février 2012

«Je viens travailler avec plaisir»

En Franche-Comté plus d’1 actif sur 4 travaille dans l’industrie (100 750 salariés sont répartis dans 2500 entreprises). Un domaine vaste, dont on ne connaît pas toujours les tenants, moins négatifs que l'image générale répandue. Magalie, David, Myriam, Harda, Pascal, Sébastien ; salariés et chefs d'entreprise témoignent.
Photo Yves Petit / Laurent Cheviet
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Magalie est entrée chez Diamac il y a un an. Auaparavant, elle était assistante administrative dans une radio. Sa formation : un brevet de technicien agricole. L’industrie ? «Je n’y connaissais rien, j’avais en tête l’usine, le travail à la chaîne». Chez Diamac, elle est à la logistique : expédition, marquage, saisie de commandes. «Ca a totalement changé l’image que j’en avais. Ce n’est pas du tout du travail à la chaîne, ce n’est pas fatigant, j’aime bien, je viens travailler avec plaisir». David, lui, est arrivé il y a 12 ans. Il a été embauché après son BTS microtechniques en alternance, dont il a effectué la partie pratique à Diamac.
«Si je suis encore là aujourd’hui, c’est qu’il y a beaucoup plus de 50 % de côtés positifs». Les premières années, il était à la production, quand même un passage obligé selon lui : «on ne peut pas sortir de l’école et avoir le savoir technique propre à l’entreprise sans passer par la production».  Aujourd’hui technicien au bureau d’études, il conçoit des outils en fonction du cahier des charges des clients. «Sur les machines ou en bureau d’études, le travail aujourd’hui c’est 90 % d’informatique».

     "Le déficit d'image est 
     un peu de notre faute"


Diamac, à Cléron, conçoit et fabrique des outils coupants depuis 1973. Sa clientèle vient de l’horlogerie, l’industrie médicale, l’automobile, l’aéronautique. «On fabrique des outils coupants en petites séries, très spécifiques, indique Myriam Marechal qui a repris l’entreprise familiale avec son frère Jean-Christophe Jarrot. C’est très technique, très précis, très haut de gamme,  sur un marché de niche. Aujourd’hui, les jeunes veulent tous travailler en bureau d’études. Mais il faut bien, au départ, qu’ils passent par la production, qu’ils connaissent vraiment les procédés de fabrication surtout quand c’est très spécifique comme ici. Il y a des jeunes en école d’ingénieur qui n’ont jamais vu une machine-outil, c’est un peu aberrant».
A cet égard, elle voit l’apprentissage comme méthode idéale. Le lycée Jules Haag et le CFAI à Besançon sont les principales portes d’entrée dans son entreprise. «Avec l’apprentissage, tout le monde est gagnant. Les jeunes voient le monde du travail concrètement, se rendent compte que l’humain et le savoir-être comptent beaucoup. Et surtout, si ça se passe bien,  ils ont un job en fin de formation».
Sur une trentaine de salariés, l’entreprise compte actuellement 3 apprentis de Jules Haag et un stagiaire du lycée Xavier Marmier (Pontarlier). «Accueillir des jeunes est une politique de l’entreprise, ce sont nos salariés en devenir. Nous participons à la semaine de l’industrie dans cette dynamique d’accueil des jeunes. Il faut reconnaître que si les jeunes ne sont pas toujours attirés par nos métiers, s’il y a un déficit d’image dans l’industrie, c’est aussi un peu de notre faute. Mais l’orientation est un peu compliquée parce que l’Education nationale et l’entreprise se connaissent mal et parce que l’orientation vers les voies techniques est souvent considérée comme un échec. Pourtant, il y a du travail. Et du travail qui souvent consiste à concevoir et à fabriquer quelque chose, avec une réelle valeur ajoutée, et qui au final permet de proposer un produit qui servira à faciliter le quotidien de quelqu’un d’autre. C’est un aspect important, que je n’ai pas trouvé dans le tertiaire quand j’y travaillais».

