Quelles sont les caractéristiques marquantes de l'espace rural aujourd'hui ?
La grande problématique est qu'il est extrêmement difficile à définir. On va trouver une multitude de définitions : le statisticien a la sienne comme le ministère de l'Intérieur (est dite rurale toute commune de moins de 2000 habitants). Pour l'agriculteur l'espace rural est celui pour lequel l'occupation dominante est d'ordre sylvo-agrico-pastorale. Pour le sociologue, ce sont plutôt des comportements spécifiques pas toujours évidents à discerner aujourd'hui dans la mesure où il y a une intégration de plus en plus prononcée des milieux ruraux aux milieux urbains et une homogénéisation des comportements. En tant que géographe, je dirais que l'on travaille sur un espace continu qui s'organise selon le modèle centre-périphérie. La genèse de cette organisation remonte à la mise en place de notre économie industrielle et surtout à partir des années 60, avec la croissance de petits villages en périphérie des villes. Dans les années 80, on note un mouvement vers des communes périphériques de plus en plus éloignées et donc l'implantation en milieu rural d'une population nouvelle d'origine urbaine. Ce développement de la périurbanisation est un trait de caractère essentiel de nos campagnes. Reste, au-delà, l'espace rural que certains ont qualifié de profond : sous-peuplé, dévitalisé, fragile, population vieillissante... Le recensement de 90 montre l'arrêt du processus de dépeuplement et une timide régénération : il y a une reconquête par retour au pays de populations expatriées qui reviennent au moment de la retraite. Il faut aussi isoler l'aire de migration quotidienne et celle du week-end. L'espace rural éloigné est en effet aussi marqué par la pratique de la résidence secondaire.
Des zones comme les Mille Etangs échappent à la continuité que vous évoquez.
C'est un angle mort dans cette continuité. On est dans un secteur isolé des principales entités urbaines, ce qui ne permet pas le développement de relations quotidiennes domicile-travail. Dans ces zones, et ce n'est pas la seule en Franche-Comté, il existe un certain nombre de petits bourgs insuffisants pour offrir du travail à la majeure partie de la population. C'est un phénomène contre lequel on ne peut pas lutter, on ne peut pas rêver à un transfert massif d'activités en milieu rural.
Le retour au milieu rural est-il une réalité importante ?
Oui. C'est très net dans les périmètres de 20 km autour des villes, très marqués par la forme de l'habitat pavillonnaire.
La réoccupation de l'espace rural favorise-t-elle l'emploi ?
Elle s'accompagne d'induction d'emplois dans les activités de service ou sanitaires et sociales, ce qui n'est pas négligeable. Les fonctions de commerce sont de plus en plus assurées par les petites et moyennes surfaces situées dans les bourgs centres. En temps d'accès, le parcours en voiture pour y aller équivaut à celui qui permet de rejoindre l'épicerie du village à pied, donc la concurrence est nette. Je crois que le développement de services de proximité en milieu rural n'est pas simple. Il fonctionne mieux dans les espaces ruraux les plus peuplés, les zones périurbaines.
On parle aussi du tourisme.
Oui, ce n'est pas une découverte. On peut distinguer trois types d'activités : la résidence secondaire, qui permet le maintien du capital de bâti en milieu rural, de régénérer le patrimoine lorsqu'il y a réhabilitation. Il y a l'aspect montagne, intéressant à développer pour le massif jurassien. Et il y a ce qui relève du tourisme vert pour lequel un certain nombre d'efforts sont faits, mais il ne faut pas se leurrer, c'est une clientèle touristique assez diffuse, ce n'est pas un tourisme de masse. Cela induit un certain nombre de structures et en aval des particuliers se spécialisent dans le gîte ou l'accueil à la ferme. Mais cette activité a besoin d'une certaine confidentialité, on ne peut pas imaginer que tous les agriculteurs de la région se livrent à une activité touristique.
Recueilli par S.P.
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