Près de 30 ans de carrière : autant dire que le lieutenant Georges Chauffet est intervenu sur nombre d'accidents dans le département du Doubs. Ce qui ne l'empêche pas, bien au contraire, de continuer à être révolté par la façon dont les gens (se) conduisent sur les routes. Son avis à travers quelques thèmes :
Comportement des conducteurs
«A mon avis, les comportements sur la route sont de pire en pire. Pour moi, il y a une raison essentielle au nombre de morts : les Français sont indisciplinés. Tant qu'il n'y aura pas une mentalité plus aiguisée vis-à-vis de la sécurité, rien n'évoluera. Ce n'est d'ailleurs pas seulement vrai pour la route, il suffit d'observer le nombre d'accidents domestiques concernant les enfants pour comprendre que l'esprit de sécurité est absent... En Angleterre, il y a beaucoup moins d'accidents et je pense que c'est dû à une autre culture de comportement des usagers, une mentalité qui amène à plus de sagesse. Là-bas, le compor-tement «M. Costaud au volant» existe moins que chez nous. Donc, en France, on pourra toujours faire de la répression mais on aura du mal à atteindre les objectifs fixés par les responsables politiques. Il faut commencer à développer l'esprit de sécurité dès la maternelle».
La route
«Parfois, il n'y a pas besoin de chercher loin la cause d'un accident, notamment quand c'est l'alcool. Parfois c'est la route qui est en cause mais il faut aussi compter que dans de nombreux cas, les gens n'ont pas conscience du danger et sont responsables. Regardez par exemple les précautions autour des virages des circuits de F1 : ils sont plats, avec des fuyantes pour les différentes trajectoires susceptibles d'être prises, bordés d'amortisseurs, avec des terrains meubles où les voitures peuvent éventuellement s'enfoncer pour éviter le pire. Sur la route, les virages ne sont pas conçus comme ça, les prendre trop vite est un vrai danger. Dans 90 % des accidents, c'est l'homme qui est responsable. Jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas l'engin qui boit, c'est le conducteur.»
Les accidents
«Il faut entendre une mère hurler de chagrin pour comprendre bien des choses, c'est atroce. Parfois nous trouvons des personnes dans des états tellement épouvantables qu'on se demande après coup : «comment a-t-on pu les sauver ?». Evidemment, au moment de l'intervention, on ne se pose pas la question, on n'a qu'une envie, c'est sauver des vies, on se met en quatre s'il le faut... Que la personne soit blessée gravement ou pas, un sapeur-pompier sur un accident n'est plus le même homme, il s'accroche pour mener le combat de la vie avec la victime, il a beaucoup de mal à «lâcher». Le pompier qui fait du secours n'est pas la même personne que dans la vie courante. Pour lui un mort est un véritable échec et il y a un refus total de cet échec. On ne joue pas perdant, on est là pour gagner.
Mais dans un même temps, il faut savoir rester froid même si, quelque part, il y a toujours l'homme derrière le pompier... Un enfant accidenté ne laisse pas indifférent, cet enfant pourrait être le sien... Et quand on sent au bouche à bouche que la vie s'amenuise, c'est terrible...
Le rôle des sapeurs-pompiers
«Notre rôle s'arrête lorsqu'on a transporté les victimes et qu'il n'y a plus besoin d'assurer la sécurité de l'ensemble du site. Car si les gendarmes ont un rôle de protection, et d'enquête au sens pénal, sur les accidents, le sapeur-pompier représente également l'autorité publique et assure la sécurité de l'ensemble du site sur lequel les secours publics interviennent. Nous sommes ensuite sollicités comme IDSR (inspecteur de sécurité routière) à la demande du directeur de cabinet du préfet, avec d'autres partenaires du service public ou du privé.»
L'esprit de sécurité
«Pour le public on est parfois des héros. Mais nous ne sommes pas des gens exceptionnels, nous sommes comme tout le monde et on se surprend soi-même, quand on repense à certaines situations on se dit qu'on ne se serait jamais cru capable. Regardez un pompier conduire sa voiture personnelle puis un véhicule d'intervention dans l'urgence : il n'est pas le même. Au volant du camion, il fait ce qu'il est incapable de faire avec ma voiture. Paradoxalement, il y a très peu d'accidents de la route avec des engins de sapeurs-pompiers. C'est ce qui me fait dire qu'au moment d'une intervention, nous sommes différents. Même si on utilise la sirène, même si le code de la route nous donne le droit à la priorité, on est conscient du risque et nous marquons au besoin l'arrêt car nous avons l'oeil partout. Cela montre que l'esprit de sécurité existe. Si nous l'avons, pourquoi pas les autres ? Cela fait partie de notre culture professionnelle, mais je pense qu'on peut développer cet esprit chez tout le monde en s'y prenant dès le plus jeune âge».
Recueilli par Stéphane Paris
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