Le rendez-vous est donné place Grangier à 19 heures. Petit à petit, une vingtaine de bénévoles se rassemblent. Certains sont habitués, d’autres viennent pour la première fois, pour donner un coup de main. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas que des barbus. Ce soir-là, les filles sont même majoritaires, « mais tout le monde a une barbe à l’intérieur » plaisante Laurent, un des membres de l’association en se touchant le cœur.
En attendant l’arrivée de la soupe, il précise le déroulement de la maraude. Deux équipes vont être créées. L’une restera sur place, l’autre ira à la rencontre des sans-abri à travers les rues dijonnaises. Après quelques minutes, une voiture se gare. Le potage est là. Il a été conçu par le restaurant Les Bistrottines à partir de légumes bios fournis par des partenaires maraîchers. « Ce n’est pas parce qu’ils sont dans la rue qu’on va leur donner n’importe quoi » explique Maxime. Dans tous les cas, la nourriture distribuée doit respecter certaines normes d’hygiène. Les bénévoles ne pourraient pas amener des plats confectionnés chez eux par exemple.
Un par un, des SDF commencent à arriver. Certains ont pu être alertés au préalable. Quand c’est possible, l’association récolte les numéros de portable pour pouvoir anticiper des besoins particuliers et prévenir de sa venue. Après avoir bu un bol de soupe ou mangé un sandwich, les conversations s’engagent. « On n’est pas là pour faire l’aumône, atteste Maxime, mais aussi pour discuter avec eux ».
Nous nous retrouvons à parler avec Didier, un passionné de photos, qui nous a alpagué lorsqu’il a vu notre appareil. Il nous parle technique, diaphragme, ouverture, profondeur de champ, il évoque sa passion pour les photos de montagne et notamment les fleurs sauvages qu’on peut y trouver. Il ponctue chacune de ses explications par « enfin, tout ça c’était avant mes problèmes ». Sans en dire plus. Nous nous gardons de lui demander. En préambule, Laurent avait expliqué « ne leur parlez pas directement de leurs problèmes. S’ils en ont envie, ils le feront d’eux-mêmes. Mais en général, ils préfèrent parler d’autres choses. »
Certains sont pudiques et préfèrent rester à l’écart. Les barbus (ou barbettes) vont à leur rencontre pour leur apporter un bol de soupe. Les retours sont positifs. « Vous êtes formidables ! s’exclame un des sans-abri. Votre soupe est top, je suis bidonné » poursuit-il en se frottant le ventre. Un peu avant 21 heures, l’équipe partie en expédition revient. Il leur reste pas mal de sandwichs dans les bras, ils n’ont rencontré que deux personnes. Mais rien ne sera perdu. L’association est en lien avec le foyer d’accueil d’urgence Sadi-Carnot, à qui elle redonne tout ce qui n’a pas été distribué. Au total, ce soir-là, c’est une dizaine de personnes qui auront pu obtenir un peu de réconfort. Un réconfort bienvenu en plein hiver, où le thermomètre affichait 0°C, dont chacun a pu mesurer les effets après quelques heures passées dehors. « J’ai froid, lâche une des bénévoles avant de se reprendre, gênée, enfin c’est un peu mal venu de me plaindre. »
Matthieu Fort
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