février 2005

Piercing :des précautions à prendre

Deux entretiens avec un professionnel de santé et un perceur. «Les perceurs sont demandeurs d’une charte de bonne qualité».
Photo Yves Petit

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Julien Crouzet, 27 ans, interne en santé publique, a participé à l’élaboration d’une plaquette d’information sur les risques sanitaires du piercing.
800 à 1400 perceurs exercent en France, du strict respect des règles sanitaires jusqu’à la pratique sauvage. Pour éviter certaines dérives, le réseau ville hôpital hépatite C Franche-Comté (REVHOC) vise à informer les adolescents et les jeunes adultes de la région sur les risques de contamination virale et bactérienne lors des piercing. 

Combien y-a-t-il d’actes de piercing en France et à quoi sont dues les complications d’après piercing ?
Sur 100 000 actes de piercing en France, 10 à 20% connaissent des complications. Ca va dépendre des personnes, certaines sont plus fragiles que d’autres. On leur conseille alors d’éviter de se faire percer. Ca peut venir également du perceur qui  ne respecte pas certaines règles d’hygiène de base.

Où en est actuellement en France la réglementation applicable aux perceurs ?      
C’est simple, il n’y a à l’heure actuelle aucune règle qui leur est imposé. Les perceurs sont considérés comme des artisans. D’un côté, c’est un commerce, de l’autre cela nécessite une pratique sanitaire. C’est avant tout un problème de corporation. On va peut être bientôt avancer avec une loi qui doit être votée.

Il y a tout de même une prise de conscience des professionnels ?
L’Assistance sociale hôpitaux de Paris a publié un guide des bonnes pratiques du piercing. La plupart des perceurs sont demandeurs d’une charte, qu’il y ait des critères de bonne qualité. Il y a généralement une volonté de pratiquer dans les règles. Près de la moitié des perceurs de Franche-Comté ont ainsi travaillé avec nous sur la plaquette. Le corps médical est d’accord pour qu’il y ait une charte mais celle-ci ne peut être valable que s’il y a un contrôle des autorités sanitaires.     

Quelles sont les principales précautions à prendre pour éviter toute infection ?
On aimerait qu’il y ait dans tous les magasins de piercing une stérilisation du matériel et des conditions d’asepsie comme dans les vrais actes médicaux. Le matériel doit être obligatoirement à usage unique avec désinfection systématique de la zone cutanée. Le perceur doit aussi informer son client du délai de cicatrisation (estimations tirées du Guide des Bonnes Pratiques) : moins de quatre semaines pour le lobe d’oreille, de trois à six pour la langue, de six à douze pour les cartilages de l’oreille ou du nez, de deux à six mois pour le mamelon et les organes génitaux, et jusqu’à douze mois pour le nombril à cause du frottement. Si ça se passe mal, il ne faut pas hésiter à consulter son médecin traitant.  


     «Je vois beaucoup de jeunes
     mais aussi des gens de tous milieux»


Franzz Desteve a ouvert  «Exiting body piercing» en 2002 à Besançon. Il se dit fortement favorable à la mise en place de normes pour une pratique saine. 

Faut-il des diplômes ou un agrément pour ouvrir une boutique de piercing ?
Non, nous ne sommes pas reconnus par l’Etat. On est toléré sans plus d’agrément que si on voulait vendre des tapis.

Comment avez-vous commencé ? 
Cela fait 10 ans que je travaille dans l’esthétique corporelle et 8 que je suis perceur. Dès que j’ai commencé, ça a fait tilt. J’ai suivi une formation avec «Body piercing international» à Lyon. On m’a donné les bases et je me suis beaucoup autodocumenté, notamment sur la stérilisation. Je me suis également mis en relation avec des professionnels reconnus de Strasbourg, Avignon, Paris, des gens qui font du piercing depuis 20 ans. Des gens qui ont participé à l’élaboration du «Guide des bonnes pratiques du piercing» qui doit sortir bientôt. 

Vous avez participé à une réunion avec des médecins et d’autres professionnels. Etes-vous attentifs et favorables à la mise en place de normes ?
Je suis très favorable à une législation, à des normes parce que certains font n’importe quoi pour l’argent et le commerce alors que le respect du client est primordial. Je rencontre des gens qui ne connaissent pas du tout ce qu’ils ont sur eux, ni l’hygiène que cela réclame. Il y a un gros manque d’information. Pour cette raison des réunions comme celle avec le CHU, qui était pointue, sont utiles. Mais pour l’instant, il n’y en a eu qu’une et il n’y a pas eu de suite. L’information et la prévention me semblent primordiales car pour moi le but est que les gens repartent avec le sourire, soient satisfaits. Ce qui est d’autant plus important que la plupart des gens sont aiguillophobes. On rencontre donc souvent le parcours appréhension, sensation, satisfaction. 

Vous-mêmes, comment vous-y prenez-vous en termes d’hygiène ?
Chaque client reçoit une feuille de soins précise, lui permettant d’assurer le bon déroulement de la cicatrisation. Je propose également un suivi : chacun peut revenir quand il veut pour que je regarde l’évolution. Et je fais un contrôle systématique au bout d’un mois. Ensuite, cela dépend du piercing. Pour la langue, une cicatrisation complète prend un mois et demi environ. Pour le nombril, c’est 6 mois.                 

Votre public a-t-il une typologie particulière ?
Il y a un gros pourcentage de jeunes. Mais sur l‘ensemble, je vois des gens de tous les milieux, ça va du banquier à l’étudiant. Il y a peu de temps, j’ai reçu une personne de 58 ans. J’ajoute que je refuse les moins de 16 ans et que ceux qui ont entre 16 et 18 ans doivent venir accompagnés de leurs parents.  

C’est une pratique qui se répand depuis quelques années. Avez-vous une explication ?
Le piercing entre dans les mœurs. Je pense aussi que notre société impose énormément de choses aux gens, que pour réussir socialement, il faut entrer dans un archétype précis et c’est une façon pour l’individu de se donner une identité spécifique. On retrouve ainsi le rôle originaire du piercing dans certaines tribus : un moyen de marquer leur identité. C’est aussi une façon de retrouver son corps notamment à travers la cicatrisation, de se retrouver soi-même. Les gens qui viennent ont énormément tendance à se confier. Il y a aussi beaucoup de gens qui le font pour l’esthétique. Et d’autres uniquement pour la sensation. Ils vont garder le piercing quelques temps et l’enlever après la cicatrisation.  
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