L'Unicef est inquiète : "la prévalence des idées suicidaires, de la tentative de suicide et des conduites addictives chez les adolescents est d'une ampleur inquiétante". Source de l'alarme ? Une enquête menée de mars à mai 2014 auprès de 11232 "enfants" de 6 à 18 ans (dont 62 % âgés de 12 à 18 ans) (1). L'organisme en tire deux conclusions principales, dont celle-ci : "plus du tiers des participants est en situation de souffrance psychologique et cette proportion augmente avec l'âge, atteignant 43 % des plus de 15 ans".
La question du suicide
Parmi les sources d'inquiétude, cette question fortement présente chez les 12-18 ans : l’idée du suicide concerne 28 % des participants, en particulier les filles, tandis que la tentative de suicide aurait été vécue par près de 11 % d’entre eux. Parmi les facteurs de risques explorés dans le rapport, le harcèlement sur les réseaux sociaux apparaît comme jouant un rôle crucial dans le passage à l’acte en multipliant les risques par plus de 3.
Le rapport lie également souffrance psychologique et conduites addictives, ce qui n'est pas forcément en corrélation. Il n'empêche que de ce côté aussi, les pratiques sont préoccupantes : la consommation de drogue et d’alcool augmente drastiquement avec l’âge : plus de 41 % des plus de 15 ans disent consommer de l’alcool et avoir déjà été en état d’ivresse et près de 32 % consommer de la drogue ou fumer du cannabis.
Privation et intégration
L'autre information essentielle du rapport n'est pas une surprise : "les enfants en situation de privation cumulent les difficultés en matière d’intégration sociale".
Un peu plus de 17 % des jeunes consultés sont en situation de privation matérielle. Sans surprise non plus, cette proportion croît selon l’âge (24 % chez les plus de 15 ans), chez les enfants vivant dans des familles monoparentales (26,8 %) et parmi les enfants vivant dans un quartier «insécurisant» (31,6 %). L’étude confirme le lien entre privation et difficultés d’intégration. "Ce que nous disent les enfants et les adolescents à travers la consultation confirme que vivre en situation de privation constitue pour eux un facteur de risque de vivre en même temps des expériences de difficultés d’intégration, dans toutes ses dimensions (famille, école, quartier, collectivité)".
Les rapporteurs de l'étude font également l'hypothèse que "ce phénomène de cumul des inégalités a une forte probabilité d’être vécue par les enfants et les adolescents comme une souffrance". Ce qui nourrit une explication à la première conclusion.
Relationnel en souffrance
L'Unicef a voulu explorer un axe plus difficile à cerner : la qualité des relations avec l'entourage et son effet sur le bien-être "psychoaffectif".
"Si les participants se sentent globalement plutôt bien dans leur vie" positivent les chercheurs, "une forte proportion dit ne pas se sentir valorisée par son père et vivre des relations tendues avec ses deux parents. Ce sentiment de manque de reconnaissance ainsi que les tensions familiales croissent avec l’âge, le niveau de privation et l’insécurité du cadre de vie".
L'école est également mise en cause : "elle ne joue pas son rôle de reconnaissance et de protection pour un grand nombre d’enfants : 45 % des 6-18 ans interrogés se sentent vraiment angoissés de ne pas réussir assez bien à l’école. Cette proportion passe à près de 60 % chez ceux vivant une situation de privation".
Les difficultés rencontrées se traduisent par des souffrances psychologiques chez un peu plus de 36 % d’entre eux. Le fait d’être une fille, la peur de l’échec scolaire et le harcèlement sur les réseaux sociaux augmentent de manière significative les risques de souffrances psychologiques.
La situation est préoccupante et l'Unicef veut le faire savoir. "Nous voulons attirer l’attention des pouvoirs publics, mais aussi de la société civile tout entière, sur nos adolescents trop souvent incompris et trop vite jugés" dit Michèle Barzach, présidente d’Unicef France. "Nous nous devons de les écouter, de les accompagner jusqu’à l’âge adulte, vers lequel ils avancent avec un mélange d’envie et d’appréhensions". Le rapport sera remis à Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat à la Famille, aux Personnes âgées et à l’Autonomie et à Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion, le 23 septembre.
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