     «Je voulais voir
     du concret»


Pour Harda Brahimi, le passage du monde des études à celui du travail s’est réalisé naturellement et facilement. Cette jeune marocaine a soutenu sa thèse à Toulouse (laboratoire LAAS-CNRS) en octobre 2010. Sa spécialité, l’électronique des télécommunications. Elle a été embauchée par l’entreprise bisontine Photline en juin dernier. Entretemps, elle était enseignante à l’université Paul Sabatier, à Toulouse.
«Je connaissais Photline car j’ai souvent participé à des conférences internationales et j’ai étudié un de leurs modulateurs pour ma thèse. Je voulais m’orienter vers l’industrie plus que vers l’enseignement car ce qui m’intéresse c’est de voir le concret, les applications réelles. Au moment où je cherchais à m’y orienter, j’ai vu que Photline cherchait exactement quelqu’un de mon profil». Elle fait partie des 6 personnes recrutées l’an dernier par l’entreprise. Un nombre élevé si l’on considère que Photline compte 32 salariés et a vu le jour en 2000.
Pholtine, c’est du très haut de gamme, sur un marché pointu (10 concurrents dans le monde) : elle fabrique des modulateurs au niobate de lithium qui servent aux transmissions sur fibre optique pour des télécommunications à très haut débit.  Issue de l’Université de Franche-Comté et de l’Institut de recherche Femto-ST, cette entreprise a réalisé 4,1 millions de chiffres d’affaires en 2011. «40 % de croissance par rapport à 2010 qui était déjà une très bonne année» annonce Pascal Mollier, l’un des cofondateurs de l’entreprise avec Henri Porte et Jérôme Hauden.
«Nous sommes sur un marché de niche où notre ticket d’entrée est un savoir-faire très important et très spécifique. Quand on recrute quelqu’un, il y a un temps de formation relativement long». Les niveaux de recrutement sont très variés, de bac pro à ingénieur. «Sur certains niveaux, on a parfois du mal à recruter commente Pascal Mollier. Pas pour les ingénieurs mais plutôt à bac+2 où l’on prend des gens de BTS optique ou microtechniques». Avis aux amateurs : il existe des beaux postes dans l’industrie, sur des secteurs très avancés et pas forcément accessibles avec des études longues.

     L’industrie
     qui innove


L’industrie intègre tous les secteurs. Le médical par exemple. Sébastien Henry a créé Onefit medical en août 2011, passant par l’incubateur d’entreprises de Temis à Besançon. Sa société devrait prochainement commercialiser, après certification, des guides de prothèses orthopédiques. Ces guides servent aux chirurgiens lorsqu’ils posent un implant. L’originalité de Onefit  est de proposer une solution individualisée, adaptée à chaque patient. La société part de l’image réalisée par scanner ou IRM et, en lien avec le chirurgien, réalise un guide unique, qui permettra à celui-ci de poser l’implant dans les meilleures conditions.
«Actuellement, un implant sur 4 est mal positionné indique Sébastien Henry. Notre solution individualisée doit permettre d’améliorer cet aspect. Mais elle doit aussi permettre d’améliorer la réalisation de l’opération. Avec ce genre de guide, le chirurgien va plus vite, utilise moins d’instruments, l’opération est moins invasive, il y a moins de perte de sang, moins de risque d’infection. Du coup, la récupération et la rééducation sont meilleurs. Au final, cela permet des gains à la fois économique et sur le plan de la santé». Sébastien Henry travaille avec tous les maillons de la chaîne, les chirurgiens comme les fabricants d’implants. Quant aux guides, ils seront fabriqués au laser par une entreprise spécialisée à St-Etienne.
Pour l’instant Onefit medical se consacre aux genoux, envisage de passer plus tard aux hanches. Le système est adaptable à toutes les articulations du corps. D’autant que les débuts sont prometteurs.
«Nous avons déjà plus de demandes qu’attendu, certaines venant de Suisse, d’Allemagne, d’Italie ou d’Angleterre. On démarre très bien. Je pensais qu’on serait 7 d’ici 3 ans et on sera déjà 8 le mois prochain». Quatre salariés et 2 stagiaires travaillent pour l’instant à Onefit et si ça se passe bien, «on pourrait facilement doubler». Les profils : des ingénieurs de l’UTBM, de l’ENSMM, de l’ISIFC. «Au départ, je pensais m’installer à Lyon, mais finalement j’ai trouvé une très bonne dynamique ici. Sur le plan des formations, mais aussi de l’accompagnement à la création d’entreprise.  Même sur le plan médical, le service orthopédique du CHU de Besançon m’a beaucoup aidé». Indice de plus que la Franche-Comté est une région industrielle dynamique.

Stéphane Paris
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