Trois ou quatre fois par mois, le FJT Les Oiseaux à Besançon propose des séances de cinéma gratuites. En mars, c'était Marie-Jo et ses deux amours de Robert Guédiguian, Histoire d'un secret de Mariana Otero et un programme de neuf courts métrages fantastiques. A l'image de cette programmation, le cinéma aux Oiseaux est souvent représenté par des films récents, plus proches d'oeuvres d'auteur que du cinéma grand public. Il correspond aux mots-clés du foyer : l'ouverture, la découverte, une gratuité qui permet un accès au plus grand nombre et le mélange des publics puisque les séances sont ouvertes à tous, résidents comme personnes de l'extérieur. Lesquelles symbolisent la volonté d'ouverture du foyer, et partant de là de ses résidents, sur le quartier et la ville. Depuis longtemps, le foyer de la rue des Cras a fait de la culture l'un des principaux moyens pour mener à bien sa mission. Tout en le faisant connaître, elle contribue à l'insertion des jeunes résidents et à l'animation de la ville. En mars 2004, la programmation annonçait 10 rendez-vous, tous gratuits. Outre le cinéma, des expos, des concerts, une guinguette. Sur une année, le bilan est éloquent : en 2002 la programmation culturelle avait attiré 15000 spectateurs à travers 35 films, 20 spectacles vivants, 9 guinguettes, 20 expositions et 8 conférences. Ouverts à tous. Gratuitement. «Cette activité culturelle modeste permet d'animer le foyer et de donner des activités aux résidents. Mais le but de la manoeuvre, c'est bien de permettre une ouverture à tous points de vue, explique Philippe Romanoni, le directeur adjoint. Par exemple, si l'on essaye de montrer autre chose que du cinéma américain, c'est parce que les jeunes y ont accès facilement. Et si nous insistons sur le cinéma français c'est que nous re-cevons beaucoup de jeunes étrangers qui sont là pour se familiariser avec la langue et la culture française ».
Brassage culturel
La culture est présente de façon plus ou moins importante dans tous les FJT. Mais aux Oiseaux, il s'agit vraiment d'une spécificité. « Il y a des gens qui ne nous connaissent que par ça » signale Philippe Romanoni.
Cette volonté d'ouverture n'a rien de nouveau. Le FJT a été créé en 1963, l'accès aux habitants du quartier effectif cinq ans plus tard. Et dès 1965,le foyer donnait naissance à l'Asep (association sportive et d'éducation populaire), pour proposer des activités culturelles, sportives et de loisirs. Si elle est devenue indépendante en 1993, cette dernière est plus que jamais vivace : cette saison, elle offre 11 activités sportives, 27 culturelles (musique, arts plastiques, théâtre, danses) et 10 de loisirs, de l'apprentissage de l'allemand à la relaxation. Le tout dans des locaux appartenant au FJT. « Nous sommes séparés mais nous restons très proches précise Jean-Pierre Burtz, directeur du FJT et trésorier adjoint de l'Asep. Si le week-end on a besoin d'ouvrir les locaux de l'Asep pour les résidents, on le fait ».
Le mélange, la rencontre sont aussi favorisés entre résidents. Leurs origines sont diverses. Aux jeunes travailleurs, stagiaires, demandeurs d'emploi, apprentis voire étudiants français se mêlent des étrangers en séjour dans la région. Ceux qui passent (le FJT est labellisé auberge de jeunesse), mais surtout des stagiaires présents plus longtemps comme ceux du programme Eurodyssée dont la présence est généralement de 7 mois. « On accueille ces jeunes depuis la création du dispositif, alors qu'il s 'appelait Tour d'Europe des jeunes » rappelle Jean-Pierre Burtz. Un partenariat avec le centre de linguistique appliquée a le même effet. « Recevoir une vingtaine de nationalités permet un vrai brassage, culturel et linguistique. C'est aussi une façon de promouvoir la culture et la langue française. Nous voulons éviter le repli sur soi et favoriser le mélange entre les francophones et les autres. Par exemple dans les logements, nous essayons de mêler les nationalités. Les stagiaires étrangers sont aussi ici pour apprendre le français. Autant qu'ils profitent de ces lieux pour se perfectionner en parlant avec d'autres jeunes ». Le FJT a également une mission d'accueil de jeunes majeurs, en partenariat avec l'aide sociale à l'enfance. « Mais attention, ils sont suivis par un éducateur référent, ce qui n'est pas notre rôle. Nous, nous les accueillons dans l'idée de promouvoir leur autonomie et de favoriser leur épanouissement ».
