En quoi consistent vos interventions avec le réseau IJ de Haute-Saône ?
J’interviens en tant que M.Loyal, autour du film "le Brio" (1), après la projection pour ouvrir le débat sur les discriminations, le racisme, le rejet. Cela peut-être moi ou une autre personne de l’institut (2). Nous sommes intervenus 3 fois en début d’année à Lure, Vesoul, Montbéliard et il devrait y avoir une autre séance à Nevers.
Comment les jeunes réagissent-ils ?
C’est un public scolaire accompagné. J’essaie d’utiliser le film pour poser des questions, faire réagir, libérer la parole, sous forme ludique. J’ai trouvé un public surpris, intrigué, avec qui il est agréable d’échanger. Sans juger des qualités cinématographiques du film, car je ne suis pas critique de cinéma, il est très bien fait, très crédible pour aborder le sujet.
Mon but est de faire passer des messages en termes accessibles à des collégiens : ce qu’est une discrimination et ce que ce n’est pas, ce que sont le sexisme, le racisme, la phobie de l’autre. Avec ce film, c’est du velours.
Pouvez-vous résumer l’essentiel de ces définitions ?
Une discrimination est un acte, et un acte illégal. Le racisme, le sexisme, etc sont des idéologies basées sur le pouvoir et le rejet de l’autre. Ils nient l’égalité de droits et le droit de l’autre à être indépendant, libre.
Etes-vous surpris par les réactions des jeunes sur ces sujets ?
Non. Ils méconnaissent le sujet, mais comme beaucoup de gens. Par exemple, si je demande s’il y a une scène de discrimination dans le film, la majorité tombe dans le panneau : il n’y en a pas. Alors je rappelle qu’une discrimination est un acte illégal recevable en justice, qu’il faut un préjudice réel, matériel ou moral, et qu’on puisse le prouver. Un acte punissable de 3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende, même si en pratique ce n’est jamais le cas. La grande majorité des gens voit la discrimination comme un problème moral et social et non pas juridique et technique.
Dans le film, il n’y a pas de propos raciste mais des propos stigmatisants, il n’y a pas de harcèlement moral. Le public se rend compte que ces sujets sont beaucoup plus compliqués qu’on peut le penser.
En réalité, le film tourne autour des hiérarchies et inégalités de classes sociales. Il parle du mépris social et là encore ce n’est pas simple puisque l’on peut avoir de l’argent et être indigent culturellement. Parenthèse positive, ce film est un bel éloge de la réussite scolaire, de l’enseignement et de la transmission, de la relation maître/élève. Sur ce point de vue des inégalités culturelles et sociales, de mondes qui ne se côtoient pas, les jeunes ont un regard très lucide. Ils sont aussi très à cheval sur la notion d’injustice.
De manière générale, pensez-vous qu’il y a une évolution sur la perception des discriminations ou des phobies ?
Les jeunes que j'ai rencontrés considèrent que c’est négatif. Aucun d’entre eux ne remet en cause ce jugement. J’ai également cette perception de la société en général, mais il faut faire le constat que nous n’avons pas mis en place d’instruments de mesure du phénomène. Il y a très peu d’études et elles sont lacunaires. Nous n’avons pas de baromètre, de calcul précis du racisme, de la xénophobie, des discriminations et les chiffres dont nous disposons sont peu fiables.
Je constate simplement qu’aujourd’hui on n’est plus dans le déni alors qu’à une époque on disait qu’il n’y avait pas de racisme en France. En ce qui concerne l’évolution des mentalités, je n’en sais rien. Bien malin qui peut le dire.
Je constate également la grande avancée de la reconnaissance des discriminations. L’égalité pour les femmes, les homosexuels, les handicapés est devenue un enjeu professionnel. Le point négatif, c’est qu’il n’y a pas assez de répression visible, pas assez de procès. Et pour cela, on n’a pas besoin de loi supplémentaire, on a seulement besoin d’une volonté d’appliquer l’arsenal qui existe. Ajouter des lois aux lois ne sert à rien, et même actuellement, je considère que des propositions comme celles sur le regard représentent un retour de l’ordre moral. Je comprends que l’on condamne des paroles, que l’on condamne le contact physique non consenti, mais passer au regard, c’est aller loin dans le politiquement correct. Je ne nie pas qu’il n’y a pas de relation de séduction dans le regard, mais si on l’interdit, comment fait-on ? Tout le monde met des lunettes noires ?
Recueilli par Stéphane Paris
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