Il y a bien longtemps, Socrate s'en prenait à l'écrit, facilité d'esprit qui selon lui ne favorisait pas l'exercice de la mémoire ni celui de la sagacité intellectuelle ou de la pensée autonome mais représentait au contraire passivité, paresse, semblant de savoir et discours figé à prendre comptant, sans comparaison possible avec tout ce que pouvait apporter l'oralité. Quelques siècle plus tard, l'écrit jouit d'une réputation sans faille et les reproches formulés par Socrate se sont généralement reportés sur les écrans. Contrairement à Socrate, la société actuelle admet généralement qu'il faut favoriser la lecture et si l'on demande ce qui est le plus enrichissant entre les livres et Internet ou la télévision, la réponse semble évidente.
Selon le discours dominant la culture des écrans est celle de la passivité, de la paresse intellectuelle, du semblant de savoir et du discours non vérifié. Même si quelqu'un qui lit est sans aucun doute beaucoup plus déconnecté socialement que s'il est devant son ordinateur, sa télé ou son téléphone. Il n'est pas non plus si évident de penser qu'il est moins passif ou plus réceptif. Ou encore qu'il est dans une réalité moins virtuelle que s'agissant d'un jeu vidéo.
Mais l'ancien a les faveurs du connu, de l'éprouvé, de l'habitude. Il est indubitable que la méfiance vis-à-vis des nouvelles technologies recèle une part de méfiance vis-à-vis de ce qui est nouveau. Celle qui fait dire "c'était mieux avant" ou "de mon temps, on n'avait pas besoin de téléphone portable pour être heureux".
Cela ne signifie pas pour autant que ce qui est nouveau ne véhicule pas des problèmes nouveaux. Et en l'occurrence, avec les écrans qui occupent désormais une grande partie de notre vie quotidienne, le problème semble résider dans le "trop". Trop de temps passé devant un écran signifie une forme de passivité physique. L'augmentation de l'obésité chez les jeunes des pays occidentaux y trouve l'une de ses sources. Les impacts sur la vue et le système nerveux sont également indubitables. Selon une étude américaine récente menée auprès de 4000 adolescents, cela favorise également la dépression. L'étude indique notamment "que les risques augmentent pour chaque heure passée quotidiennement devant un téléviseur". Par effet direct : les écrans le soir peuvent perturber le sommeil "qui est important pour les fonctions cognitives et le développement émotionnel", télé et jeux véhiculent souvent des messages qui peuvent encourager l'agressivité. Mais aussi par défaut : plus on est devant la télé, moins on consacre de temps à des activités sociales, intellectuelles, sportives, "qui elles ont des effets protecteurs contre la dépression". Cela ne s'arrête pas là, puisque "la dépression est la principale cause d'incapacité". L'enchaînement écran, dépression, incapacité n'est pas un phénomène systématique. C'est lorsque le "trop" entre en jeu que les problèmes surviennent. Et la progression du phénomène ces dernières années a donné naissance au concept de "cyberaddiction", assimilant tous ces écrans à une forme de drogue.
S.P.
Commentaires
Afin de poster un commentaire, identifiez-vous.