’est une loi de 1976 qui a posé les bases de ces espaces protégés.
« La demande était de créer des structures pour gérer les milieux remarquables résume Dominique Langlois,
mais au-delà, on essaie de créer une assise citoyenne et un lien avec la population ». Pédagogie et sensibilisation sont les marqueurs de ce lien, dont on trouve des éléments à la maison de la réserve à Cléron ou encore à celle du lac de Rémoray, avec son espace d’exposition pédagogique. Sorties, conférences, expos et autres animations font partie des activités du Conservatoire d’espaces naturels.
Six ânes pour l'entretien
Mais le principal reste la protection du milieu, ce qui n’est pas toujours simple.
« Il y a quelques années, il a été question d’un projet de piste de décollage dans la réserve ! Faire abandonner cette idée a été très compliqué » se suvient Dominique Langlois. La présence et l’intervention humaine doivent être minimales. L’accès au ravin est libre jusqu’à 9 personnes ; au-delà, il faut une autorisation préfectorale. Gérer le lieu passe, la plupart du temps, par la non-intervention, mais c’est surtout un équilibre à trouver.
« Quand on a créé la réserve, l’enfrichement n’a pas été anticipé explique par exemple Dominique Langlois.
Alors il a fallu défricher et remettre en pâturage. On a installé des ânes pour assurer l’entretien. » Au nombre de 6, ces derniers se promènent sur la corniche. Ils font partie du compromis exploitation/non-exploitation qui découle d’un choix de gestion issu également de discussion avec le propriétaire privé qui détient une partie de la réserve. La concertation avec les acteurs locaux est inscrite dans la définition des réserves.
Chaque réserve ayant ses spécificités, sa gestion est liée à sa connaissance fine, ce qui implique une certaine latitude laissée à chacun. A Valbois, au fil du temps, on s’est spécialisé dans l’étude de la faune des sols. Une fois par mois, de mars à octobre, 13 stations permettent de récolter les invertébrés du ravin et d’obtenir un échantillonnage conséquent (
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« Ces relevés suivent un protocole pointu non seulement pour connaître ce qui existe mais aussi pour que cela soit reproductible et permette la comparaison dans plusieurs années. Pour avoir des tendances, il faut du long terme, avec le même protocole. Pour ce travail, on coopère avec d’autres sites à l’échelle européenne. » La réserve du ravin s’est plus précisément spécialisée sur les diptères (insectes à une paire d’ailes comme les mouches). Ce travail est effectué à des fins de connaissance mais aussi de distinction des espèces menacées.
Insectes indicateurs de l'environnement
Ce programme d’étude de la biodiversité à partir des insectes est rare.
« Peu de réserves sont connues pour ça. En général, une réserve naturelle est plutôt créée sur une base floristique ou ornithologique. Certains groupes d’invertébrés sont très peu connus mais il y a de plus en plus de spécialistes ajoute Dominique Langlois.
Ce n’est pas anodin : les insectes sont importants pour l’équilibre et la fertilité des sols et sont de très bons indicateurs de l’environnement, notamment parce qu’il existe de très nombreuses espèces. Les mille-pattes sont par exemple utiles pour connaître l’état des sols. Les syrphes sont un bon indicateur de l’état des forêts. On peut aussi évaluer les cours d’eau à partir des insectes. En 2013, après la première canicule, les espèces « spécialisées » ici ont mis 5 ans à revenir. »
Comme beaucoup de ceux qui travaillent dans l’environnement, Dominique Langlois se désole de l’état des lieux actuels. Un brin fataliste devant
« le changement colossal qui nous attend », il trouve une motivation dans l’idée de faire avancer la connaissance.
« Décrire de nouvelles espèces de diptères, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup »
Stéphane Paris.
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