En ce jour de veille de vacances de printemps, 25 élèves de l’école primaire Henri Challand ont rendez-vous dans la nature avec un apiculteur. On est à Nuits-St-Georges, dans un verger conservatoire pédagogique créé par la Ville, un lieu choisi par les enfants eux-mêmes en début d’année, dans le cadre d’un projet d’Aire terrestre éducative. Leur permettre de s’approprier l’espace naturel et de s’y impliquer est l’un des enjeux des ATE, coordonnées en Bourgogne-Franche-Comté par l’agence régionale de la biodiversité. L’enthousiasme de la découverte, et peut-être de la proximité des vacances, incite Jean-Pierre Martin, l’apiculteur, à tempérer d’emblée. « Attention, avec les abeilles, il faut être très calme et ne pas courir partout ! ». Mais les enfants sont plutôt attentifs et curieux de découvrir le fonctionnement d’une ruche et la fabrication de miel. Les questions fusent. « Combien pèsent les cadres avec le miel ? Tu fais beaucoup de miel ? Est-ce qu’on pourra goûter ? Tu mettras ton déguisement ? » A son tour, Jean-Pierre Martin demande aux élèves ce qu’ils savent des abeilles. Réponses : « Elles font du miel. Elles piquent. Elles butinent des fleurs ».
Jean-Pierre Martin, apiculteur à Argilly, est surtout là pour expliquer l’organisation étonnante des abeilles, leur fragilité, leur importance. « Savez-vous qu’il faut des centaines de milliers de km parcourus pour produire 1 kg de miel ? Qu’une reine pond 2000 œufs par jour ? » Lui-même a été sensibilisé par un autre apiculteur en 2012. « J’avais une propriété où un essaim s’était posé. Je l’ai appelé pour savoir quoi faire et il m’a suggéré l’idée d’avoir des ruches. Je me suis dit pourquoi pas, il m’a montré en une saison. Il n’y a pas vraiment de formation, on apprend sur le tas et chaque apiculteur fait à sa façon. Depuis je continue… » Comme tous les autres, il s’alarme de importantes pertes d’abeilles actuelles, en raison des constructions, des maladies, de la pollution voire du frelon asiatique.
Démarche pédagogique et synergie
Lancées en 2018, les ATE sont destinés aux élèves du CM1 à la 3e, dans le cadre de l’éducation à l’environnement et au développement durable qui vise à « créer du lien entre l’individu et son environnement naturel, culturel, socio-économique tout en permettant une prise de conscience de l’urgence de préserver notre environnement en sortant de l’approche anthropocentrée ». Elles placent l’élève « au cœur de la démarche en le rendant acteur de la préservation du patrimoine naturel et culturel de sa commune ». Une idée des ATE est de confier la gestion participative d’une parcelle de zone naturelle à des élèves, dans une démarche pédagogique autour de l’environnement et de la biodiversité dans le cadre du programme scolaire. Les élèves étudient leur aire éducative et décident des actions à y mener pour préserver le patrimoine naturel et culturel. Mais ils ne sont pas seuls. Outre leurs enseignants, un référent du domaine de l’environnement et des intervenants les accompagnent au long de la démarche. Une autre idée centrale des ATE est de mettre en synergie des acteurs sur le terrain.
A Nuits-Saint-Georges, ce sont les jeunes qui ont effectivement choisi le verger conservatoire. Responsable du service espaces verts et propreté de la Ville, Mathilde Rollot était présente lors de l’animation. « On a créé cet espace pour la biodiversité mais aussi à des fins pédagogiques, donc ça tombe bien. C’est dans l’air du temps, mais c’est important. Dans le cadre de l’ATE, cela permet à des enfants des villes d’avoir accès à la nature ». Même à Nuits-St-Georges, une commune de 5500 habitants, proche de la nature, le besoin de reconnexion est ressenti.
Au total, cette année, les élèves de Henri Challand ont passé 12 demi-journées sur le terrain encadrés par une association de Chenôve, Pirouette Cacahuète, intervenante référent sur deux ATE. Le jour de la sortie nature, à côté de la sensibilisation à l’apiculture, Chloé Fourneret et Kelly Joly, animatrices de l'association, ont proposé aux enfants de mettre la main dans le terreau. Opération semis de fleurs au programme. Les élèves s’y sont prêté entre sérieux et amusement, chacun responsable d’une bande de plantation. « Le projet s’inscrit sur 3 ans explique Chloé Fourneret. Après avoir identifié le lieu d’action, défini les enjeux et mis en place le projet, l’idée est d’être au maximum dehors. On veut que les enfants touchent, sentent, observent, qu’ils n’aient pas peur de la nature ». Auparavant, les élèves ont contribué à fabriquer des nichoirs. « Ils ont créé un affect avec le lieu, donc on espère qu’ils auront moins envie de dégrader ! Plus généralement, c’est pour ça qu’on fait ce boulot : sensibiliser, ouvrir les yeux, contribuer à changer le regard. Et on sait que c’est durant l’enfance que c’est le plus important ».
S.P.
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