"Nous avons d’abord un rôle de
connaissance des invertébrés, pour laquelle nous mettons notamment en place de prospections de terrain, sur des secteurs pas trop connus, en multipliant les types d’habitats. A partir de là, nous déterminons si une espèce et très répandu ou non, si elle est menacée, si elle nécessite un plan de conservation. Nous travaillons essentiellement sur les criquets, les sauterelles, les libellules, les papillons et les mollusques. Ce travail s'effectue avec un réseau de
bénévoles. 60 % des données viennent d’eux, ils ont un rôle unique.
Qui sont-ils ?
En général des entomologistes amateurs, qui ont de bonnes connaissances. Mais tout le monde peut apporter sa pierre, notamment sur les espèces faciles. Il y a des papillons qui peuvent être déterminés très facilement pas le grand public. Par exemple l’aurore, papillon blanc à bouts d’ailes oranges. Quand on s’intéresse à ce domaine, il faut progresser tranquillement. Cependant, les gens intéressés ne doivent pas hésiter à nous aider. Même la connaissance d’une espèce classique a son intérêt. Au début des années 2000, il y avait surtout des collectionneurs, mais dans les collections, on trouve plus d’espèces rares que communes. Petit à petit nous faisons émerger un réseau d’observateurs qui n’hésitent pas à noter des espèces communes. Le grand public a son rôle à jouer à ce niveau.
Les personnes intéressées peuvent d’ailleurs se rendre sur le site
cbnfc.org où l'on trouve des enquêtes et des listes de discussion animées par l’office pour les insectes et leur environnement. Nous mettons en place des formations à l’utilisation de l’outil.
A partir de ces données, nous dressons une liste des espèces prioritaires. C’est notre rôle de
conservation. On essaie de savoir comment une espèce est présente, quelle est son évolution, pour quelles raisons elle est menacée.
Quelles peuvent-elles être ?
Souvent, ce sont des facteurs cumulés. Fragmentation d’habitat, réchauffement climatique, abandon de certaines pratiques humaines. L’homme fait partie du système et lorsqu’il intensifie ou abandonne une activité, il modifie l’environnement des insectes. Beaucoup de milieux n’existeraient pas si l’homme n’était pas présent. Cela dit, ce qui est vraiment néfaste, c’est
l’intensification de l’activité.
Comment agissez-vous ?
Une fois qu’on a évalué, on priorise les actions. Prenons l’exemple du papillon mélibée qui était dans le quart nord-est jusqu’aux années 70. Actuellement, il n’est présent que dans le Doubs et le Jura, dans des milieux naturels très particuliers, prés à litière ou clairières forestières, sur de petites parcelles. Comme les forêts claires ont cédé la place à des milieux plus fermés, il a disparu. Les derniers sont en Franche-Comté, donc nous avons une responsabilité. En 2003, on a commencé à caractériser sa répartition. C’est un papillon très sélectif sur une gamme de milieux très homogènes, très sédentaire. Nous avons entamé une phase d’information auprès des propriétaires des zones concernées. Nous leur donnons des conseils, passons des conventions, il arrive que nous leur proposions de vendre le terrain concerné. Ensuite
nous passons le relais à des gestionnaires comme le conservatoire des espaces naturels, les opérateurs Natura 2000, les communes, les conseils généraux, l’ONF…
Les propriétaires privés ont-ils des obligations vis-à-vis des espèces protégées ?
Oui, il y a une législation. Ils n’ont par exemple pas le droit de modifier l’habitat. Dans la majorité des cas, ça se passe bien. Nous sommes plus dans
l’explication et la sensibilisation que la contrainte. Nous avons des documents de sensibilisation et d’accompagnement que nous pouvons donner aux agriculteurs, par exemple. Un autre papillon, le cuivré des marais, ne se développe que sur des parcelles de 5 m de part et d’autre de ruisselets. Nous recommandons donc aux agriculteurs de laisser un peu d’herbe non fauchée à proximité.
Finalement, le processus de conservation est une chaîne qui passe par les bénévoles, le conservatoire botanique, les gestionnaires, les propriétaires. D’où l’importance de l’observation de la part des bénévoles.
Intervenez-vous auprès du public ?
Nous avons un rôle
d’information et de diffusion, par notre site, par de la production de documents, par la présence de stands lors de manifestations diverses ou parfois sur le terrain où nous pouvons être associés à des initiatives pédagogiques. Nous menons des formations auprès des entomologistes voire du grand public. Pour les insectes, nous avons l’appui de l’Office pour les insectes et leur environnement, association avec qui nous travaillons et mutualisons les actions depuis 4 ans".
Recueilli par Stéphane Paris
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