Le saut du Doubs à Villers-le-lac s'est formé il y a 13000 ans, suite à un éboulement de la rive droite du Doubs (le côté suisse de la vallée) qui coupe le lit de la rivière. Il se constitue alors en amont de l'éboulement un lac : le lac de Chaillexon. Et depuis 13000 ans, le Doubs qui traverse le lac de part en part, y dépose des sédiments remplissant désormais le lac au neuf-dixième. « Les sédiments sont une parfaite mémoire de l'environnement et leur lecture à travers les pollens qu'ils renferment permet de rétablir la végétation existante et le climat de chaque période », indique Vincent Bichet qui prépare une thèse de doctorat en géologie sur le secteur du lac de Chaillexon. L'étude du remplissage du lac équivaut donc à lire une sorte de mémoire du climat. Il y a 13000 ans, lorsque se constitue le saut du Doubs, on est à la fin de la dernière grande période glaciaire, appelée Würm par les scientifiques. « Une grosse calotte de glace recouvre alors la haute chaîne du Jura et déborde largement sur le flanc ouest sur le flanc suisse ». Prédomine alors dans notre région un climat assez semblable à celui que l'on trouve aujourd'hui en bordure du Groenland et une végétation essentiellement steppique recouvre les sols.
Elévation des températures
De 13000 ans à nos jours (NDLR toutes les dates doivent être comprises comme partant de la période actuelle), l'évolution générale va vers une élévation des températures. « A partir de l'analyse des sédiments et des pollens qu'ils contiennent, on peut dire que cette montée des températures n'est pas constante, mais entrecoupée d'accélérations, de moments d'arrêts, voire de reculs » affirme Vincent Bichet. Il y a 13000 ans les écarts moyens de température ont pu atteindre 4 à 6° C en moins par rapport aux températures actuelles. De 13000 ans à 11000 ans le climat se réchauffe lentement et profitant de la plus grande chaleur, « des boqueteaux de bouleaux et pins envahissent les steppes. On n'a retrouvé à ce jour aucune présence humaine à cette époque dans le secteur ».
A nouveau, durant environ 1000 ans, de 11000 ans à 10000 ans, le climat se refroidit, « la végétation redevient steppique et les pluies sont particulièrement abondantes ». La période suivante appelée Préboréal s'étale sur environ un millénaire : le réchauffement climatique reprend et s'accentue. Le chêne se développe jusqu'à 800 mètres d'altitude. « A certains moments durant le Préboréal, le Doubs ne coule pratiquement plus. Les pertes du Doubs dont on parle beaucoup aujourd'hui commencent-elles à fonctionner ? », s'interroge Vincent Bichet, « cela est-il dû à un manque de pluie? Peut être à une combinaison des deux phénomènes... » Tout au long des mille années suivantes (de 9000 à 8000 ans), le climat davantage humide permet la constitution de forêts importantes et denses avec principalement le chêne, l'orme et le frêne.
Les premiers agriculteurs
De 8000 à 4700 ans, c'est la période Atlantique considérée comme l'optimum climatique durant lequel, température et humidité sont plus favorables à la végétation qu'elles ne le sont actuellement. Une végétation abondante et variée s'installe avec, en particulier, l'aulne et le chêne. C'est durant cette période qu'apparaît le sapin alors que le chêne monte jusque sur la haute chaîne du massif jurassien. « Les températures d'été sont supérieures d'environ 2°5 aux moyennes actuelles ». Des peuplements humains importants s'installent. Les échanges paraissent nombreux avec le côté suisse. « On retrouve des traces de pollen de céréales qui attestent de l'apparition des premiers agriculteurs dans la région où la déforestation est importante ». La même constatation a pu être faite sur plusieurs lacs du Jura par Hervé Richard du laboratoire de chrono-écologie de la faculté des sciences de Besançon, ce qui renforce son étendue régionale. De 4700 ans à nos jours, le climat redevient plus continental, le chêne redescend à des altitudes beaucoup plus basses. Le sapin s'installe véritablement sur les reliefs ; l'homme accentue sa présence par les défrichements et colonise le couvert végétal. « L'un des objectifs des recherches actuelles est d'étudier plus en détail les apports de sédiments depuis ce siècle. Nous devrions alors pouvoir évaluer la date du comblement du lac de Chaillexon ». Mais le saut du Doubs restera bien en place.
Joseph Doillon
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