Récemment, l'Assemblée des Régions de France a lancé l'initiative “Jeunesses en Région”. Une intiative dont la volonté est d'élaborer des politiques en rapport direct avec les préoccupations des jeunes. Quels interlocuteurs a-t-elle choisis pour établir un lien rapide et efficace avec la jeunesse ? La Ligue de l'enseignement, les Francas et les Cémea, soit 3 des principales associations d'éducation populaire.
Il est peu dire que ces associations ont le doigt sur le pouls de la jeunesse française. Leur travail de tous les jours avant, après, autour et hors de l'école est devenu indispensable a beaucoup d'enfants et de familles. Pour leur trouver un point commun, on peut résumer que ces associations se placent entre l'école et la famille, justement. “On voit bien que tout ne peut pas se résoudre par et à travers le système scolaire, qui est d'abord un système d'enseignement décrit Richard Edme, inspecteur général de Jeunesse et Sports en Franche-Comté. Les premiers responsables restent les parents et le cercle familial. Mais parallèlement, il y a une vie sociale qui s'inscrit à travers des associations, des activités sportives et culturelles où les enfants et les jeunes peuvent développer un savoir et un savoir-être”.
Une idée sur laquelle se retrouvent tous les organismes, à l'image de ce qu'en dit Nadine Vieste, directrice territoriale des Cémea : “l'éducation est globale et se fait aussi bien à l'école que dans la famille et dans les associations. Quand on est dans une phase d'apprentissage, il faut un apprentissage global. Notre rôle est de se demander à travers tout ce que peut faire un enfant dans sa vie comment il peut grandir, comment les gens qui l'entourent l'aident à grandir”. Une seconde définition générale s'impose : l'éducation pour tous, tout au long de la vie. L'éducation populaire s'adresse prioritairement à la jeunesse, mais pas uniquement. Lorsqu'on lui demande qui elle concerne, Manuel Messey, délégué général de la Ligue de l'enseignement de Franche-Comté répond : “je dirais la moitié de la population pour ne pas dire beaucoup plus. A un moment ou à un autre de notre vie, on passe tous par l'éducation populaire. Aujourd'hui, pratiquement tous les enfants sont pris en charge à une ou plusieurs occasions par l'activité d'une structure d'éducation populaire. Si on prend l'ensemble des composantes, elle est présente partout. Même celui qui organise un concert avec une association au fin fond de la Haute-Saône a des chances qu'elle soit affiliée à l'éducation populaire”.
Moins connus par ce qu'ils sont
que par ce qu'ils font
Ce complément de l'école et de la famille s'exerce dans toutes sortes de lieux et de moments. Si le grand public ne connaît pas toujours le concept d'éducation populaire, il connaît beaucoup mieux ses rôles : accueils de petite enfance, activités périscolaires (accueil des enfants avant et après l'école et au moment de la restauration scolaire), centres de vacances avec ou sans hébergement (les descendants des colonies de vacances aujourd'hui nommés “accueils collectifs à caractère éducatif pour les mineurs” ), classes de découvertes, échanges internationaux de jeunes, activités sportives, de loisirs et culturelles, formation d'animateurs et de délégués de classes constituent leurs responsabilités les plus connues. Peut-être connaît-il aussi mieux les principaux mouvements que le vocable générique sous lequel ils se rangent : Ligue de l'enseignement-Fol, Francas, Cemea, Pep, UFCV, Aroeven, MRJC, Familles rurales, Eclaireurs et éclaireuses...
Un contrat social
“Il y a un autre aspect très important de l'éducation populaire qui est, à travers ses activités, la construction de l'intelligence sociale, à savoir tout ce qui peut nous permettre de comprendre la vie commune et le fonctionnement de la société, pour y prendre sa place. C'est comprendre pour pouvoir agir, faire, se situer” rappelle Richard Edme. Pour cette raison, les diverses activités menées ne vont pas sans valeurs, celles qui doivent contribuer au renforcement, au fonctionnement du lien social. L'idée de contrat social n'est pas loin.
