Parler d’avenir lorsqu’on évoque la nourriture à base d’insectes n’est pas tout à fait exact. «C’est une habitude traditionnelle partout dans le monde sauf dans le mode de vie occidental. Mais à une époque, c’était aussi le cas en Europe». Luc Herrmann s’intéresse de près au sujet depuis une dizaine d’années. Il est sur le point d’inaugurer Agri bug’z à Rioz, accueilli par l’hôtel d’entreprises de la communauté de communes. «Il s’agit d’élever et reproduire des insectes de manière autonome et intelligente». Son entreprise est dédiée à l’élevage du ténébrion meunier, un coléoptère commun.
Un exemple rare en France. Parmi les raisons, une législation qui tarde à adopter les normes nécessaires. «Pour l’instant, et au moins jusqu’à début 2017, le fait de manger des insectes n’est pas légiféré en Europe. On se trouve dans un domaine flou, ni légal, ni illégal, avec une tolérance dans certains pays». La nourriture pour humains est la plus spectaculaire des perspectives liées à l’élevage d’insectes. Les solutions qu’elle apporte sont de plus en plus évoquées : nourriture abondante, riche, de qualité et moins polluante que la production de viande animale, élevage qui demande moins d’espace, meilleur rendement. «C’est même plus digeste que la viande traditionnel et le goût est bon signale Luc Herrmann. Quant à l’effet répulsif, il peut être contourné par la fabrication de farines, de galettes, de nuggets ou par l’insertion dans des préparations culinaires».
Recyclage
des déchets
Si Luc Herrmann est prêt à lancer Agri bug'z, ce n’est pour l’instant pas dans le domaine de la nourriture humaine - en attendant l’évolution de la législation : il va commencer par produire pour la consommation animale, pour les éleveurs, les zoos ou encore les propriétaires de nouveaux animaux de compagnie. Il a fait d’une passion («toute ma passion pour l’observation des insectes découle de la pêche à la mouche que je pratiquais tout petit») une reconversion professionnelle, passant par un bac pro gestion des installations agricoles, un hébergement à l’incubateur d’entreprises de Besançon entre juin 2014 et juin 2016, un tour d’Europe à la rencontre de spécialistes, des stages à la Citadelle de Besançon . Il a obtenu un certificat de capacité à l’élevage d’animaux non domestiques pour le ténébrion meunier mais aussi le criquet migrateur, le ver géant et le grillon domestique, quatre insectes aux intérêts nutritifs avérés. «Je préfère les insectes locaux pour éviter de polluer la biodiversité». Pour évaluer les perspectives de développement, il suit de près les pratiques, les évolutions technologiques et législatives.
Mais tout est à inventer. Son mode d’élevage, Luc Herrmann l’a conçu en s’installant dans un hangar et en utilisant des containers hermétiques de la marine. Il a déposé 2 brevets, dont un système de tri des insectes logique mais auquel personne n’avait semble-t-il pensé (secret de production). L’autre est un système qui permet à chacun de constituer sa propre ferme d’élevage. Mais l'insecte-nourriture n'est peut-être pas la perspective la plus révolutionnaire. Comme d'autres, Luc Herrmann s’est aussi lancé dans la recherche : une collaboration avec le labo chronoenvironnement de l’Université au sujet de la valorisation des déchets par les insectes. «Certains insectes auraient des propriétés étonnantes comme celle de consommer le plastique…»
Une filière
à créer
En tenant compte du respect des normes, le nombre d’éleveurs en France serait de moins d’une dizaine. «Il existe une demande croissante pour laquelle il reste à organiser une filière en France. D’autres pays comme la Hollande sont plus avancés». La nouveauté rend les gens «frileux, y compris les agriculteurs» estime-t-il. «Il nous faut communiquer, montrer que l’on est sérieux et que l’on construit une filière propre».
Pour cette raison, il prend son temps et commence son élevage avec un seul type d’insecte, estimant pouvoir atteindre une production de 40 tonnes d’ici 5 ans. Du côté des institutions, la conviction semble plus avancée. Outre l’aide à l’installation de jeune agriculteur, Agri bug’z a reçu des appuis des collectivités. Indice significatif : «je n’ai pas eu à prospecter du côté des banques. Ce sont elles qui m’appelaient avec des offres avantageuses».
Stéphane Paris
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