Le 26 juin, l’Agef organise une nouvelle édition du Chemin gourmand. Une animation conviviale ouverte à tous, à base de balade, de visites et de pauses musicales, dont les bénéfices sont dédiés au financement du service accueil de jour qui prend soin des travailleurs handicapés vieillissants. Les inscriptions pour le Chemin gourmand sont en général rapidement closes et répondent à la notion de solidarité mise en avant depuis 1976, année où des salariés de La Poste et de France Télécom ont créé l’Association d’étude et de gestion des œuvres des familles d’enfants handicapés à Nuits-Saint-Georges. « A l’époque, après la loi de 1975 mettant en place les CAT, il fallait tout inventer. C’est un établissement pionnier » relate Pierre Mostacci, l’actuel directeur général.
Quarante-cinq ans plus tard, l’Agef propose du travail, des hébergements, des activités de loisirs. A Nuits-Saint-Georges, tout le monde ou presque connaît l’association. Son rôle : l’accueil des personnes en situation de handicap et leur accompagnement vers le plus haut degré d’autonomie possible en fonction des potentialités de chacun. L’épanouissement et l’enrichissement sont au cœur du projet.
« Cela passe par un projet personnalisé pour chacun » souligne Pierre Mostacci. Une idée particulièrement vraie dans le monde du travail. En fonction de leurs possibilités, les adultes en situation de handicap peuvent travailler à l’Esat (1), établissement de nature médico-sociale ou en entreprise adaptée qui emploie des personnes dont la capacité de travail est plus proche de celle attendue dans le milieu ordinaire. Pour d’autres, à l’instar d’Estelle, il est question d’intégrer pleinement ce « milieu ordinaire ». Fierté pour le directeur, l’un d’eux a passé dernièrement son CAP de menuisier.
« C’est vraiment du cas par cas détaille Justine Cabral, chargée de l’insertion professionnelle et coordinatrice des actions de soutien médico-social. Il faut connaître chaque personne, ses souhaits, ses compétences, ses capacités. Cela demande un travail d’équipe coordonné avec les moniteurs d’ateliers ou les éducateurs techniques spécialisés. Mais aider à réaliser un projet est gratifiant ».
Pas d'accident dans les ateliers
Les activités professionnelles sont multiples. Dans un atelier, certains salariés assemblent des cartons pour un chocolatier. Ailleurs, d’autres assurent des emballages pour Urgo. « Nous travaillons comme ailleurs, avec des objectifs de commandes explique Pierre Mostacci. En fonction de celles-ci, on s’organise pour respecter les délais ». Outre le conditionnement, l’Agef propose des prestations dans 5 autres domaines : espaces verts, blanchisserie, imprimerie, menuiserie auxquelles il faut ajouter la mise à disposition de salariés en milieu ordinaire et la livraison de repas à domicile. L’atelier métallerie ressemble à n'importe quel atelier du milieu ordinaire. Eric, l’un des trois moniteurs encadrants montre la fabrication de petites pièces. « On commence comme ça et on finit soudeur indique-t-il. Les personnes peuvent faire des souhaits et on commence par des essais pour voir si leur profil correspond aux postes. On doit vraiment bien connaître les salariés pour savoir quoi leur faire faire. Et on est là pour compléter lorsque les tâches sont très techniques. Mais dans l’ensemble, ça fonctionne. Il n’y a jamais d’accident dans les ateliers. »
Interventions dans toute la France
L’Agef vient de fournir récemment à la Ligue de protection des oiseaux 500 nichoirs fabriqués par l'atelier menuiserie. Elle a également créé des colliers métalliques pour monter des câbles à 6 m qui ont été brevetés par Orange. L’atelier propose de nombreuses prestations jusqu’à la fabrication de structures métalliques et la pose de mobilier urbain, comme dernièrement à la gare de Dijon. « On peut intervenir dans toute la France, sourient les moniteurs. En travaillant ici, il faut juste que l’on complète notre savoir-faire technique par une formation médico-sociale. On fait plusieurs métiers en un ».
A l’atelier chaudronnerie voisin, le responsable, Jean-Luc, est passé par une formation d’éducateur technique spécialisé à l’IRTS. Il est à l’Agef depuis 2003. « Les personnes que l’on encadre ont besoin d’être accompagnées, d’avoir un lieu de travail et un rythme adaptés ». Mis à part ces différences, l’ambiance et le sérieux n’ont rien à envier aux entreprises ordinaires. « Là où dans une entreprise ordinaire, on met une personne, dans une entreprise adaptée on en met deux et en Esat quatre résume Pierre Mostacci. Mais notre objectif est de permettre à ces personnes en situation de handicap de participer à l’activité économique. La solidarité, c’est montrer qu’ensemble on est capables de faire, en étant complémentaires les uns des autres. Si l’on parle inclusion, cela ne peut passer que par l’accompagnement avec des gens formés pour. C’est vrai pour le travail comme pour les études où il existe aujourd'hui des auxiliaires de vie scolaire, ce que les plus anciens n’ont pas connu. Eux étaient au fond de la classe et on ne leur parlait pas ».
Les intéressés, eux, montrent tous avec fierté ce qu’ils sont capables de faire. A l’image de Ludovic, 26 ans, qui s’improvise guide pour faire visiter le magasin de l’atelier. « Cela fait 5 ans que je suis ici. Et quand je ne travaille pas, je fais du beatbox, du rap, du chant. Et je donne mon sang. »
Ce qui est vrai pour le travail l’est pour le reste, de l’hébergement aux loisirs. « A un moment, on avait mis en place un club de voitures sans permis en autopartage. Finalement, ceux qui pouvaient conduire ont tous voulu la leur. Pour eux, c’est du prestige qui montre leur niveau d’autonomie » relate Pierre Mostacci. L’Agef possède un foyer d’hébergement avec restaurant et des résidences avec appartements. « Là aussi, il y a l’idée d’une autonomie progressive, jusqu’à des logements à l’extérieur ». A l’Agef, les usagers ont une instance représentative au conseil à la vie sociale et leur CSE avec des activités qu’ils gèrent eux-mêmes. « Le tout inclusif serait possible dans un monde idéal mais ce n’est pas le cas conclut Pierre Mostacci. Nos usagers sont fragiles et manipulables alors nous devons les protéger. Alors l’Agef est une petite bulle qui leur donne le plus d’autonomie possible pour qu’ils se plaisent dans leur vie. Mais on est intégré dans la vie de la cité, on nous connaît. On est ouvert sur l’extérieur, ce qui est déjà une forme d’inclusion. Nos usagers ne sont peut-être pas des gens ordinaires mais comme je ne sais pas où se situe la normalité, je préfère les appeler des gens extraordinaires ».
S.P.
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