février 2002

Amnesty songe à étendre son champ d'action

Les 8, 9 et 10 mars prochain, la section française tient son congrès national à Besançon.
Dessin Christian Maucler

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« Au pessimisme de l'intelligence, opposer l'optimisme de la volonté ». L'expression utilisée par Denys Robiliard, président de la section française d'Amnesty, dans la Chronique, mensuel de l'association, résume assez l'esprit qui anime les militants. Elle était vraie il y a quarante ans, lors de la création, elle l'est toujours en 2002. De la volonté, il en faut. A opposer au découragement embusqué en chacun devant ce monde qui change sans changer, au réalisme des «aquoibonistes»... De la volonté pour continuer à vouloir se battre pour les droits de l'Homme après ce qu'a été 2001. Des motifs d'espoir subsistent cependant. Ils alimentent cette fameuse volonté et nourrissent les convictions des militants. Qui admettent qu'ils en parlent trop peu, qu'ils ne « communiquent pas assez là-dessus » puisque'aujourd'hui qui ne communique pas n'existe pas. Qui admettent qu'ils devraient plus souvent s'arrêter sur leurs victoires - car elles existent, oui. Mais leurs convictions, la dynamique du mouvement, les nécessités du jour l'emporteront toujours : une affaire réglée, il faut s'empresser de s'intéresser à une autre. Quand Amnesty s'intéresse à un cas, c'est souvent qu'il est question de vie en danger. Alors dans cette situation, s'attarder à communiquer... A insister sur le fait qu'en 2001, 12 Etats ont ratifié la convention contre la torture. A signaler qu'en moyenne, une action urgente sur deux aboutit à des résultats positifs, c'est-à-dire la fin des maltraitantes ou la libération d'un prisonnier d'opinion. « Et encore, on fait plus d'information qu'il y a 10 ans, note Claude Penotet, membre bisontin d'Amnesty et coordinateur du congrès national organisé à Micropolis les 8, 9 et 10 mars. Aujourd'hui, c'est même 50 % de notre temps. Mais on ne sort pas dans la rue clamer nos résultats ».

Trois questions importantes en débat

Ils sont actuellement 21000 en France, suffisamment convaincus de l'utilité et de l'efficacité d'Amnesty International pour adhérer et militer. Pour faire partie d'un mouvement impartial d'interventions directes pour la défense des droits de l'être humain, la libération des prisonniers d'opinion dans le monde, l'abolition de la torture et de la peine de mort, la lutte contre les assassinats politiques et les disparitions, et la défenses des droits des réfugiés. 21000, moins que les 25 à 26 000 de la fin des années 70, mais un chiffre tout de même important. Seulement, l'association admet que l'âge moyen des militants vieillit. Ou plutôt que les jeunes ne sont pas assez présents. « On a eu un forum national sur les nouvelles formes de militantisme. Dans l'ensemble les jeunes n'ont pas envie d'être encartés, de se sentir enfermés. Ils veulent s'impliquer mais pas forcément venir à des réunions tous les 15 jours. Désormais, Amnesty leur laisse la possibilité de militer sans être un adhérent. Dans un groupe, il suffit qu'un seul le soit et les autres peuvent graviter autour. De même on n'est pas obligé d'être membres pour participer à des actions ponctuelles ».
Le développement du mouvement par l'animation de nouveaux réseaux de militants et la question du militantisme en 2002 sera l'une des trois principales questions abordées au congrès de Besançon. Les deux autres concernent l'action elle-même : l'extension du mandat d'Amnesty aux violations des droits économiques quand ces derniers relèvent d'une politique de discrimination et la possibilité d'intervenir dans son propre pays. « On le fait déjà pour les réfugiés, mais la question est de s'intéresser aux cas des Français victimes de violations des droits de l'homme en France. Quant au premier thème, il est en réflexion depuis 2 ans. Idéologiquement, on est assez pour, mais certains pensent que d'autres associations sont déjà là pour ça. Et d'un autre côté se pose la question de l'efficacité : est-ce qu'en augmentant le champ d'action, on ne la diminuera pas ?»

Impartialité et vigilance

En tous cas, en 40 ans, l'organisme a eu le temps de faire ses preuves dans son champ traditionnel. Et acquis une image de sérieux indubitable et un fonctionnement propre à satisfaire les militants. « Les propositions d'actions et les consignes sont émises au niveau national. On ne discute pas le bien-fondé d'une action non par interdiction mais parce que l'on a confiance. On sait, au bout de 40 ans d'actions, que lorsque Amnesty publie quelque chose, c'est véridique. Il n'y a pas de plantage » résume Mathilde Touyard, militante bisontine. La fin du raidissement idéologique de la guerre froide a eu aussi ses effets. Claude Penotet se souvient qu'il y a 20 ans, « l'impartialité était moindre. Il n'était pas question pour les militants CGT et PC d'intervenir en URSS ». Aujourd'hui, Amnesty peut se vanter de penser droits de l'homme avant tout. « Après les attentats du 11 septembre, nous avons ouvert une cellule de crise au niveau national. Pour veiller à ce que, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, on ne supprime pas les droits élémentaires des gens ». Et quand un tel foyer de tension occupe totalement l'actualité, l'association se targue de garder l'oeil à tout. « L'Afghanistan ne nous fait pas oublier qu'en Tchétchénie, l'on continue à massacrer ». Et comme le signale Claude Penotet, « il n'y a pas beaucoup d'organismes qui dénoncent les violations des droits de l'homme par Israël ». Impartialité et vigilance sont propres à satisfaire le militant de base, autant que le mode d'action, qui perment à ceux qui se sentent impliqués par les problématiques des droits de l'homme dans le monde, de pouvoir agir ici.

Stéphane Paris
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