Maximilien, 16 ans, est inspiré. Il vient de mettre 10 mn pour réaliser un strip BD illustrant une discrimination. «Ca me parle. On en constate de plus en plus au niveau scolaire». Avec d’autres élèves de CAP (maçonnnerie, carrelage ou structures métalliques) du lycée Lumière de Luxeuil (site Beauregard), il participe à la première de ses 3 sessions de sensibilisation aux discriminations. Une action orchestrée par le réseau Information jeunesse de Haute-Saône à laquelle participent 24 établissements du département, mais aussi de Belfort et de Besançon. Environ 400 jeunes concernés, de l’école primaire au lycée. Leurs travaux seront restitués lors d’un temps fort final en mai prochain à Ronchamp. Pour aborder plus facilement le sujet, le réseau IJ a choisi de travailler autour de la BD avec l’aide de l’auteur François Roussel. «C’est plus marrant et sympa de le faire en BD. Ca change un peu» dit Maximilien.
«Réfléchissez d’abord à une idée, une situation conseille le dessinateur aux élèves. L’important est d’écrire une histoire en essayant d’être original. Je préfère un dessin mal fait qui dit quelque chose que l’inverse». La séance a été précédée d’une heure de discussion à bâtons rompus. «Il y a eu des échanges étonnants. Certains ont des opinions très tranchées, par exemple sur l’homosexualité. Mais c’est de l’ordre de «j’aime/j’aime pas» ou «c’est comme ça». L’idée est d’abord d’essayer de les faire réfléchir. Et quand j’entends certains propos, je pense qu’il faudrait aussi organiser des ateliers pour les parents». François Roussel ajoute : «mon public préféré, c’est les sixièmes. Ils sont encore innocents dans le bons sens du terme. Dès la 5e, ça change».
Réactions suprenantes
Pour cette première, les 3 professeurs encadrants trouvent leurs élèves étonnamment calmes et impliqués. «Ce n’est pas toujours comme ça !» assure Frédérique Eme-Rabolt, prof d’histoire. «On peut être surpris par certaines réactions. Les élèves se disent tolérants, mais on voit vite qu’ils ne le sont pas. Des projets comme celui-ci les aident à mûrir. Ce n’est jamais inutile».
L’an dernier, le lycée professionnel avait déjà participé à cette action, par le biais de courts métrages. Edouard Steegmann, prof d’arts appliqués, estime lui aussi l'initiative importante. Il passe notamment par un rappel de la loi. «Beaucoup d’élèves ne savent pas ce qu’est une discrimination ou discriminent à longueur de journée sans s’en rendre compte. Certains n’ont pas forcément accès à la culture ou à l’information chez eux. Nous voulons les ouvrir sur la diversité et la différence, qui peuvent être un enrichissement».
Lors des discussions, les élèves rapportent assez vite le sujet au racisme ou à l’orientation sexuelle. Mais la précarité ou le statut social sont également pointés. Le thème est vaste. La présence d’élèves allophones venant du Mali permet d’étendre le sujet : dans ce cas, c’est le manque de maîtrise du français qui peut être discriminant. Frédérique Eme-Rabolt pense que les mentalités changent. «Les élèves d’aujourd’hui expriment plus librement ce que d’autres disaient à mi-voix. Certains disent qu’ils discriminent, que c’est de l’ordre de l’opinion. Avant, ils auraient été pointés du doigt». Alexandra Saadi, prof de français, conçoit elle aussi ce projet comme une excellente idée : «C’est le moment de montrer qu’il n’y a pas que ce qu’ils pensent mais aussi ce que pensent les autres». D'une certaine utilité pour des élèves qui n’aborderont jamais en classe les questions philosophiques du doute et du relativisme.
S.P.
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