décembre 2024

Les addictions, ça se paie !

Que l'on parle d'alcool, de tabac ou même de jeu, le fonctionnement est semblable.

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Quel est le point commun entre le vin, le cannabis et les jeux vidéo ? Leur potentiel addictif et le risque auquel cette addiction peut mener. Car toutes les habitudes ne sont pas toxiques, loin de là. Le site d’information scientifique sur les addictions Maad digital donne une définition communément admise depuis les travaux du psychiatre américain Aviel Goodman : « Il s’agit d’une affection, récidivante, caractérisée par la recherche et l’usage compulsifs d’un produit ou la répétition d’un comportement, malgré la connaissance de ses conséquences nocives. » L’habitude devient besoin et ce besoin participe d’un nouvel équilibre, ce qui engendre une forme de cercle vicieux.
Dans son introduction à Addictologie clinique paru aux Puf sous sa direction (2011), Eric Toubiana (1) souligne que « le sujet est de manière impulsive ou difficile à contrôler, obligé de recourir à un comportement ou à l’usage d’un produit pour rétablir son homéostasie et il le fait bien qu’il ait conscience du caractère potentiellement nuisible de ce comportement ». Compulsion, perte de contrôle et prise de risque sont les dénominateurs communs des produits addictifs. Il y a longtemps que la notion d’addiction n’est plus uniquement liée à la drogue, au sens commun du terme. Ni même à quelque chose qu’on ingurgite.

Habitude n'est pas addiction

Eric Toubiana écrit : « la technique qui, par définition, est au service de l’homme peut devenir un toxique aussi pathogène que peuvent l’être l’opium ou l’héroïne (…). Les cyberaddictions sont devenues des pathologies au même titre que les addictions aux jeux ou au cannabis ». Que ce soit un écran ou un joint, le chemin est le même : emprise et aliénation, dépendance et accoutumance par l’apaisement ou l’excitation procurée, soulagement et réassurance.
Ce cadre permet à certains d’inclure des produits ou activités comme le sucre, le sport ou le travail. Ces thèmes sont sujets à débats car, même s’ils peuvent avoir un impact sur la santé physique et mentale, le degré de dépendance ou l’altération des perceptions ne sont pas les mêmes que pour l’alcool ou les drogues dures. « Le terme addiction rencontre un tel succès que l’on est en droit de craindre malentendus et faux-sens pour ne pas dire contresens précise Eric Toubiana. Pour peu qu’il soit répétitif, le moindre comportement se voit qualifié d’addictif. Certains se servent du mot pour rendre compte de tics ou de manies. La publication d’ouvrages qui suggèrent que nous sommes tous « addictés » contribue beaucoup à cette confusion. Si l’affirmation de notre potentialité addictive ne doit pas être remise en question, elle ne doit pas non plus participer à ce qu’est réellement une addiction. Etre addicté implique un cortège d’effets négatifs. Cela signifie aussi la présence de souffrances ; que cette souffrance soit celle du sujet ou celle de son entourage. Elle justifie que le sujet puisse avoir besoin d’un praticien pour l’aider à se sevrer. »

Incitation à l'addiction

De même, la dépendance n’est pas systématique. Le produit doit rencontrer un terrain de prédilection ou une prédisposition (sensibilité particulière, état psychologique). Mais le doute conduit à la prévention. Notamment chez les jeunes comme le rappelait la Mission interministérielle de lutte contre les drogues en 2018 (dossier « Jeunes, addictions & prévention ») : « 
L’adolescence est une période d’intégration dans le cercle des pairs et de prise de distance vis-à-vis des parents. C’est principalement à l’adolescence que se fait l’initiation à la consommation de substances psychoactives licites, comme l’alcool et le tabac, mais aussi illicites, comme le cannabis. Les adolescents se révèlent peu sensibles aux risques sanitaires à long terme (notamment les risques de maladies chroniques liées au tabagisme et à l’alcoolisation). A cette période de la vie, le cerveau est particulièrement sensible aux effets délétères des stress sociaux ou des substances psychoactives. Depuis une dizaine d’années, des recherches en imagerie ont montré que les adolescents présentent la particularité d’être dans un état unique de transition et de remodelage cérébral qui les rendent plus vulnérables aux effets neurotoxiques des substances et à l’apparition de maladies mentales. Lorsque le cerveau est exposé aux drogues à l’adolescence, les études d’imagerie cérébrale révèlent des altérations dans l’architecture de la matière grise (neurones) et de la substance blanche (connexions entre neurones) ainsi que dans le fonctionnement (débit sanguin) du cerveau. Les jeunes sont également plus influençables et sensibles aux stratégies publicitaires des industriels. »

Le paramètre sociétal est à prendre en compte. Chaque « produit addictif » est un marché, qu'il soit légal ou non. La prévention se heurte à un discours marketing incitant à la consommation - l’achat compulsif est lui-même considéré par certains comme une catégorie d’addiction. Cela a été le cas pour le tabac et l’alcool (pendant longtemps, il a même été prétendu qu’une faible consommation d’alcool était bénéfique), ça l’est aujourd’hui pour le numérique. Dans tous les cas l’offre agit sur la demande. Les professionnels de santé ont beau jeu d’avertir sur l’usage des écrans quand l’encouragement à les utiliser est présent partout.
(1)
Maître de conférences en sciences
humaines cliniques, créateur du diplôme universitaire d’addictologie clinique à l’Université
Paris Diderot.

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