décembre 1996

Ça arrive aussi près de chez vous

Vérité révélée, emprise globale sur l'individu : personne n'est à l'abri d'une prise de contact par un mouvement sectaire.
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Les extra-terrestres existent, Claude Vorillon les a vus. Du moins c'est ce qu'il prétend : «Le 13 décembre 1973, Raël rencontre le représentant d'une civilisation extra-terrestre», «le 7 octobre 1975, Raël a de nouveau rencontré l'extra-terrestre. Cette fois, il fut emmené 24 h sur sa planète» affirme un tract du mouvement relien. Depuis ces dates, Claude Vorillon se fait donc appeler Raël, nom sous lequel il a fondé un mouvement qui réclame de l'aide pour construire une ambassade chargée d'accueillir officiellement les extra-terrestres. Pour rallier de nouveaux adeptes à sa cause, il n'est pas si brutal. Tout se passe petit à petit, en commençant par un contact des plus amicaux puis des conférences et des journées portes ouvertes comme celle qui fut donnée en octobre dernier à Besançon, 33 rue des Granges.
Pour attirer des membres, toutes les sectes utilisent un discours, une théorie, un dogme absolument original, indubitable et exclusif. Une fois endoctriné, l'adepte doit être persuadé d'être membre du mouvement qui détient la Vérité contre le reste de la société. A remarquer que la Vérité est à la fois unique et multiple, appartenant sous une forme différente à beaucoup de gens, des Témoins de Jéhovah aux adeptes de Krishna en passant par les Raëliens, qu'on classe ces groupes ou non comme sectes. La présence de la Vérité est cependant en soi un indice du caractère exclusif d'un mouvement. D'où vient-elle ? En général, le fondateur, tel Paul sur le chemin de Damas, a vu la Lumière. Il détient les clés du savoir, parfois de l'uni-vers, qu'il transmet à ses successeurs. Outre ce savoir, il est parfois capable de trucs surhumains : savez-vous que si «un yogi utilise la puissance contenue dans ses cellules en faisant éclater l'énergie dont elle est composée, les gens peuvent oublier la bombe atomique» ? C'est écrit dans Le Sahaj Marg, une nouvelle tradition spirituelle de Ram Chandra, fondateur de la Shri Ram Chandra Mission dont l'un des centres européens se trouve à Augerans, près de Dole. Une fois le concept défini, posée l'idée que le gourou est détenteur de la Vérité - et donc qu'en cas de contradiction entre actes et idées, c'est toujours lui qui a raison - tout le système consiste à en convaincre le maximum de gens. L'embrigadement est un processus en trois phases : séduction, destruction des valeurs initiales, reconstruction.

«Nous sommes disciples d'un Maître»

Pour les enfants, c'est encore plus facile, puisque les deux premières étapes n'ont.pas lieu d'être. Il suffit de les faire participer dès le plus jeune âge ou de les couper totalement de l'extérieur. Ceux de l'association franco-suisse pour la conscience de Krishna, installée à Châtenois (Jura également), ont-ils une chance de ne pas en devenir membre ? Le président local déclare que «ce n'est pas nécessaire qu'on les envoie à l'école du village, on a nos propres écoles, on peut reproduire le même système d'éducation». L'influence sur les enfants explique que la justice ait parfois quelques scrupules de ce côté. En 1987, le tribunal de grande instance de Besançon a refusé, lors d'un divorce, la garde d'un enfant à sa mère, «fidèle très active de l'Eglise Evangélique de Pentecôte». Motifs du juge : «dans la mesure où les personnes affiliées à cette secte subordonnent leur comportement de chaque instant aux préceptes de leurs croyances, font oeuvre de prosélytisme, et n'hésitent pas à associer parfois de très jeunes enfants à leurs réunions et pratiques religieuses ; il a pu paraître dangereux de confier la garde d'un enfant de 6 ans à sa mère dans un tel contexte».
La Vérité délivrée par un mouvement sert à justifier toute l'organisation de la vie des adeptes, jusque dans des domaines privés comme la nourriture, la santé ou la sexualité. S'immiscer dans ces aspects, le couper de son environnement et d'autres modes dé pensée qui pourraient l'amener à douter permet de s'en occuper plus facilement. Il peut sembler étonnant de remarquer, qu'avec la liberté que certains mouvements disent laisser à leurs adhérents, ces derniers adoptent un comportement fort sémblable jusque dans les façons de s'habiller, les coupes de cheveux, la façon de parler... Comme le dit le psychiatre Michel Monroy, «les sectes ont une emprise globale : vous mangez, dormez, pensez, croyez, aimez comme le veut le groupe». D'où leur caractère potentiellement dangereux : même si ces groupes ne prônentt pas tous des suicides collectifs, ils sont capables d'imposer à tout moment ce que bon leur semble aux adeptes, les privant de leur libre-arbitre au profit de celui du dirgeant. Courrier interne de la Shri Ram Chandra Mission, pour préparer la venue du président actuel, Shri P. Rajagopalachari : «plus nous avançons sur le chemin, plus notre souvenir de LUI devient constant et plus nos activités deviennent orientées vers le but qui est le nôtre. Que ce soit dans le travail professionnel, la vie de famille ou le travail pour la Mission ou pour le Maître (...). Nous sommes disciples d'un Maître et devons apprendre à le servir par tous les moyens que la nature a mis à notre disposition». C'est d'abord l'individu qui est en danger, l'évolution se passant de telle façon que très souvent il ne s'en rend pas compte. En général, la présence des sectes et leurs capacités de recrutement sont très sous-estimées. Et pourtant ça se passe aussi près de chez vous. Un père de famille dont le fils s'est retrouvé adepte de l'Eglise évangélique à Besançc s'en désole : «nous avons fait attention à tous les dangers qui peuve guetter un jeune, comme l'alcool ou la drogue, mais jamais, avant que ça n'arrive, nous n'avions pensé aux sectes». Pourtant elles existent, Claud Vorillon en a créé une.

Stéphane Paris
En photo
Le château de l'association franco-suisse pour la conscience de Krishna à Châtenois. Cité comme secte comptant de 50 à 500 adeptes en France, le mouvement a fait du château un de ses centres européens.

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