février 2007

Le cannabis, pas si cool...

Une consommation en augmentation en a fait un problème de santé publique. Sur le cannabis, beaucoup d’idées circulent. Elles ne sont pas toujours vraies.

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En un peu plus d’une décennie, le discours officiel sur le cannabis a changé. Le vocable drogue douce n’est plus au goût du jour tandis que le débat sur la dépénalisation n’est plus aussi brûlant. Raison principale : les autorités et les services de santé n’avaient pas vraiment mesuré l’ampleur de la consommation en France, notamment chez les jeunes. Et de fait social culturellement plus ou moins admis, il est devenu problème de santé publique.

   La consommation

Les chiffres sont parlants. Selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, plus de 4 millions de personnes sont concernées, dont 850 000 à 1 million d’usagers réguliers et 450 000 quotidiens. A noter qu’après une période  d’augmentation, la consommation semble s’être stabilisée depuis 2003.  Ces chiffres font du cannabis le produit psychoactif illicite le plus utilisé en France, en particulier chez les jeunes. D’après les enquêtes Escapad (menées lors de l’appel de préparation à la défense), un tiers des 17-18 ans en a consommé récemment, c’est-à-dire au cours du dernier mois. L’usage régulier (au-dessus de 10 occasions de consommation par mois, chiffre qui correspond à une utilisation non contrôlée) concerne 15 % des jeunes garçons et 6 % des filles, chiffres équivalents à ceux de l’alcool. Autre fait marquant, le rajeunissement constant de l’âge moyen de la première expérimentation. Enfin, les jeunes français sont parmi les premiers consommateurs en Europe. La Franche-Comté ne se démarque pas du reste de la France. Si l’on en croit l’enquête Escapad, à 17 ans, l’expérimentation de cannabis concerne un jeune sur 2, l’usage au cours des 12 derniers mois 44 %, au cours des trente derniers jours, un tiers. L’usage est régulier pour 13 % d’entre eux, quotidien pour 5 %. Mais la Franche-Comté se différencie par une pratique proche chez les filles et les garçons, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des autres régions.

   La législation

Ces pratiques répandues ne doivent pas laisser croire à la légalité. Au contraire, la législation n’a pas changé depuis 1970. La grande différence qui sépare le cannabis de l’alcool et du tabac, les deux autres principaux produits psychoactifs consommés par les jeunes, reste son illégalité en France. D’après les services d’Ecoute cannabis, “les jeunes usagers  qui nous contactent ont tendance à minimiser les risques. Ils sont au courant que des sanctions sont possibles, mais pensent que s’ils sont pris cela se soldera par une absence de condamnation”.
Or acheter du cannabis, en consommer, en détenir, en donner, en vendre, en cultiver, en transporter ou conduire après en avoir consommé sont des infractions à sanctions lourdes, quelle que soit la quantité incriminée. La possession de cannabis est un délit passible d’un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende. En donner ou en vendre : 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Depuis 2003, toute personne ayant conduit sous l’influence de substances classées comme stupéfiant (le cannabis l’est depuis 1925) est passible de 2 ans d’emprisonnement et 4500 euros d’amende. Le trafic peut être sanctionné de peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité et une amende de 7,5 millions d’euros. Or des quantités cultivées importantes sont susceptibles d’être qualifiées de trafic. Même chose pour les “achats groupés” entre copains pour obtenir de meilleurs tarifs : la loi les assimile aussi à un acte de trafic.
La lecture faite de la législation est cependant plus souple : les peines d'emprisonnement prévues pour sanctionner l'usage seul sont par exemple proscrites en pratique. Les circulaires de politique pénale recommandent aux procureurs d'éviter l'incarcération et de privilégier l'orientation sanitaire et sociale, avec des sanctions alternatives. La réalité, elle, est encore différente : suivant les tribunaux, les juges, les personnes inculpées et les moments, la sanction n’est pas la même. A Ecoute cannabis, on  confirme ces jugements “très variables dans la pratique, qui vont du rappel à l’ordre à 2 mois d’emprisonnement”. Et on assure que des peines de prison pour “simple détention de cannabis - et pas seulement des grosses quantités - sont possibles”.   

   La pratique

“Entre amis mais aussi seul, le week-end et la semaine, chez soi et un peu à l’école, voire avant les cours” : chez les jeunes l’utilisation des produits se fait partout selon le Dr Claude Magnin, médecin généraliste travaillant également en centre de soins pour toxicomanes, membre de la commission nationale addiction et l’un des fondateurs de Réseau 25 - Réseau Ville-Hôpital Toxicomanie. “L’expérimentation est chez les jeunes une façon de s’agréger, de faire comme les copains.  Et puis il y a les aspects interdiction, recherche du risque qui jouent beaucoup chez eux”. Autre élément notoire, “aujourd’hui, nous travaillons sur des comportements et non sur un produit en particulier car on est dans la polyconsommation. Même s’il y a distinction en termes judiciaires, du point de vue de la santé publique, on ne peut pas faire de distinction entre alcool, tabac et cannabis”.    

