Molécule naturellement présente et particulièrement concentrée dans la fleur de cannabis, le CBD et ses effets sur l’organisme font l’objet, depuis plusieurs décennies, de nombreuses publications scientifiques. Les réactions physiologiques du CBD ont été mises en évidence malgré des essais cliniques assez peu nombreux. Parmi les principales, on note ses propriétés anxiolytique et antipsychotique. Contrairement au THC, le CBD ne présente pas de risque de dépendance(1). Ses vertus antiépileptiques sont utilisées en traitement de certaines crises d’épilepsie.(2)
Cette substance aux bienfaits prometteurs est peu encadrée par la loi. S’il est illégal de prêter aux produits à base de CBD des allégations thérapeutiques, rien ne permet de connaître les quantités à ne pas dépasser ni le mode d’admission à privilégier. Selon les scientifiques, les cigarettes de CBD ont un effet irritant sur les voies respiratoires et augmentent le risque d’accoutumance au tabac, inhalé simultanément. La loi française prohibe toute incitation à la consommation de cannabis, produit illégal, pourtant les publicités en faveur du CBD entretiennent la confusion entre les deux.
Le seul indicateur concerne le seuil légal de moins de 0,3% de THC. Mais pour Jérémie Picault, producteur de CBD à Charquemont, ce taux « est une aberration ». Le jeune homme de 26 ans cultive ses plans en agriculture biologique. « Sur un pied de 2 m, les fleurs en haut du pied n’auront pas le même taux que celles du bas. Il y a des variations parfois importantes » explique-t-il. Quant à l’appellation CBD, elle précise uniquement la quantité et non la partie de la
plante utilisée. « Que ce soit 20 g de feuilles ou 20 g de fleurs, c’est la même appellation. » Or, la molécule se trouve principalement dans les fleurs de chanvre. L’utilisation de la feuille n’aurait que peu, voire pas d’intérêt. Il semble donc difficile pour le consommateur de faire confiance à un produit dont l’étiquetage reste très opaque et peu fiable.
Aucun indicateur ne permet de connaître la pureté ou la provenance de la plante. Les modes de production diffèrent en fonction des pays. « En Italie, les producteurs sont subventionnés par l’Etat, ils sont donc beaucoup plus équipés et mécaniquement assistés » explique Jérémie Picault. « La Suisse autorise jusqu’à 1% de THC. Les plantes sont moins divisées génétiquement et donc plus rentables. Ensuite le taux de THC est abaissé par extraction mécanique, ce n’est plus du tout naturel. » Le producteur se désole du manque de mise en avant du produit français. « Rien n’est fait pour dédiaboliser le CBD en France. L’Etat fonctionne à la sanction. Je me fais contrôler sur la conformité de mon équipement. Je préfèrerais qu’ils vérifient la qualité des produits importés plutôt que me dire de changer ma balance ! »
Le gramme de plante séchée est actuellement vendu entre 8 et 10 euros mais lorsque Jérémie Picault a contacté les bureaux et tabacs et autres revendeurs il n’a essuyé que des refus. « Ils m’ont ri au nez quand je leur ai dit que je vendais le gramme à 2 euros, ils l’achètent moins cher à l’étranger ! Ça va être très dur pour les producteurs français, on fait des concessions chaque année. On a des agriculteurs passionnés qui font un super travail mais la qualité n’est pas reconnue. »
Si les variations de coût pour les revendeurs sont proportionnelles à la qualité des produits, derrière les vitrines, il est impossible de les différencier. Les étiquettes, au marketing attrayant mais peu informatif, ne mentionnent aucune traçabilité. En 2018, le ministère de la justice avait élevé le seuil légal de THC à 0,3% pour la culture de chanvre. Un arrêté du 30 décembre 2021 imposait l’interdiction de l’exploitation des feuilles et des fleurs de CBD. L’année suivante, l’exploitation de produits dérivés du CBD était autorisée. En 2023, la loi évoluait une fois de plus pour annuler l’arrêté de 2021. La législation en changement constant évoque une prise de position difficile pour l’Etat. A l’heure actuelle, les normes
encadrant la vente restent très floues.
Les professionnels de la santé alertent sur la qualité, parfois douteuse, du produit en vente libre. Camille Roy, infirmière au CSAPA de Besançon (3) depuis 2018, a cessé de conseiller le CBD comme produit de substitution. « Beaucoup essayent mais ne sont pas satisfaits, ils ne voient pas d’effet. » Alors que des études se tournent vers le potentiel intérêt de la molécule en traitement contre les addictions, les professionnels restent donc prudents. « Il y a un manque de réglementation » confirme l’infirmière. Les feux ne sont pas tous au vert pour la plante en vogue.
Lauriane Noel
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