Un générateur, une cathode et une anode séparées de quelques dizaines de mètres dans un cours d’eau et des opérateurs qui effectuent plusieurs passages dans l’eau « électrifiée » pour récupérer les poissons étourdis. Abusivement appelée « pêche électrique », cette méthode permet de compter, mesurer, peser les poissons en dénombrant les espèces présentes. « On essaie aussi de déterminer leur âge » indique l'un des techniciens à l’atelier de biométrie installé sur la berge.
L’été dernier, le syndicat mixte d'aménagement de la moyenne et basse vallée de l’Ognon a mené 48 opérations de ce genre sur les affluents de l’Ognon. A Buthiers, la Buthiers (rivière et commune ont le même nom), est un petit cours d’eau qui serpente en sous-bois. C’est là que l’équipe avait choisi d’effectuer ce qu’il faut appeler « inventaire piscicole ». « L’expression pêche électrique peut susciter l’incompréhension précise Benoït André, responsable du projet. Ça paraît violent, mais l’électricité sert simplement à assommer les poissons pour les repérer et les attraper plus facilement. On ne les tue pas. On les relâche quelques minutes après. Pour avoir une vision complète du peuplement, il n’y a pas de meilleur moyen, car chaque espèce a son propre comportement ». Ce jour de septembre 2022, en 3 passages, l’équipe récupère 207 individus. Des chabots, des truites, des gardons, des goujons, des perches, des chevesnes, une écrevisse américaine. « Ce sont plus ou moins les espèces attendues, même si l’écrevisse américaine n’a pas sa place ici. Elle a été introduite et maintenant on en trouve partout dans la vallée. Elle fait régresser « notre » écrevisse à pattes blanches qui est plus fragile ».
La situation empire
Quelques mois plus tard vient le temps de l’analyse et du bilan, en comparant avec les études antécédentes – quand il y en a. « En ce qui concerne les poissons, on est loin de l’optimale et de la situation attendue car on a peu retrouvé de truites, espèce emblématique des petits affluents de l’Ognon. Même chose pour 3 autres espèces qu’on s’attendait à trouver, le chabot, le vairon – quasi inexistant – et la lamproie. Par rapport à une étude de 2011, la situation est stable pour la truite mais a empiré pour le chabot. Globalement, la situation est pire ». Explication du chef de projet : « Les raisons sont souvent les mêmes. On a une rivière qui a subi des altérations dues à l’homme. Certaines datent d’il y a 150 ans, mais d’autres comme celles qui sont liées à la ligne LGV sont plus récentes. Chaque petit aménagement a un impact. Alors certes, il y a la pollution mais le problème est surtout morphologique. La rivière a été curée, son tracé modifié ce qui a provoqué une forte incision, avec un niveau parfois à 2 m en dessous de la normale, et une modification de l’habitat des poissons. La truite perd des abris, des secteurs de frai. Il peut y avoir des km où elle ne peut plus se reproduire. Dans la basse vallée de l’Ognon, il n’y a quasiment plus de truite. La température joue aussi beaucoup. On a un réseau de sondes pour mesurer et même si ça ne fait pas longtemps, on sait qu’on a dépassé le seuil où la rivière se sent bien ».
Paramètres multiples
A ces deux paramètres (poissons et température) s’ajouteront les invertébrés, les algues et l’analyse de la qualité de l’eau pour avoir une étude complète de l’Ognon, « pas trop étudié par rapport au Doubs et à la Loue ». L’objectif, à partir de cet état des lieux, est de planifier la suite pour le prochain contrat de rivière. « Ce sera une aide à la décision pour voir ce qu’on va faire affluent par affluent. Par exemple restaurer les méandres, supprimer des barrages, réaliser des passes à poissons ».
Sur les 215 km de l’Ognon, la situation est très différente selon les secteurs. En fonction des invertébrés présents, les cours d’eau sont crédités d’une note sur 20 (20 étant la situation normale). « Là, on est à 12. Et un peu en amont, c’est 9. Les premiers affluents de l’Ognon vers Servance et Villersexel sont par secteur en très bon état, avec des notes de 19/20 depuis 20 ans. Au contraire, sur les ruisseaux de la basse vallée, on est parfois à 6 sur 20 ». De nombreux éléments ont un impact sur l’eau, ce qui explique des différences au fil de la rivière. « Vers Lure, il y a des problèmes liés aux exploitations de charbons, de fer, à l’industrie. A l’échelle de toute la vallée, il y a des stations d’épuration qui dysfonctionnent ; et il y a aussi le problème des hydrocarbures. Plus on descend, plus c’est l’activité agricole qui a un impact. Mais attention, la démarche d’après-guerre de modifier les rivières pour gagner en productivité était collective. On n’est pas du tout en conflit avec les agriculteurs et on en rencontre beaucoup qui veulent protéger le milieu. Notre démarche n’est pas juste de protéger les petites bêtes. Derrière, c’est la ressource en eau que l’on essaie de préserver ».
S.P.
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