octobre 2020

Animal on est mal

Ecologie, antispécisme, santé ont relancé les débats sur la manière de s'alimenter. Végétarisme et végétalisme aident-ils vraiment à résoudre les problèmes liés à l'état de la planète ?
Dessin Christian Maucler

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Après le bien-être animal, la préoccupation environnementale serait la seconde motivation du passage au régime non carné. Les jeunes végétariens associent notamment alimentation, impact sur la planète et compensation, par le végétarisme, des pratiques des non-végétariens. Cette préoccupation part du principe que l’empreinte carbone d’un régime végétarien ou végan est en l’état actuel de la production agricole moindre qu’un régime avec de la viande. Est-ce vraiment le cas ?
Tout dépend de la quantité de viande. Et de son type : par exemple, en supprimant le bœuf et l’agneau, l’empreinte carbone est proche de celle d’un régime végétarien ! De toute façon, ce n’est pas à l’arrivée, dans l’assiette, que se situe majoritairement le problème : les conditions de production, de transport, d’achat sont beaucoup plus prépondérantes. Il vaut mieux aller acheter de la viande à vélo que des légumes en voiture. L’origine de l’une et des autres entre également en compte. Selon son point de vue, chacun adapte les arguments à son raisonnement. Exemple : « pour consommer 600 calories de pomme de terre (le légume le plus énergétique), il faudrait en manger plus de 780 g, et cela émettrait environ 2,3 kg de CO2. Pour avoir 600 calories en consommant par exemple, de l’échine de porc, il faut en manger seulement 200 g pour “seulement” 600 g de CO2 émis dans l’atmosphère » écrivait en 2016 Clément Fournier rédacteur en chef de Youmatter.
Les chiffres d’empreinte carbone et de besoin en eau varient beaucoup, entre produits d’origine animale comme entre produits végétaux. Certiains produits carnés ont une empreinte inférieure à certains légumes. Il est tout à fait possible de faire une diète végane avec des produits à l’impact écologique élevé (avocat, riz, quinoa…).
La controverse est encore plus agitée d’exemples et de contre-exemples lorsqu’on aborde les modes de production, de transport et de transformation. Les uns avancent que l’industrie de la viande est responsable de 15 % des émissions de gaz à effet de serre. Les autres que, selon une étude de l’Université Carnegie-Mellon, le passage au tout-végétarien ferait augmenter les émissions de gaz carbonique de 6 %, la consommation d’eau de 10 % et celle de l’énergie de 18 %. Le premier poste de transport alimentaire concerne la nourriture des animaux. Mais le second, les fruits et légumes.

Le meilleur système agricole serait mixte

Si l’on évoque le système d’élevage le plus intensif, il y a peu de doute sur l’impact écologique. Mais il existe aussi des systèmes de culture intensif, des transports d'aliments pour végétariens. Les gaz à effet de serre, la déforestation, la pollution de l’eau ne sont pas le seul fait de l’élevage. Dans ce secteur, il est à noter que le premier responsable des gaz à effets de serre est la fabrication des aliments pour le bétail. Nourrir les bêtes naturellement supprime donc ce poste.
Les études révèlent d’ailleurs que l’élevage sous forme de pâturages est même meilleur que la culture céréalière ou légumière en termes climatiques, puisqu’il contribue au développement des prairies, qui absorbent le CO2. A contrario, retourner la terre, labourer, relâchent des quantités de CO2. Sur son site, l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement écrit que certains «  types d’élevage permettent de valoriser des coproduits ou sous-produits des filières végétales qui ne sont pas consommables directement par l’homme en les transformant en produits de bonne qualité nutritionnelle. Ils permettent également de fournir des effluents pour la fertilisation des sols et/ou pour de l’énergie renouvelable, en favorisant le bouclage des cycles biogéochimiques ».
Il existe tellement de paramètres qu'il est difficile de tirer une conclusion simple, mais le meilleur système écologique serait mixte, mêlant cultures végétales et productions animales, produisant avec modération dans le respect des spécificités locales.
Prendre en compte tous les paramètres : une gageure tentée par le club Ingénierie Prospective Energie et Environnement pour établir « L’Empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France, de la production à la consommation » en janvier 2019. Parmi les conclusions : « Il apparaît clairement que l’évolution de l’assiette des ménages vers une alimentation moins carnée et la réduction du recours aux intrants azotés pour l’ensemble des productions agricoles, revêtent un enjeu majeur dans une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une simulation faite dans le cadre du projet CECAM montre qu’un régime réduisant d’environ la moitié la consommation de viande et de produits laitiers au profit d’une augmentation de la consommation d’aliments végétaux, associée à une évolution des pratiques agricoles plus économes en intrants et à une réallocation des terres agricoles, permettrait de réduire l’empreinte carbone du stade agricole par deux. Cela conduirait également à une réduction de 25 % des émissions du transport de marchandises liés aux importations, du fait simplement de la baisse de volume de celles-ci. Les potentiels de réduction d’émissions de gaz à effet de serre sur l’aval du système alimentaire sont plus diffus mais peuvent être significatifs, tels que la réduction des pertes, celle des besoins de transport ou encore le transfert modal et les progrès technologiques des équipements ».
Il y a quand même un consensus. Tout le monde l’admet, la consommation de viande est trop élevée dans les pays occidentaux. Selon l’Inrae, les apports conseillés en protéines d’origine animale sont de 175 à 245 g par personne et par semaine. En France, même si elle diminue depuis les années 80, elle est actuellement en moyenne très largement supérieure à 250 g.
Vincent Colomb ingénieur évaluation environnementale des produits agricoles et alimentaires à l’Ademe résume : «la tendance générale serait surtout de manger moins de viande, mais de meilleure qualité. Il ne faut pas faire la promotion du zéro viande, l’élevage peut maintenir les prairies et la biodiversité, et donc stocker du carbone. Mais pas l’élevage intensif. Il faut faire attention aux types d’élevages».

S.P.
En savoir plus
L’Empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France, de la production à la consommation, janvier 2019

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