Ouverture, mélange des public ne participent pas d'une volonté isolée du foyer Les Oiseaux : il permettent de répondre à la mission d'insertion et d'accompagne ment des jeunes à laquelle tous le FJT souscrivent. Dans la charte commune, c'est la notion primordiale. Dans ce cadre la dénomination foyer peut être trompeuse. Le logement n'est pas une finalité mais un moyen. Même s'il demeure le principal, traduisant fortement la volonté d'aide aux jeunes qui « rencontrent des obstacles pour s'intégrer dans la vie économique, sociale, culturelle, civique » (charte des FJT). Dans cet esprit, s'il existe des conditions d'accès, le FJT est à même d'examiner toute demande. « Il y a toujours un peu de places, le turn over est rapide note Christophe Baugey, responsable du logement. En sachant que l'on ne prend pas de groupes, car le
Centre international de séjour est à même de s'en charger. En dehors de l'été, on est à même de répondre à 99 pour cent des demandes ponctuelles. Qui sont souvent un dépannage d'une nuit ». Christophe Baugey reçoit de toute façon chaque demandeur pour étudier avec lui ses problèmes de logement. C'est du cas par cas. Et si les résidents ont théoriquement entre 16 et 25 ans, dans les faits, l'accueil est plus souple. Difficile de faire autrement lorsqu'on prône l'ouverture et le mélange des populations. « Il arrive que l'on reçoive des gens plus âgés. Et puis il faut être proche des réalités sociologiques. L'âge du premier emploi a reculé, donc on a repoussé à 27 ans la limite théorique d'âge. Plus que l'âge, ce qui compte c 'est la présence d'un réel projet d'insertion sociale et professionnelle.»
La politique du FJT n'est de toutes façons pas de cloisonner les jeunes ou les plus âgés. S'il organise des concerts de rock, proches de son public théorique, il y a aussi une guinguette par mois. Le décloisonnement se traduit à tous les niveaux. Comme celui de la restauration, ouverte aux personnes extérieures. Il n'est pas rare que des élus de la région viennent prendre un repas au FJT et côtoient des résidents qui ont droit à 25 repas pour 50 euros, tarif traduisant la volonté d'aide aux jeunes. Autre exemple, les associations extérieures qui le sollicitent peuvent obtenir ponctuellement une salle pour une réunion. Et dans le même ordre d'idée, le foyer dispose d'une vingtaine de logements de 50 m2 entièrement équipés dans le quartier des Orchamps. « Au départ, la volonté était d'investir un quartier vieillissant avec des jeunes, tout en permettant à ceux-ci de devenir plus autonomes. On peut même les aider à franchir le pas pour accéder au logement social ». Il est d'ailleurs indéniable que le foyer Les Oiseaux a pris une place vivace dans le quartier. « Quand on passe un film ou que l'on organise un concert, il y a du monde, cela génère des allées et venues. Mais on n'a jamais eu une plainte » se félicite Jean-Pierre Burtz. Au total, les responsables évaluent à 1000 le nombre de résidents chaque année. Quant au passage, il doit atteindre le même chiffre, mais quotidiennement. « En réalité, on représente véritablement un microcosme de la société » conclut Philippe Romanoni.
Stéphane Paris
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