Le tiers-lieu est une notion dont on parle beaucoup en ce moment. D’où vient-elle ?
Historiquement, c’est le sociologue Ray Oldenburg qui a introduit le terme de third place en 1989, en faisant référence à un troisième lieu social après la maison et le travail. Il s’agit d’espaces d’utopie sociale qui permettent l’émancipation, le travail en commun, la rencontre et créent des richesses autrement que ces deux piliers. Depuis quelques années, il y a effectivement un regain d’intérêt pour ce type de lieux et on peut émettre l’hypothèse qu’ils sont une réponse à la crise économique et écologique. Les gens cherchent à recréer du lien, notamment en territoire rural. Il y a un vrai mouvement, une vraie tendance à la mise en commun de compétences et d’outils, dont les tiers-lieux sont porteurs. Il y avait 2500 tiers-lieux recensés en France en 2021, aujourd’hui il y en a au moins 3000, voire plus.
Y a-t-il une typologie des participants ?
On ne peut pas faire de généralité, mais ce sont quand même plutôt des jeunes. Je pense que cela tient à une autre manière de s’engager ; là où les associations caritatives touchent davantage les retraités. C’est une nouvelle forme de coopération et de contribution, voire de mode de vie et de pensée. On voit aussi beaucoup de gens qui bifurquent vers une autre manière de travailler, de vivre de consommer pour être en phase avec leurs valeurs. En ce sens c’est souvent une forme d’engagement total.
On parle de 3e lieu entre la maison et le travail, mais ils semblent beaucoup orientés sur le travail justement.
Beaucoup sont des espaces de travail partagé, des espaces de coworking ou des espaces autour de la médiation numérique. Mais il existe aussi des tiers-lieux d’habitats partagés, des tiers-lieux nourriciers, culturels, ou encore autour de la santé. Certains sont portés par une sensibilisation à l’écologie, d’autres par l’inclusion socioprofessionnelle et la formation. L’un des éléments clés, c’est la mixité d’activités et de publics.
Y a-t-il d’autres notions communes ?
L’ensemble de ces lieux mettent la coopération et la libre contribution au cœur de leur projet. Elle permet d’intégrer l’autre que j’apprends à connaître. L’autre est une richesse. Il y a une entraide entre les membres autour d’un projet commun avec un partage de connaissances, de compétences, d’outils, de matériels. La notion d’horizontalité est également importante. Il n’y a pas de liens hiérarchiques. Cela facilite le développement économique car les tiers-lieux ont très peu de subventions. Ils ont besoin de créer de la valeur. En fait, il n’y a pas de définition figée. C’est plutôt une configuration sociale dans laquelle on trouve toujours 5 éléments selon France tiers-lieux : l’entrepreneuriat de territoire, l’expérimentation et l’innovation sociales, la coopération, l’hybridation d’activités et la convivialité. En ce qui concerne la Bourgogne-Franche-Comté, nous avons créé une charte. Il n’y a pas de labellisation car cela ne nous est pas apparu pertinent, mais l’on recense les lieux sur une base déclarative à partir du moment où les lieux se reconnaissent dans la charte. Un tiers-lieu ne se décrète pas en fonction de normes.
Vous avez évoqué le territoire rural, mais les tiers-lieux ne sont pas plutôt un phénomène urbain ?
Non, 52 % sont situés hors métropoles. Les espaces de coworking sont beaucoup en territoire urbain mais on en voit de plus en plus en milieu rural, notamment pour limiter les déplacements domicile-travail. On trouve des tiers-lieux culturels hors des grandes villes. Il faut tenir compte du fait que dans l’émergence de ces nouveaux lieux, la Covid est passée par là.
Recueilli par Stéphane Paris
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