Sept février, studio de la Rodia à Besançon. Jean-Philippe Putaud-Michalski, réalisateur de Mandeure, enregistre une deuxième série de voix off après une session au Silex (Auxerre) et avant une 3e à Audincourt (Moloco). Elles serviront de commentaires aux 19 films d’ "Histoire(s) en court" réalisés par des élèves de collèges et lycées de toute la région.
Pour l’instant, c’est Maëva, 17 ans, qui enregistre. Elle lit le texte qu’elle et ses camarades de terminale gestion administrative ont écrit pour raconter l’histoire d’Amor Hakkar, cinéaste bisontin aux origines algériennes. L’exercice n’est pas facile, mais les conseils de Jean-Philippe Putaud-Michalski sont précis. Il lui fait répéter autant de fois qu’il le faut, pour trouver le ton juste. «Ne récite pas. La voix off, c’est un partage dont les nuances portent le film». «Pousse le son en prenant une grande respiration». «Cette phrase, il faut la dire en souriant car elle évoque ses bons souvenirs». «Là, ça doit être un peu plus rythmé». «Insiste sur "destin artistique" car c’est ce qui le définit». «Il faut appuyer sur "Franc-Comtois bisontin et Algérien berbère", c’est important, on est dans le sujet».
En enregistrant, Jean-Philippe Putaud-Michalski pense déjà au montage à venir du film de 2 mn. Maëva, elle, termine un travail entamé en début d’année avec ses camarades du lycée Jouffroy d’Abbans à Baume-les-Dames. «Ca m’a plu, mais je ne pensais pas que ce serait si compliqué. Une bonne expérience». Laura, l’une de ses camarades qui l’a accompagnée pour la séance dessine un bilan positif de l’ensemble. «On ne connaissait pas Amor Hakkar et on a découvert quelqu’un de très sympa. Il était disponible, il est venu nous rencontrer au lycée. On a découvert des choses qu’on ne pensait pas, par exemple les bidonvilles aux Founottes. Son histoire inspire le respect, il est parti de rien pour arriver à ce qu’il voulait faire, des films. Cela peut faire réfléchir ceux qui ont des préjugés».
«Passer par le sensible
et non la théorie»
C’est la première fois que Lyse Mahieu, prof de lettres et histoire et Roland Duflot, documentaliste, décident d’inscrire des élèves aux "Fabriques citoyennes". «J’ai toujours été sensible à cette thématique dit la première. Participer peut avoir un grand intérêt dans un lycée professionnel en milieu rural où les discriminations sont peut-être plus présentes… Rencontrer quelqu’un issu de la diversité permet de passer par le sensible et non la théorie. Sa personnalité, son parcours exemplaire peuvent aider à casser les préjugés. Quand Amor Hakkar est venu au lycée, c’était un temps fort».
Comme tous les autres participants, les élèves ont dû respecter certaines consignes : bâtir un court métrage à partir d’images d’archives et de leurs propres recherches avec uniquement un commentaire en voix off. Un très bon exercice selon Manuelle Desbrières, prof de français du collège Carnot, à Dijon, qui s’est intéressée avec ses élèves au peintre Yan Pei Ming. «L’aspect très positif du dispositif est le côté concret. C’est gratifiant pour les élèves de construire quelque chose, d’oser. Même si ça demande du temps, ça vaut le coup». Ceux de Carnot ont eu l’agrément d’être reçus par le peintre dans son atelier. «Il a été très disponible, nous a montré ses œuvres» raconte Louis, chargé de la voix off du groupe. La présence à leurs côtés d’Etienne, professeur stagiaire de 23 ans qui a l’avantage d’être passé par une école d’audiovisuel à Nice, leur permet d'aller plus loin dans la démarche. ils ont beaucoup filmé. Des séquences qu’ils ne pouvaient utiliser pour "les Fabriques citoyennes" en raison du format imposé. Mais ce n’est pas perdu : ils envisagent d’en faire un documentaire plus long. «Tous ces jeunes ont fait un travail d’enquête, de recherche d’archives, d’écriture souligne Jean-Philippe Putaud-Michalski. Et à mon avis, ça les a éveillés».
Stéphane Paris
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