   La santé

Que le cannabis ait des effets sur le comportement, chaque usager le constate. Dans l’immédiat, et avec des différences suivant la dose et la tolérance de la personne, une prise entraîne une augmentation du temps de réaction, un difficulté à effectuer des tâches complètes, des troubles de la perception et de la coordination. Elle diminue les capacités de mémorisation, de concentration et d’apprentissage et peut également donner lieu à des symptômes psychiatriques (hallucinations ; troubles anxieux). Voire, suivant les personnes, à une augmentation de l’appétit ou du rythme du pouls. La psychose cannabique souvent caractérisée par des bouffées délirantes à caractère agressif est rare. De même que le “bad trip”, marginal : il s’agit d’une intoxication aiguë qui se manifeste par des vomissements ou des évanouissements, mais aussi des perturbations psychiques (hallucinations, dépersonnalisation, attaque de panique). A plus long terme d’usage, il existe également des troubles plus importants, sans que l’on n’ait encore déterminé s’il s’agit de causes ou de symptômes. “Est-ce que le cannabis créé des troubles ou est-ce que les troubles conduisent à fumer ? On ne sait pas  indique Claude Magnin. Mais il y a corrélation.”
Ces troubles sont de l’ordre d’un désintérêt pour les activités habituelles, d’une fatigue physique et intellectuelle, de difficultés de motivation et d’une humeur dépressive. Ce qui peut produire des effets néfastes sur les activités scolaires mais aussi les relations amicales et familiales. Et aboutir au cercle “je fume, je suis démotivé, je m’ennuie, je fume”... Parallèlement, la consommation de cannabis peut constituer un facteur d’aggravation de toutes les psycho-pathologies. Par ailleurs, les effets sur l’appareil pulmonaire peuvent être équivalents à ceux du tabac et augmentent le risque de certains cancers.
“Et la manière de fumer induit une plus grande dangerosité d’après Claude Magnin, car les fumeurs tirent sur le “pétard” complètement, en aspirant, en inhalant tout le produit. Pour les asthmatiques, cela peut vite mener à des bronchites chroniques. Cependant, les effets nocifs sont atténués par rapport au tabac, parce qu’en général la période de consommation est beaucoup plus courte”.   

   La dépendance

En effet, le cannabis est un produit beaucoup moins addictif que le tabac. Un indice : passé 40 ans, les consommateurs sont énormément moins nombreux qu’avant 30 ans (environ 1 % de consommateurs au-delà de 45 ans). Néanmoins, ce risque existe et “dans la catégorie des consommateurs réguliers, environ 10 % correspondent a une consommation de type dépendance” dit Claude Magnin. Dépendance d’ordre essentiellement psychologique et non physique, qui concerne la préoccupation de l’obtention et la consommation du produit. 

   L'escalade

Elle n’est pas non plus prouvée et systématique. Vu le nombre d’usagers, le contraire serait franchement inquiétant. “Mais les 150 à 250 000 personnes qui sont dans des consommations problématiques d’autres produits ont toutes fumé du cannabis” indique Claude Magnin.
“On sait aussi que les gros niveaux de consommation de cannabis constituent un terrain pour consommer autre chose même si là encore, on trouve des personnes fortement dépendantes qui ne consomment rien d’autre”. En réalité, l’escalade vers d’autres substances semble beaucoup plus liée à l’état psychologique et psychiatrique de la personne qu’au produit lui-même.  

   La route

En termes de comportement, le risque principal lié au cannabis concerne la route. Car les troubles de la coordination, de la perception visuelle et l’allongement du temps de réaction qui en découlent augmentent les risques associés à la conduite. Plus grave, la prise de cannabis potentialise les effets de l’alcool, aussi l’association alcool-cannabis présente-t-elle un risque majeur sur la route. Un seul conseil possible : ne jamais conduire sous l’emprise du cannabis. Encore moins sous celle de l’alcool.   

   Les produits

Parmi les changements de ces dernières années, les observateurs notent une augmentation de la concentration en produits actifs, donc de la toxicité. De même que se développent des produits de coupage, incluant par exemple de l’héroïne, moyen pour le vendeur d’”accrocher” son acheteur. Les prix, eux, sont à la baisse. Néanmoins, une consommation régulière peut vite aboutir à un coût élevé. D’après l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, le prix du cannabis varie de 4 à 8 euros le gramme. Les usagers réguliers dépensent 25 à 80 euros par mois. Le besoin d’argent lié à la consommation est d’ailleurs un moyen d’alerte pour les parents.

Stéphane Paris
Sites
drogues.gouv.fr 

ofdt.fr

cannabisetconduite.fr

Pour s’informer ou demander un conseil
Ecoute cannabis, 0811.91.20.20, tous les jours de 8 h à 20 h (coût d’une communication locale depuis un poste fixe) : aide, infos, conseils, orientation. 

Fil santé jeunes, 0800.235.236, tous les jours de 8 h à minuit : écoute par des psychologues et des médecins.

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