octobre 2016

Peur de l’école

La phobie scolaire concernerait 1 % des élèves. Une association spécialisée vient de publier un recueil de témoignages. Il inclut réflexions d’experts et conseils aux parents.
Peur de l’école

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«C’est à l’arrivée au collège que des filles ont commencé à se moquer de moi parce que j’avais toujours le même pantalon noir (en réalité, j’avais simplement plusieurs pantalons noirs!)».
«Notre fille parle du collège comme d’une prison, j’ai de plus en plus de mal à la lever le matin, on doit faire demi-tour sur le trajet tant elle a mal au ventre, elle peine à trouver le sommeil, etc».
«Je suis, à la rentrée, prise en grippe par un grand nombre d’élèves qui me suivent jusque chez moi en m’insultant et me menaçant, qui me harcèlent au sein de l’établissement et me font subir de petites violences quotidiennes (poussées dans les escaliers, tapes sur la tête, croche-pied)».

Ces témoignages sont issus du livre "Ecole, quand la phobie prend le dessus" (1), qui vient d’être publié par l’association Phobie scolaire. Ils évoquent les causes, manifestations et conséquences d’une phobie scolaire, dont la principale définition est celle proposée en 1974 par le Dr Ajuriaguerra, neuropsychiatre : «il s'agit de jeunes qui, pour des raisons irrationnelles, refusent de se rendre à l'école et résistent avec des réactions d'anxiété très vives ou d'angoisse si on les force à y aller». Il en résulte un absentéisme scolaire important, dont les conséquences peuvent être graves sur les plans scolaire, social et professionnel.

   Jusqu'au suicide

Les témoignages recueillis résument la situation, sans en faire le tour tant la phobie de l’école peut-être le résultat de causes multiples. C'est quasiment du cas par cas. La plus fréquente est le harcèlement, phénomène désormais amplifié par internet, les portables et les réseaux sociaux. Ces derniers rendent les "attaques" plus faciles et surtout plus constantes. «Elle a été harcelée jour et nuit sur les réseaux sociaux» a découvert Sandra après une tentative de suicide de sa fille. Moqueries, menaces et isolement sont d’autant plus insupportables qu’ils sont quotidiens et subis à l’âge fragile de l’adolescence.
Rassembler ces témoignages permet de percevoir la variété de ces causes : hypersensibilité, timidité, comportement mal perçu, difficulté d’intégration ou encore enfants stigmatisés car "premiers de la classe". Mais la phobie ne vient pas seulement du regard et des malveillances des autres. Un haut potentiel intellectuel, un "dys" (2), la peur du groupe, un événement traumatisant peuvent aussi y mener. Le Dr Marie-France Le Heuzey, spécialiste reconnue, en relève d’autres comme l'inscription dans des écoles très élitistes («une véritable catastrophe») ou encore les jeux vidéos, plus gratifiants que l'école pour certains adolescents en échec. 
Le déclenchement est parfois diffus comme le raconte une anonyme lors de son entrée en seconde : «Séparée de mes amies, affolée à l’idée de faire un choix, de me tromper, préférant les matières littéraires contre une mère qui rêvait de me voir mathématicienne, j’ai perdu pied. Un matin, peu après la rentrée, je n’ai pas pu continuer cette vie qui me terrifiait, qui m’emprisonnait et que je voulais fuir à tout prix». Quelques lignes plus loin : «Une fois devant le lycée, je n’ai pu y entrer. Je tremblais, je pleurais, je convulsais presque… Le plus difficile durant cette période a été de faire admettre à mon entourage que la phobie scolaire était une maladie bien réelle et non le fait d’une paresse quelconque ou d’un manque de volonté». De son côté, Eudoxie décrit de son côté une perception "divergente" : «A mes yeux, l’école n’a toujours été qu’une prison, une structure où l’on entasse des élèves sans nom, sans individualité, qui doivent se fondre dans la masse interminable de préjugés et de prérequis d’une société où il y a si peu de place pour des différences telles que l’authenticité, la générosité et la sensibilité». Les réactions de l’administration scolaire montrent que l’institution éducative n’est pas très apte ou habituée à gérer les cas particuliers – même s’il arrive aux "témoins" de rencontrer des personnes compréhensives. Mais l’administration est la représentante d’une société : «Notre problématique est là, comment avancer avec une telle différence dans notre société qui a ses codes, ses règles, et qu’on ne peut contourner ?» s’interroge une mère. Beaucoup racontent l’incompréhension de l’entourage. «Il n’y a pas de fatalité ; il n’y a que des idées reçues» écrit la mère de Lou.

   Rôle de l'école

En raison de cette diversité de forme, mais aussi des cas non détectés et de l’échelle des situations allant de l’anxiété à la forme sévère de phobie, il est difficile de connaître le nombre jeunes relevant de cette dernière. Les données qui circulent estimeraient entre 4 et 5 % la proportion d’élèves de 6 à 16 ans victimes de troubles anxieux les empêchant de se rendre normalement en classe. Parmi eux, près d’1% souffriraient de phobie scolaire au degré le plus élevé. Autre donnée à prendre en compte, d'après le ministère de l'Education nationale, il y a de plus en plus d'absentéisme scolaire en France. Et les enfants "malades de l'école" sont de plus en plus nombreux à se présenter en consultation. On sait aussi que chaque année en France, un enfant sur dix est victime de harcèlement au collège (chiffres officiels site Agir contre le harcèlement à l’École).
Symptômes principaux de la phobie : refus, silence, troubles du sommeil, absentéisme, décrochage scolaire, manifestations somatiques, mutilation, tentative de suicide… Le livre a été publié principalement pour aider d’autres parents à comprendre, «à mieux aborder cette problématique et à accompagner leur enfant». Il contient des regards de professionnels et une importante partie de conseils. Il s’adresse également au personnel scolaire, car selon l’association, «l'école a un rôle important à jouer dans le dépistage. Plus le diagnostic est précoce, plus la prise en charge peut être débutée rapidement, meilleur est le pronostic. En cas d'absentéisme répété, il est essentiel que la différenciation soit claire entre la phobie scolaire, le désintérêt scolaire, les conduites addictives ou la maltraitance (racket, harcèlement...)».
Les témoignages montrent aussi que la "maladie" n’est pas une fatalité. «C’est long, très long, mais un jour, on voit le bout du tunnel, soyez fort et patient» écrit Matthieu, 15 ans.

S.P.





(1)
Ecole, quand la phobie prend le dessus, éditions Josette Lyon, 386 p., 17 euros.

(2) Dys
Abréviation qui regroupe des troubles tels que dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, dyscalculie, dysphasie...

En savoir plus
phobiescolaire.org

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