En octobre 1972, le procès Bobigny commence. Il met en cause Marie-Claire Chevalier, 16 ans, pour un avortement illégal, mais aussi sa mère et deux amies à elle, jugées pour « complicité d’avortement ». C’est après un viol que l’adolescente découvre sa grossesse, et décide d’y mettre fin. Elle est dénoncée par son violeur, connu des services de police, lors d’un interrogatoire.
Gisèle Halimi, l’avocate des 4 femmes, dénonce la loi pénalisant l’avortement. En 1971, elle a cofondé le mouvement « Choisir » aussi appelé « Choisir la cause des femmes », avec Simone Veil. Durant le procès l’avocate appuie sur les différences sociales : toutes les femmes ne peuvent pas aller à l’étranger pour interrompre leur grossesse, Marie-Claire en est l’exemple même. « Est-ce que vous accepteriez, vous, messieurs, de comparaître devant des tribunaux de femmes parce que vous auriez disposé de votre corps… ? » demande Gisèle Halimi lors de la plaidoirie du procès Bobigny.
Le procès est soutenu par de nombreuses manifestations féministes pour faire entendre la voix des femmes pour leur droit d’avortement.
Le verdict tombe, Marie-Claire est relaxée. C’est une première en France : un avortement illégal n’est pas condamné. La justice reconnaît « un cas flagrant d’injustice ». Ce procès signe un pas de géant vers une loi dépénalisant l’avortement.
Un combat déjà ancien
La lutte pour le droit à l’avortement commence 5 ans plus tôt, en 1967 avec le vote de la loi Neuwirth pour l’autorisation de l’accès à la contraception. C’est une réelle avancée pour l’émancipation des femmes. En avril 1971 l’appel « Les 343 » est publié. C’est un recueil des signatures de femmes qui assument : « Je me suis fait avorter ». Célèbre ou anonyme, toutes les femmes sont concernées par l’avortement. Avec l'adoption du nouveau nom « Les 343 salopes », l’appel ne passe pas inaperçu. La lutte des femmes pour disposer de leur corps est mis en route.
« Il suffit d’écouter les femmes »
Trois ans après le procès Bobigny, la loi qui dépénalise l’avortement est instaurée. Simone Veil, nommée ministre de la Santé en mai 1974, se voit attribuer la lourde tâche de la loi sur l’IVG. Elle présente son projet de loi le 26 novembre 1974. Le débat historique dure 25 heures, pendant lesquelles la deuxième femme ministre défend et porte son projet loi. « Je voudrais vous faire partager une conviction de femmes. Je m’excuse de le faire devant une Assemblée constituée quasi exclusivement d’hommes (489 hommes pour 9 femmes) : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.»
L’adoption provisoire de la loi est votée, le bonheur des Française se fait ressentir, elle sera en place pendant 5 ans. La loi devient définitive en décembre 1979.
Un droit fragile
Alors que le droit à l’avortement existe depuis près d’un demi-siècle, le 25 mai 2023 le groupe anti-avortement « Les Survivants » (ceux qui ont vécu après la loi Veil) a fait une campagne illégale. Dans la nuit 10 000 stickers ont été collés sur les Vélib’s de Paris avec l’inscription « Et si vous l’aviez laissé vivre… ». Deux mois auparavant Emmanuel Macron s’est engagé à présenter un projet de loi pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. Promesse faite le 8 mars 2023, pendant un hommage à Gisèle Halimi lors de la journée internationale des droits de la femme. Si cela se réalise, la France serait le premier pays à faire entrer le droit à l’avortement dans sa Constitution.
Le sujet n’est pas acquis pour tous les pays. Récemment les Etats-Unis sont revenus sur ce droit. Le 24 juin 2022 l’article Roe V. Wade, garantissant le droit à l’avortement, a été révoqué. Les 50 états sont libre d’interdire ou de limiter l’IVG. Un an après la révocation, l’avortement est totalement interdit dans 13 Etats et seulement légal dans 27 d’entre eux....
Emma Guillaume
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