Même s'il s'est surtout développé au XXe siècle, certains font remonter les origines du mouvement aux Lumières. Les principes républicains de liberté, d'égalité, de fraternité sont aussi les siens. La notion d'égalité est sans doute la plus importante. Pour l'éducation populaire, il est capital de donner à chacun, quelles que soient son origine, ses croyances, ses capacités, sa catégorie sociale, les moyens d'être un citoyen armé des mêmes droits et possibilités que tous les autres.
Les grands mouvements sont d'ailleurs nés au moment où ce besoin se faisait le plus sentir : lors de la constitution d'un service public d'éducation pour tous au XIXe siècle pour la Ligue de l'enseignement, à la fin de la première guerre mondiale pour les Pep (Pupilles de l'enseignement public), au moment du Front populaire pour les Cémea, après la deuxième guerre, lors d'années où le dénuement, le rachitisme, l'orphelinat touchaient de plein fouet la jeunesse française, pour des mouvements comme l'Aroeven ou les Francas.
“Même les départs en vacances que nous organisons, y compris en famille, sont basés sur le concept de droit pour tous” indique Manuel Messey. Il ne s'agit pas seulement de proposer des vacances pour des vacances : toutes les études montrent une corrélation entre les départs en vacances et l'ouverture d'esprit, l'épanouissement et même les résultats scolaires. De la même façon, Marcellin Baretje, secrétaire général de l'Aroeven, défend la formation des délégués de classe : “depuis le début,il s'agit d'améliorer le dialogue à l'intérieur de l'école. On travaille mieux si on s'entend mieux avec les profs”.
“L'idée générale est de permettre à chacun d'être acteur de sa vie citoyenne et de na pas subir les choses” résume Gil Grosperrin, responsable de la fédération du Doubs de Familles rurales. Culture, sports, loisirs ne sont pas des buts mais des outils à des fins éducatives et citoyennes.
Les jeunes savent aussi s'engager
“Les stages d’éducation populaire de Jeunesse et Sports s'inscrivent dans cette logique rappelle Richard Edme. Ils ont été créés à l'époque de Jean Vilar avec l'idée qu'à travers des pratiques artistiques et culturelles, on pouvait participer à l'éducation d'un individu voire d'un citoyen”. Au cours des dernières décennies, le ministère de la Jeunesse et des Sports a mené un travail de longue haleine pour structurer, encadrer, développer l'éducation populaire en mettant en place des conseillers, des stages, des agréments, un institut national de formation (l'Injep). Il a donné lieu à création des MJC (maisons des jeunes et de la culture), de chantiers et d'échanges internationaux ou encore des fameux Bafa et BAFD, brevets non professionnels destinés à donner des outils aux jeunes chargés d'encadrer les centres de vacances. “Ces formations contribuent à l'engagement des jeunes complète Manuel Messey. On stigmatise régulièrement une petite proportion d'entre eux en oubliant qu'une grande majorité est dans l'engagement, notamment à travers les activités d'éducation populaire”.
Au cours de sa carrière, Richard Edme a pu vérifier l'utilité de notions toujours d'actualité selon lui : “nous vivons dans une société très technique et complexe, pas évidente à saisir pour chacun.Tout le monde n'a pas la chance de faire des hautes études, des voyages, de fréquenter des cercles intellectuels. L'éducation populaire vient combler ce manque. Sans compter qu'à l'heure actuelle, on est confronté à des jeunes dont on s'aperçoit que malgré leur passage à l'école, ils n'ont pas ou très peu d'expérience de la vie collective. C'est un concept qui à des moments peut aussi s'apparenter à une école de la seconde chance. On voit des jeunes qui n'ont pas réussi dans la vie scolaire développer des qualités, des capacités et des envies au contact des associations. J'en ai croisé qui se pensaient sans avenir et se sont replacés dans une dynamique à travers des chantiers de jeunes ou des missions de coopération. Dans les associations, les jeunes rencontrent des gens qui donnent de leur temps, de leur générosité. Pour ceux qui sont en échec, cette rencontre peut avoir valeur d'exemple et donner lieu à une prise de conscience déterminante. A travers l'éducation populaire, il existe un processus de reconnaissance et de valorisation”.
Stéphane Paris
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